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Les fonctionnaires du rectorat de Strasbourg au bord de la rupture

Sous-effectif chronique, manque de matériel et absence de restauration depuis trois ans… Les fonctionnaires du rectorat de l’académie de Strasbourg dénoncent des conditions de travail qui pèsent sur leur santé. Une nouvelle manifestation est prévue lundi 18 juin.

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1978-2018 : même combat pour les fonctionnaires du rectorat de d’académie de Strasbourg. Le 17 juin 1978, ils exigaient une cantine abordable et proche de leur lieu de travail, en organisant une cantine sauvage en bas de leur bâtiment. L’action avait été suivie par la création d’un restaurant administratif.

« Des frites à la cantine »

Mais en 2015, le restaurant associatif du rectorat (Resto’rec) ferme. Depuis, le personnel réclame à nouveau « des frites à la cantine. » En vain… La direction ne peut que proposer un menu à 8,95 euros, à l’hôtel associatif voisin du Ciarus. Robert Maire, syndicaliste CGT dans l’administration, décrit une solution inadaptée :

« La majorité des fonctionnaires sont de catégories B et C. Ils perçoivent entre 1 150 et 1 300 euros net en début de carrière… Alors 9 euros par repas, c’est trop cher pour eux. Et les sept autres partenariats, avec le CROUS, concernent des restaurants bien trop éloignés des lieux de travail [entre 20 minutes et 1h35 à pied, ndlr]. »

Début juin, le rectorat a annoncé la négociation d’un huitième point de restauration, avec La Poste. Ce partenariat semble plus séduisant au regard des précédents : il offre un service à dix minutes de marche. Mais les syndicalistes restent méfiants, ils attendent de voir quel accord sera trouvé pour la prochaine année scolaire. Selon la communication de l’entreprise postale, aucune négociation n’est à l’oeuvre aujourd’hui. « Un accord peut néanmoins être passé en quinze jours », assure La Poste.

Devant l’entrée du rectorat, rue de la Toussaint, les revendications des employés sont résumées par trois feuilles A4. (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)

Manque de matériel, heures supplémentaires non-payées…

La demande de cantine est soutenue par près de 250 fonctionnaires sur les 460 que compte l’administration à Strasbourg. Une pétition a été lancée en mai 2017. Mais l’initiative syndicale a permis de recueillir d’autres sources de mécontentements, dans cette administration docile, plutôt habituée à taire les problèmes. En mai 2014, il avait fallu que les habitudes princières du recteur d’alors dépassent toutes les coutumes pour que les fonctionnaires s’en émeuvent, et encore, anonymement.

Après des années de restrictions budgétaires, le manque de matériel devient patent : certains fonctionnaires en viennent à acheter eux-mêmes leurs stylos, enveloppes, scotch… D’autres amènent leur propre lampe. « Notre bureau ressemble de plus en plus à une annexe de notre appartement », souffle une employée. Cette dernière s’est mise en arrêt maladie suite à un stress trop important.

Le 7 juin, les syndicalistes du rectorat étaient reçus par la direction. Un quart d’heure après le début de la réunion, un communiqué de presse était envoyé. Il est titré « une politique en faveur des personnels administratifs des services académiques ». Le document liste les points de restauration, assure qu’un local syndical sera installé en juin mais ne contient aucun mot sur les heures supplémentaires non-rémunérées, parfois non-récupérées…

L’absence de prime de fin d’année en 2017 suscite aussi l’indignation de nombreux fonctionnaires. Une représentante syndicale regrette : « Ils ont envoyé leur communication avant même qu’on ait fini de discuter… » 

La dette de Resto’rec

Le rectorat s’est aussi gardé de communiquer sur la dette de Resto’rec. Placée en liquidation judiciaire en 2015, l’association de restauration a laissé 26 000 euros d’impayés derrière elle. Depuis, les pénalités de retard ont fait grimper la facture à plus de 50 000 euros. Selon la présidente de l’association de restauration, aucune solution n’a été présentée par la direction du rectorat.

Sous-effectif et travail dégradé

Plusieurs témoignages dénoncent les conséquences d’une réduction constante des effectifs, sans que les missions soient modifiées. Une fonctionnaire en décrit les conséquences :

« Dans mon service, on s’occupe des postes vacants de professeurs. On n’arrive pas toujours à remplacer. Quand on y arrive, c’est souvent à la dernière minute et c’est le remplaçant qui en pâtit. Surtout quand on lui donne une mission pour laquelle il n’a pas été pas formé… »

Au service des paies, les fonctionnaires doivent palier les déficiences d’un logiciel obsolète. Il leur est clairement indiqué qu’en cas de retard dans le traitement, les paies ne seraient pas versées. Du coup, « ils ramènent tous du travail à la maison, » selon Robert Maire, « ils s’épuisent, il y a déjà eu trois évanouissements dans ce service. » Ces malaises sont aussi liés à la chaleur étouffante dans les locaux : « Ce sont de vieux bâtiments, témoigne une employée, en été, il y fait plus de 30 degrés, c’est insupportable. »

Pour d’autres fonctionnaires, le sous-effectif pousse à ne pas respecter certaines règles légales. Sous couvert d’anonymat, un responsable explique :

« Certains candidats aux concours passent des épreuves sans qu’on ait pu vérifier qu’ils répondent à toutes les conditions. Aujourd’hui, on vérifie seulement le dossier des admissibles suite au premier tour. »

Un futur plein d’incertitudes

Et pour la prochaine année scolaire, sept postes supplémentaires doivent être supprimés. Impossible d’anticiper ces non-remplacements : lors d’une réunion en février, le secrétaire général du rectorat ne pouvait donner aucun détail sur les emplois concernés.

Le futur incertain ne s’arrête pas là pour les employés du rectorat. Suite à la réforme territoriale de 2015, les académies doivent aussi s’adapter à la création des grandes régions. Plusieurs représentants syndicaux ont exprimé leur crainte : les services du rectorat seront-ils fusionnés ou mutualisés? Certains fonctionnaires devront-ils déménager à Nancy, où se trouve le rectorat du Grand Est ? Les employés n’ont aucune information de la direction à ce sujet. Le secrétaire général du rectorat a refusé de répondre à nos questions. Une nouvelle manifestation est prévue durant la pause-déjeuner du lundi 18 juin.


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