« On souhaite assurer un bon partage de l’espace public », justifie Pierre Ozenne, adjoint à la maire de Strasbourg en charge de la voirie. Depuis lundi 2 septembre, le stationnement est payant à l’Orangerie, entre la place de Bordeaux jusqu’au boulevard de la Marne en passant par les quais Zorn et Mullenheim (l’île Sainte-Hélène) et la rue Lauth. Cette décision a été prise par le conseil municipal du 20 mars 2023 dans le cadre d’une réforme du stationnement. « Nous avons travaillé 18 mois sur les questions de tarifs et de marquage au sol au cours desquels plusieurs réunions publiques ont été organisées », assure l’élu. 1 800 places payantes de 9h à 19h sauf les dimanches et jours fériés, seront matérialisées en zone verte (voir la carte ci-dessus).
« Dans ce quartier, les rues sont particulièrement étroites et courbées. Le passage des véhicules de collectes et des secours devenait compliqué en raison du stationnement sauvage », s’explique Pierre Ozenne qui défend ce choix en évoquant un meilleur passage sur la voie publique et pas seulement : « Les piétons et les fauteuils roulants pourront se réapproprier les trottoirs qui seront libérés grâce aux places de parking délimitées sur la voirie. »
Des passes stationnement
Les résidents peuvent acquérir un titre dédié comme c’est le cas dans les autres zones de stationnement de la ville. En fonction des revenus fiscal de référence, trois tarifs mensuels sont proposés : 15€ (si le revenu annuel est inférieur à 15 400€), 30€ (pour un revenu jusqu’à 24 900€) et 40€ (pour tous les autres foyers). Toutefois, le ménage ne peut disposer que d’un forfait mensuel.
Dès le 2 septembre, un nouveau dispositif de stationnement sera proposé dans toute la ville, à titre expérimental. « Les abonnés ayant acquis le tarif résident pourront bénéficier d’un passe stationnement gratuit. Ils pourront en faire bénéficier des proches en visite à raison de 12 jours par an », annonce l’élu. Aucun supplément n’est à prévoir, une simple inscription 24h à l’avance est nécessaire avec la plaque d’immatriculation du véhicule concerné.
Plus de places
Le 1er juin, le quartier du Neudorf est lui aussi passé au stationnement payant sur la voirie, en tarification verte, pour environ 6 500 places selon la Ville de Strasbourg. Solange habite Furdenheim (à 20 minutes à l’ouest de Strasbourg) et vient souvent rendre visite à sa fille, enseignante qui travaille à l’école du Neufeld et réside dans ce même quartier. La retraitée de 64 ans, installée sur un banc place du Marché, a une position d’équilibriste : « C’est un vrai débat. Rendre les places de parking payantes dans tout le quartier n’est pas une bonne idée mais au moins cela permet de réguler le stationnement et fluidifier les passages ».
Selon elle, « les collègues [de sa fille] ne résident pas dans le quartier et galèrent. Les Atsem n’ayant pas des salaires mirobolants sont encore plus embêtés ». Pour aider ces personnes, la retraitée suggère un passe pour les enseignants, comme il en existe déjà pour certains professionnels.
D’après Maxime, travaillant à Fratelli Marmi, une épicerie rue Saint-Aloïse, les habitudes de ses clients n’ont pas changé. « La fréquentation de la boutique n’a pas évolué et des places ont été libérées, c’est incontestable », reconnaît-il en faisant remarquer les places libres devant son épicerie fine. « Auparavant à partir de 17h, tout l’espace était saturé ».
L’employé est resté dubitatif quand le passage au stationnement payant a été annoncé en mars 2023 :
« On ne croyait vraiment pas à l’argument de l’augmentation du nombre de places libres mais ça a bien fonctionné. »
Même ressenti pour Ariane, mère de famille. « Lorsque cela a été annoncé, nous avions peur de ne nous retrouver sans place de parking ». Résidant rue Baldner, elle et sa famille n’ont pas de cour ni de garage pour garer leur véhicule.
Des places ont été délimitées là où auparavant, le stationnement s’effectuait sur tous les espaces de voirie libres. Cette réglementation a toutefois fait naître d’autres problématiques dans la rue d’Ariane. « Etant donné que les voitures stationnent uniquement d’un côté de la rue, les automobilistes circulent à toute allure devant chez nous », assure-t-elle en indiquant que la Ville lui avait assuré qu’une « zone 30 » devrait être promulguée en réponse à sa plainte.
Tarifs trop élevés
Si l’heure de stationnement coûte 1 euro, les prix grimpent rapidement au-delà. Avec un maximum de 35€ pour 5 heures. « Pour ce quartier, je ne trouve pas cela judicieux. Tout le monde n’a pas forcément les moyens de dépenser autant d’argent chaque jour dans le stationnement », estime Maxime, de l’épicerie Fratelli Marmi. Inviter des proches en semaine ? Il n’y pense plus :
« Le lundi, c’est mon jour de repos. Je ne peux plus inviter ma famille à déjeuner. Un repas qui s’éternise, ça peut arriver mais en attendant le prix du stationnement augmente. Leur faire payer le stationnement, ce serait comme s’ils payaient le repas. »
Bruno, caviste route du Polygone, bénéficiera d’un tarif professionnel dès septembre, soit 60€ par mois. « Mais pour l’instant, je paie 35 € par jour » indique-t-il tandis qu’un de ses collègues « a dû louer une place de parking pour 100€ par mois », à cinq minutes de la boutique.
Chacun s’adapte
Pour venir au Neudorf de Furdenheim, Solange prend désormais « le bus interurbain puis le tram » afin de ne pas payer le stationnement :
« On prend la voiture uniquement le soir ou le dimanche parce qu’en plus de ça, il n’y a pas d’horodateur près de chez ma fille. Il y a uniquement un panneau avec un QR code à scanner. Ce n’est pas facile à faire, en tout cas moi je n’y arrive pas. »
Bruno le caviste déplore aussi le manque d’horodateurs et d’informations dans le quartier, pointe-t-il au moment où un automobiliste se gare devant sa boutique et l’interpelle cherchant désespérément un horodateur à proximité.
« Cette situation se produit plusieurs fois par jour. On pense qu’un client se rend en boutique pour faire des achats mais non il vient pour demander où payer le stationnement… »
Un autre habitant du Neudorf depuis quelques mois privilégie les transports en commun, le vélo ou la marche à pied au quotidien et a désormais sa voiture garée en parking relais :
« Cette mise en place du stationnement payant favorise l’utilisation de nouveaux modes de transports et évite d’avoir des voitures ventouses. Ayant un abonnement CTS, je ne paie pas le parking. »
Mais Marco, un collègue de Maxime à Fratelli Marmi, a dû changer ses habitudes quotidiennes. Le matin, il doit déposer son enfant dans une école à la Robertsau en voiture puis revient chez lui à la Meinau afin de se rendre à vélo à la boutique. « Sinon c’est 35€ la demi-journée de stationnement pour la voiture ». Cette situation l’embête : « Je n’ai pas les moyens de m’acheter un vélo cargo. » Il suggère à la municipalité de mettre en place une heure de stationnement gratuit « comme c’est le cas à Saumur, aux Sables d’Olonne ou à Troyes » parce qu’il « n’est pas contre payer » mais souhaite « un tarif plus juste ».
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