Il est des négociations qui ne font guère de bruit, comme celle en cours jusqu’à la fin du mois de novembre sur les zones concernées par les aides aux investissements locatifs. Pourtant, les enjeux sont importants car de nombreux dispositifs sont impactés par ce zonage (voir ci-contre). Ainsi les loyers sont encadrés dans les zones aidées, les logements sociaux sont plus faciles à construire et inversement, dans les zones non aidées, l’absence d’incitations fiscuales fait fuir les promoteurs. En Alsace, 250 communes sur 904 sont concernées par ce zonage. Ces zones ont servi aux systèmes de Robien en 2003, Scellier en 2009 et les voilà à nouveau discutées pour les dispositifs Duflot, du nom de l’actuelle ministre (EELV) du logement.
Le principe est simple : les zones d’emploi dynamiques avec un fort besoin en logements sont aidées par l’État (zones B1, B2) par des mesures de défiscalisation, les autres, des zones rurales ou des bourgs de moindre importance (zones C) ne sont pas éligibles. L’objectif étant de lutter contre l’étalement urbain, en concentrant les logements dans des zones déjà denses, bien desservis par les transports en commun, etc. Mais avec les nouveaux critères Duflot, plus de 80 communes alsaciennes devraient être déclassées en zone C. Parmi elles, de nombreux bourgs comme Kintzheim ou Benfeld mais aussi des villes moyennes comme Sélestat ou Obernai… Une douzaine de communes seulement devraient être surclassées, dont Mulhouse (de B2 à B1), Brumath et Thann. Deux communes de la CUS sont déclassées en zone C, Blaesheim et Eckwersheim.
Promoteurs et élus très remontés
Alors évidemment, les promoteurs, dont les programmes sont très liés aux défiscalisations, hurlent. Depuis plusieurs semaines, ils se retrouvent avec d’autres acteurs de l’immobilier dans les bureaux de la Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) pour tenter d’influer sur la carte qui sera transmise au ministère du logement par le préfet au mois de décembre. Pour Thomas Leclercq, président de la Fédération des promoteurs immobiliers d’Alsace, les critères ne prennent pas en compte les réalités locales :
« On a un secteur économique très dynamique autour d’Obernai mais cette commune pourrait se retrouver déclassée de B1 en C ! La zone est en outre bien desservie par les transports en commun, c’est inexplicable. Ce serait la fin de plusieurs programmes immobiliers car les investisseurs ne se portent que sur les projets éligibles à la défiscalisation. La carte actuellement proposée par les services de l’État ne correspond pas du tout à nos observations. Alors on essaie de faire en sorte qu’elle change, mais on n’a pas l’impression d’être très entendus… »
Le sentiment est partagé par Denis Krauth, président de l’Union des maisons française dans le Bas-Rhin :
« En théorie, on a une marge de manœuvre mais dans les faits, tout est déjà décidé. Le zonage Scellier était déjà insatisfaisant de toutes façons. Il faudrait qu’on puisse partir d’une feuille blanche, et qu’on puisse faire notre proposition régionale de zonage. Je comprends bien qu’il y a des contraintes budgétaires et que l’État ne peut pas aider toutes les communes, mais je suis sûr qu’on pourrait parvenir à une carte bien plus cohérente, à périmètre budgétaire constant. Là, on risque de se retrouver avec Brumath en B1 et Haguenau, ville très dynamique, dense, connectée, seulement en B2. »
Les élus dont les communes se retrouveraient exclues des zones aidées ne sont pas en reste. Particulièrement concerné par un déclassement (de B1 vers C), le maire (UMP) d’Obernai, Bernard Fischer, ne cache pas sa colère :
« On a le taux de création d’emplois rapporté à la population le plus élevé d’Alsace ! On est dans un bassin d’emploi du piémont des Vosges très porteur. On a un office public d’HLM qui permet de construire des logements sociaux à basse consommation énergétique, comme par exemple la résidence des Cèdres… Bref, je ne comprends pas ce déclassement qui ne repose sur rien. J’ai envoyé une lettre au préfet (voir ci-dessous), lequel m’a assuré qu’il ferait le maximum pour qu’Obernai garde son classement en B1. Mais s’il faut faire un recours, je le ferai… Il va y avoir de la bagarre. »
Il est rejoint par Marcel Bauer, maire (UMP) de Sélestat, qui a lui aussi déjà envoyé de nombreux courriers au préfet du Bas-Rhin Stéphane Bouillon pour lui demander expressément de ne pas permettre le déclassement de sa ville. Selon Bernard Fischer, Stéphane Bouillon serait prêt à accorder au moins le statut B2 à Obernai. Contactée, la préfecture n’a pas répondu à nos sollicitations. A la Dreal, les services en charge du logement sont donc bien seuls face aux pressions des élus et des promoteurs.
La carte du zonage 2013, encore en cours de concertation
Une ultime réunion du comité régional de l’habitat est prévue le 27 novembre, pour une transmission au ministère le 20 décembre. Mais ces décisions devraient être repoussées, malgré le retard déjà pris dans le calendrier de révision, qui doivent être réalisées tous les quatre ans. Une concertation nationale est prévue sur l’ensemble de l’année 2014. Le décret fixant les nouvelles zones est attendu pour le 1er janvier 2015.
Chargement des commentaires…