« On a quand même une belle ville, mais les statues sont grises, tristounettes. Alors je veux leur remettre des couleurs. » Suite à notre article sur le calligraphiste syrien Ayman Hassouri, Valérie Linge nous a écrit pour nous faire part de ses difficultés. La « tricoteuse urbaine » est peinée de voir ses écharpes, ses bonnets ou ses gants disparaître des statues ou des poteaux qu’elle décore. « À chaque fois, le lendemain, mon tricot est enlevé », se désole-t-elle.
Des faits d’armes interdits?
Ancienne laborantine, puis Auxiliaire de vie scolaire (AVS), Valérie a arrêté de travailler suite à un cancer. Elle vit dans un logement social du centre-ville, où elle tricote souvent. Dans son studio, à côté d’un petit bureau, une grosse boite pleine de pelotes de laine déborde.
Sur la table, Valérie montre fièrement ses faits d’armes : une écharpe autour de la statue Pfimlin à l’Orangerie, une autre autour de la statue d’Athéna devant la faculté de droit, ou encore un tricot pour arbre sur le campus de l’Esplanade.
Valérie ne sait pas si la Ville de Strasbourg interdit son art. Elle se demande si les agents municipaux sont tenus d’enlever les écharpes des statues. Alors elle dépose ses œuvres tôt le matin, le dimanche entre 8 et 9h. « Une fois, il y avait des policiers pas loin, mon cœur battait fort, se souvient la tricoteuse urbaine, du coup je préfère le faire quand il y a personne, je suis plus tranquille. »
Des clubs de tricot, mais pas de gang
À Strasbourg, Valérie peut retrouver d’autres tricoteuses : « Il y a des clubs de tricot au Thé des Muses ou à l’Art Café du Musée d’Art Moderne… » Mais la Strasbourgeoise ne s’y sent pas toujours à l’aise : « Les gens sont dans leur tricot, c’est difficile de communiquer avec eux… » Le rêve de l’artiste : former un gang de tricoteuses urbaines, comme celui de Mulhouse, « c’est ma seule référence artistique dans ce domaine », ajoute-t-elle.
Le tricot : une mode, bientôt un luxe?
Sa mère et sa grand-mère tricotaient. Et Valérie a quarante ans d’expérience dans le domaine. D’abord, ce retour à la mode du tricot l’a fait doucement sourire : « C’est artificiel. Sur Instagram, je vois ces gens qui friment en disant qu’ils font ça pour se détendre. »
Mais la femme craint surtout une hausse des prix de la laine : « Pour une pelote de qualité, c’est entre cinq et six euros. Un seul pull, ça peut vite coûter 100 euros… Je dois toujours tout calculer. Je suis au chômage, je ne peux pas me le permettre. »
Une écharpe verte, jaune et rouge
Mercredi 4 décembre, en milieu d’après-midi, Valérie monte sur son vélo bleu direction place de Zürich. À peine arrivée, elle sort une écharpe verte, jaune et rouge et l’enroule autour du cou de la statue de La jeune fille à la libellule. De l’autre côté de la place, un vrombissement se fait entendre. C’est celui d’une balayeuse municipale. Valérie en profite pour demander au conducteur s’il doit retirer un tricot qu’il verrait autour d’une statue. L’homme ne sait pas quoi répondre.
La Ville de Strasbourg a aussi peiné à fournir une réponse à la question : A-t-on le droit de poser un tricot sur une sculpture municipale ? Après une semaine de recherches, la communication municipale n’a apporté aucun élément de réponse…
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