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Le Stück mise sur le paiement par mobiles pour être enfin compris

Où en est le Stück, la monnaie locale du Bas-Rhin, en place depuis 2015 ? ses billets de couleurs vives se font rares. L’association espère que le paiement numérique donnera un nouveau souffle, afin de sortir d’un cercle restreint d’utilisateurs.

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L’arrivée d’une monnaie locale dans le Bas-Rhin était un petit événement en 2015. La monnaie locale du Bas-Rhin a depuis été adoptée par plus de 400 particuliers, et 229 professionnels, soit plus de 600 adhérents au total. Mais, faute de traçabilité, difficile de savoir si les 75 000 Stücks actuellement en circulation dorment dans les portefeuilles ou s’ils sont réellement échangés.

L’utilisation freinée depuis la pandémie

Depuis mars 2020, l’utilisation de la monnaie papier est devenue plus rare, constate Antoine Lévy, cofondateur du Stück et bénévole actif de l’association. « Le projet s’est presque arrêté avec le premier confinement », regrette-t-il, « car les billets ne circulent plus ». Jean-Pierre, bénévole depuis 2014 et utilisateur convaincu de la monnaie locale, échange habituellement entre 50 et 100 Stücks par mois. Mais, en 2020, il a beaucoup plus utilisé sa carte bancaire. « Certains commerces exigeaient le paiement par carte, » explique-t-il.

À la Librairie Kleber, bureau de change et commerce adhérent depuis l’origine, 943 Stücks ont été dépensés depuis janvier 2021, contre 1977 en 2019 sur la même période. C’est moitié moins. Au restaurant végétarien Velicious Burger, une à deux transactions par mois s’effectuent régulièrement en Stück. Motif d’espoir, il y a eu un pic d’utilisation en septembre 2020. Des observations qui montrent la réduction de la monnaie papier lorsque les transactions se font dans le contexte de pandémie. À l’atelier vélo Bretz’selle enfin, seules deux transactions ont été effectuées en Stück en 2020, et aucune en 2021. « On a réadhéré malgré ça, pour soutenir l’économie locale », précise Cécilia qui travaille à l’atelier depuis novembre.

Elena Rosenstiehl, adjointe de direction à la Librairie Kleber est convaincue qu’un regain d’utilisation est possible si l’association effectue une campagne de communication. Seulement, la structure repose aujourd’hui sur un noyau dur de 7 bénévoles, et aucun salarié. Une situation qui a un goût de déjà vu pour l’association. « On cherche à recruter un stagiaire, mais c’est difficile de faire venir les bénévoles en ce moment, » déplore Antoine. « On a du mal à renouveler notre bassin de bénévoles, les gens butinent mais restent rarement longtemps dans des associations, » complète Jean-Pierre. Une baisse d’implication qui complique la communication autour du projet. Ajouté au manque de traçabilité de la monnaie, l’impact du Stück reste pour l’instant peu mesurable.

Aperçu du profil utilisateur de l’application du Stück numérique (document remis).

La numérisation pour ne plus avoir à se rendre au bureau de change

Avec le temps libéré par les confinements successifs, l’équipe bénévole du Stück a pu commencer à mettre en place un projet qui lui tenait à cœur : la numérisation. « C’est un projet compliqué et technique, » précise Antoine Lévy. Il s’agit d’une application préexistante et mise en service avec l’aide de Cylaos, une entreprise spécialisée dans le domaine. L’application est encore en période de test, mais elle est opérationnelle et téléchargeable sur les plateformes habituelles. Elle circule entre une dizaine de commerçants et une vingtaine de particuliers, pour « rôder le système, » précise Antoine. « Mais c’est encore trop tôt pour les grandes annonces, » ajoute-t-il.

Lorsque l’on s’inscrit au Stück numérique, il est précisé que la monnaie locale n’est pas utilisée à des fins de spéculation. Une première garantie pour convaincre les réticents, en plus d’une ergonomie simple et intuitive. « Le but est de simplifier au maximum et d’automatiser, » explique Antoine. On choisit le commerçant ou le particulier à qui on veut faire un paiement dans une liste, ou on scanne son QR code. Principal avantage : plus besoin de se déplacer au bureau de change. Le compte se recharge via virement mensuel ou par la plateforme HelloAsso. Pour les professionnels, le numérique n’impliquera aucun investissement matériel, mais une formation pour se familiariser avec la plateforme. Un fonctionnement déjà adopté par les monnaies locales à succès, l’Eusko dans le pays Basque, ou la Gonette à Lyon.

« On sait que le défi est d’ancrer l’habitude, car le paiement par smartphone n’est pas encore répandu », relève Antoine. Incitation supplémentaire cependant si le particulier charge son compte sur HelloAsso, 3% du montant ira à une association de son choix, à chaque chargement. Le Crédit municipal n’encaissera que 97% de la somme convertie. Une façon de voir plus loin que la simple utilisation de la monnaie, et de réexpliquer l’intérêt de l’économie circulaire et locale. Enfin, l’association travaille en collaboration avec La Cigogne, monnaie locale mulhousienne, pour proposer une interopérabilité entre les deux monnaies, sur le numérique. Toutes les monnaies locales en France ont en effet la même valeur : une unité vaut un euros.

Tente du Stück au Village des Associations le week-end du 19-20 Septembre 2020 (document remis).

Convertir de nouveaux adhérents : le défi

3 768 personnes suivent la page Facebook du Stück. Mais seulement 2 861 particuliers y ont adhéré au moins une année, tandis que l’association ne compte que 412 adhérents actifs. « C’est un peu le serpent qui se mord la queue, » déplore Jean-Pierre. Pour que la plateforme fonctionne ou que le Stück circule, il faut plus d’utilisateurs. Mais pour que la monnaie soit attractive, il faut qu’ils soient capables de l’utiliser dans un nombre de commerces suffisants. « Il nous faudrait au moins une cinquantaine de professionnels, » estime le bénévole. Et en ce moment, difficile d’aller à la rencontre des professionnels pour les convaincre et les former à la nouvelle plateforme numérique.

Lors des manifestations publiques, au camp climat d’août 2020 ou lors du village des associations en septembre, beaucoup de jeunes ont rejoint le Stück. « Ça nous encourage, » estime Jean-Pierre. En revanche, « on doit toujours démontrer l’intérêt, qui se comprend intellectuellement mais pas physiquement, » complète-t-il. Expliquer que les échanges via le Stück « renforcent » l’économie locale est compliqué.

« Au début, on passait pour des fous, » se souvient Antoine. Le Stück, et plus généralement les monnaies locales, sont connus de nom. Pour autant loin, l’utilisation est loin d’être démocratisée. Au rayon des bons points, Antoine considère que le Stück « a fait naître un débat, et participé aux réflexions sur l’économie locale et l’acte de consommation ».

Et l’association s’adapte au fur et à mesure. Pour essayer de convertir plus de citoyens, « on a abandonné le principe de monnaie fondante, » rappelle le cofondateur. Si les billets perdaient en valeur chaque année au début, pour encourager à les utiliser, ce n’est plus le cas depuis 2017. Mais preuve que l’information n’est pas encore bien passée, « certains utilisateurs viennent encore nous voir, en pensant que leurs billets ne valent plus rien, » explique Antoine.

Capture d’écran de l’assemblée générale du Stück le 23 Octobre 2020 (document remis).

Une alternative plus que jamais nécessaire

Malgré sa faible visibilité et son maigre nombre d’utilisateurs, le Stück demeure actif parmi les 82 monnaies locales françaises. Au total, elles représentent cinq millions d’euros en France, 40 000 utilisateurs particuliers et 10 000 professionnels en France. Le mouvement Sol, fédérant les monnaies locales, publiait en avril 2021 un rapport sur leurs effets. Élaboré avec Stück et de différents experts, il confirme les observations à l’échelle bas-rhinoise : le rôle des monnaies locales complémentaire est encore mal compris. Jean-Pierre explique:

« La plupart des gens pensent qu’on a vocation à remplacer l’euro, alors que ce n’est vraiment pas le cas. D’autres pensent qu’en achetant local en euros, l’effet sera le même. Mais utiliser le Stück c’est aussi participer au développement d’initiatives locales ».

En effet, l’autre conséquence, plus difficile à percevoir pour le grand public, c’est que les euros convertis sont attribués à la NEF, une société financière qui octroie des crédits à des projets à dimension sociale, écologique ou culturelle. « On est persuadés d’appartenir aux solutions à la crise, qui a mis en exergue l’importance du commerce local, de l’économie et de la résilience des territoires », résume Antoine. Reste à généraliser la pratique en Alsace pour davantage y contribuer.


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