Une livraison en moins de deux heures en vélo électrique. C’était la promesse faite par Amazon le 16 juin lorsque la multinationale de la distribution a lancé à Strasbourg son service de livraison rapide, réservé à ses abonnés Amazon Prime. Ce dispositif permet aux habitants de 27 communes de l’Eurométropole (dont Schiltigheim, Illkirch-Graffenstaden, Bischheim et Hœnheim) de se faire livrer entre 14 et 22 heures une sélection d’environ 6 300 références, dont 1 600 articles de marques propres à Monoprix. Ces produits vont de « l’alimentaire (épicerie, produits frais, fruits et légumes, crèmerie…) aux produits d’hygiène et de beauté, en passant par les produits d’entretien de la maison ». La livraison est facturée 3,90€ mais elle est gratuite à partir de 60€ d’achats.
4 – 5 livraisons par créneau de deux heures
Dans ce partenariat avec Monoprix, Amazon se charge de la livraison et de la logistique tandis que Monoprix assure la disponibilité des produits et leur stockage. La multinationale promet dans ses publicités « un service de livraison ultra-rapide. » Rue89 Strasbourg a donc voulu en vérifier l’efficacité. Première étape, se créer un compte Amazon Prime. L’abonnement coûte 49 euros par an et permet à Amazon de fidéliser sa clientèle, peu encline à commander ailleurs ensuite. Pratique.
Une fois la commande passée, il faut sélectionner un créneau de livraison. Lorsque nous avons voulu commander vers 15h, lundi 19 juillet, il ne restait qu’un créneau de 18h à 20h. Nous avons finalement commandé le lendemain matin, vers 10h, mais plusieurs créneaux étaient indisponibles et nous avons été livrés vers 16h30. Laura Auvray, directrice alimentaire ultra-rapide pour Amazon France, reconnaît :
« La disponibilité des créneaux entre 14 et 22 heures peut varier et ils peuvent effectivement se remplir rapidement. Dans un créneau de 2 heures, le livreur effectue 4 à 5 livraisons. »
À Strasbourg, Amazon s’appuie sur le Monoprix du Neudorf, situé rue Fix. Les commandes sont préparées dans un petit local séparé du magasin, par des salariés du supermarché. Les sacs aux logos d’Amazon sont placés sur une étagère où des livreurs viennent les chercher. Les commandes sont ensuite acheminées dans 28 communes de l’Eurométropole de Strasbourg.
Sous-traitants en cascade
Plusieurs sous-traitants d’Amazon se chargent d’effectuer ces livraisons. Laura Auvray affirme que la multinationale travaille avec trois entreprises : Top Chrono, Paack et Stars Service et affirme avoir « créé 200 emplois au niveau national » pour la livraison rapide. Ces trois entreprises emploient des centaines voire des milliers d’employés, pour certaines à l’international.
Mais lorsque la commande de Rue89 Strasbourg est arrivée, son livreur, Baha (prénom modifié, ndlr) indique travailler pour une autre société : Course 7. Cette dernière est en fait sous-traitante de Top Chrono. Basée à Aubervilliers et employant une quarantaine de salariés, Course 7 s’est implantée à Strasbourg, avec ce marché de livraison.
Conducteur d’un véhicule utilitaire sans marque apparente, Baha indique être payé 8,50 euros nets de l’heure, soit un tout petit peu plus que le minimum légal (8,11€ nets de l’heure).
Contacté, le gérant de Course 7, Malik Rahou, détaille :
« Amazon réserve des créneaux de livraison, à nous ensuite d’y répondre. Mais ils ont un système appelé “forecast”, très précis qui permet d’établir des prévisions et d’employer des salariés à temps plein. Ils sont 4, dont 3 de Strasbourg, payés au Smic avec leurs primes et un panier repas. Pour l’instant, le service de livraison rapide est encore balbutiant mais il permet notre implantation en Alsace. Notre objectif est de trouver d’autres clients pour établir une base logistique. »
Des vélos-cargos électriques encore très discrets
Dans ses communiqués de presse, Amazon indique que ces livraisons rapides sont réalisées en vélos-cargos à assistance électrique. Rien de tel dans notre test, puisque Baha est venue au volant d’un véhicule utilitaire Dacia, à propulsion thermique et immatriculé dans la Seine Saint-Denis. Elane, un habitant de Furdenheim qui a utilisé quatre fois le service de livraison rapide, témoigne d’une « livraison effectuée par une camionnette à chaque fois. »
Interrogée sur ce point, Laura Auvray admet que la livraison à vélo sera pour plus tard :
« Nous sommes encore dans une phase de rodage mais nous avons prévu de passer au 100% électrique très prochainement. Il faut prendre en compte la contrainte des infrastructures dans certaines communes. Nous ne pourrons peut-être pas tout livrer en vélo électrique car il n’est pas possible d’emprunter une voie rapide avec ce moyen de transport. »
Difficile transition vers l’électrique
Quentin Dampierre, directeur général adjoint de Top Chrono, titulaire du marché strasbourgeois pour Amazon, confirme :
« Notre société a déjà entamé une transition vers l’électrique et nous sommes en capacité d’assurer ce service à Strasbourg. C’est une problématique complexe car j’ai déjà un parc de 500 véhicules, qui pour certains sont récents. Je ne peux pas opérer cette transition en un claquement de doigts. C’est devenu une exigence sociétale et c’est pour cela qu’on fait un test pilote à Strasbourg. »
De son côté, Malik Rahou, qui assure ce service pour Top Chrono, promet que deux vélos-cargos électriques sont déjà déployés à Strasbourg :
« On démarre avec ces deux unités puis on devrait rapidement en avoir quatre, comme à Bordeaux. C’est pour ça que Course 7 a été choisie, nous nous spécialisons dans les livraisons à domicile en véhicules électriques. »
Un manque de borne de recharge électrique
Autre difficulté pour les entreprises de livraison à Strasbourg : l’installation de bornes de recharge électrique. Car le foncier manque dans la capitale alsacienne pour accueillir l’infrastructure nécessaire au développement de la voiture électrique. Certains sous-traitants spécialisés dans la logistique ont a dû renoncer à Strasbourg pour installer ou louer ces équipements dans les communes voisines, comme Illkirch-Graffenstaden.
Fin 2018, la municipalité obtenait un Prix spécial du jury des Trophées des territoires électromobiles en promettant d’installer 200 bornes de recharge supplémentaires d’ici la fin de l’année suivante. Mais un an plus tard, aucune nouvelle borne n’avait été installée dans l’agglomération.
Amazon ne compte pas s’arrêter là. Fidèle à sa stratégie qui consiste à assécher le marché pour empêcher tout concurrent de se développer, la multinationale prévoit déjà d’étendre ce service de livraison rapide dans d’autres communes de la région Grand Est, en s’appuyant cette fois sur un partenariat avec Casino. Environ 200 points de collecte seront proposés aux habitants de zones moins denses que les métropoles.
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