Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Stanislas Nordey : « J’ai un désir vif pour le TNS »

Stanislas Nordey, futur directeur du Théâtre national de Strasbourg, attendait ce moment depuis au moins six ans. C’est peu dire qu’il arrive dans cette institution avec une soif de tout changer. Il détaille.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


Stanislas Nordey avait déjà candidaté à la direction du TNS il y a six ans. (Photo Jean-Louis Hernandez)

Le candidat de la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, pour remplacer Julie Brochen au poste convoité de directeur du Théâtre national de Strasbourg (TNS) est Stanislas Nordey, 48 ans, metteur en scène et comédien. Il quitte l’école du Théâtre National de Bretagne, où il aura officié pendant 12 ans (2001 – 2013) en tant que responsable pédagogique. Il a formé ses élèves à jouer des pièces contemporaines du dramaturge Peter Handke (Introspection ou Outrage au public), flirtant plus rarement avec le registre classique. 

Pour Rue89 Strasbourg, Stanislas Nordey livre ses premières indications de son projet pour le TNS, après une nomination qui, selon lui, « arrive tard » :

« Julie Brochen a élaboré le programme de toute la saison à venir, donc je me placerai uniquement en tant qu’observateur. Je vais arriver, je vais prendre le temps de découvrir l’institution, me familiariser avec l’école et le théâtre. Il faut que j’ai une vision claire des choses, et pour ça il faut que je sache quel est l’héritage qu’a laissé Julie Brochen. »

Le lien école-théâtre « plus fort qu’il ne l’a jamais été »

Le Théâtre National de Strasbourg est une institution unique en France, c’est le seul des cinq théâtres dépendant directement du Ministère de la Culture, qui soit hors de Paris. Il fonctionne de surcroît avec un centre de formation renommé, l’école supérieure d’art dramatique. Stanislas Nordey a bien l’intention de faire fructifier cette dualité :

« Je vais vraiment travailler au lien fort qui existe entre l’école et le théâtre. Ce sera l’un de mes axes prioritaires dès ma prise de fonction effective. Je vais faire en sorte que ce lien soit plus fort qu’il ne l’a jamais été. Pour ce faire, je vais donner un souffle nouveau au théâtre contemporain qui sera privilégié. Le Théâtre National de Strasbourg est pour moi un lieu pionnier, car sa naissance marque le début de la décentralisation du théâtre français qui est très importante pour moi et qui jalonne mon parcours. »

Le centre dramatique de l’est est devenu théâtre national sous l’impulsion d’André Malraux en 1968. Mais Stanislas Nordey ne regarde pas vers le passé, ce qui l’intéresse, c’est la création :

« La programmation sera exigeante et sérieuse. J’ai vraiment à cœur de privilégier les nouvelles créations au sein du théâtre, nanti de cette exigence. Le patrimoine c’est bien beau, mais j’en ai un peu marre qu’il soit toujours célébré à longueur de temps. La vie du théâtre passe obligatoirement par le contemporain. C’est vraiment le cas dans d’autres pays en Europe où le programme est beaucoup plus contemporain que classique. Je regarderai aussi ce qui se fait de l’autre côté du Rhin, car je suis convaincu qu’il y a aussi un travail à effectuer dans un partenariat fructueux entre nos amis allemands et Strasbourg. « 

Faire descendre le TNS de son aventin ?

L’expérience avortée du Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis (1999-2001) n’a pas refroidi l’envie de Stanislas Nordey de proposer un théâtre accessible à tous. Ainsi, il a bien l’intention d’ouvrir le TNS :

« J’ai toujours travaillé pour les classes défavorisées et je vais certainement continuer à Strasbourg. C’était une des exigences que je me suis fixé lorsque j’ai constitué mon dossier de candidature à ce poste, envoyé au Ministère de la culture. C’est peut-être ce qui a pu, aussi, plaire. Je pars du principe qu’il faut toujours aller à la conquête de nouveaux publics. Pour ce faire, je n’ai pas hésité à diversifier le public qui se rendait aux pièces que j’ai dirigé, notamment lorsque j’ai officié au Théâtre Gérard-Philippe, en baissant les prix, ce qui amenait un autre public et ce n’était pas plus mal.

Le théâtre doit être plus social qu’il ne l’a jamais été. Il y a cette importance d’aller dans les quartiers, y chercher de la diversité. La mixité, au théâtre comme au cinéma d’ailleurs, n’existe pas, on ne voit pas assez toutes les représentations de notre pays. À Londres, par exemple, une des filles du Roi Lear peut très bien être d’origine congolaise, ça ne dérangera personne. En France, si, on s’en offusquera.

Un premier pas avait été fait avec la décentralisation théâtrale mais je trouve que l’on s’est arrêté en route. Il est nécessaire de reprendre ce travail.  Je me fixe aussi des exigences de parité, j’ai toujours privilégié, dans les équipes avec lesquelles je travaillais, qu’il y ait autant de femmes que d’hommes. »

L’ouverture d’un théâtre aussi ancré à Strasbourg ne se décrète pas. Aussi Stanislas Nordey entend bien utiliser son impressionnant carnet d’adresses pour briser l’image peut-être austère du TNS :

« J’inviterai, de façon régulière, en résidence, des grands acteurs, des grands metteurs en scène, des noms connus du grand public. Je ne peux pas dévoiler les noms encore, car c’est encore en discussion mais il y aura des annonces très bientôt. Le public strasbourgeois va s’y reconnaître, ce qui contribuera à rendre plus accessibles les pièces du TNS et de son école. »

Dans son projet, Stanislas Nordey a propose d’associer au TNS et à l’école six metteurs en scène: Thomas Jolly, Christine Letailleur, Julien Gosselin, Blandine Savetier, Lazare et Anne Théron. Le futur directeur prévoit d’inviter des acteurs à jouer plusieurs fois un spectacle différent dans la même saison, à enseigner à l’école ou à composer un programme de lectures publiques.

« Plutôt solidaire » des intermittents

La nomination de Stanislas Nordey arrive en plein conflit entre les intermittents, avec un gouvernement prêt à ratifier un accord qui modifie les règles d’indemnisation du régime des intermittents et dont une bonne partie d’entre eux ne veulent pas entendre parler. Au fait, qu’en dit le nouveau directeur du TNS ?

« Je suis très investi dans le combat depuis 2003, ayant été le porte-parole d’un mouvement de grève des intermittents. C’est donc une question que je connais très bien. C’est préoccupant et je suis plutôt solidaire de ce mouvement, car il y a une précarisation du travail, des salaires qui baissent, sans parler des temps de répétition qui fondent considérablement. entre autres choses. Je ne suis pas très content que l’agrément soit signé. Même si il y a des ouvertures que le gouvernement a posé et qui sont intéressantes. C’est un sujet très très complexe vous savez. Je pense qu’il faut sortir du tout blanc / tout noir et rester très prudent. Il est évident que ça me fend le coeur ces grèves, mais c’est, pour l’instant, le seul moyen de pression. Gageons que tout n’est pas à jeter. Nonobstant, il ne faut pas donner un blanc-seing au gouvernement. »

Le temps sera long pour Stanislas Nordey, de sa prise de fonction effective le 8 juillet à la concrétisation de sa première saison, en septembre 2015. Il confie :

« J’étais déjà candidat au TNS il y a 6 ans. Et je n’étais candidat qu’à ce poste car j’ai une cohérence, un désir vif. J’aime ce théâtre, il incarne quelque chose de très fort. Je piétine un peu et j’ai hâte de commencer. »


#culture

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile