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Sortie du Grand Est : le plébiscite attendu s’est produit, la compétition électorale débute

Sans surprise, seuls les anti-Grand Est se sont mobilisés pour participer à la « consultation politique » visant à extraire l’Alsace de la Région Grand Est. Si en Alsace, quelques élus régionalistes et frontistes saluent le résultat, rien n’assure que les candidats à l’élection présidentielle s’en saisiront.

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Lundi matin à Colmar, Frédéric Bierry a commencé par annoncer la participation totale (« 168 456 bulletins ») à sa consultation publique, mais le président de la Collectivité d’Alsace (CeA) a dû rapidement admettre que 9% des bulletins avaient été identifiés comme des doublons par la société Open Source Politics qui a géré le vote en ligne, et par les huissiers de justice.

« Certains ont même voté trois fois : en ligne, dans une urne et par courrier », rapporte Karen Deneuville, l’huissière en charge du contrôle de cette consultation des Alsaciens qui a débutée début janvier. Ce ne sont que finalement « que » 153 844 voix qui ont été comptabilisées et comme attendu, 142 200 d’entre elles (soit 92,4% des bulletins valides exprimés) se sont prononcées « pour » une sortie de l’Alsace de la Région Grand Est.

Les huissiers ont retrouvé plusieurs bulletins identifiés comme émanant de Frédéric Bierry ou de Jean Rottner, le président du conseil régional du Grand Est (LR). Ce ne sont que les faux bulletins facilement identifiables. Comme il n’y avait pas de fichier électoral, qu’il était possible de rentrer des noms, dates de naissance et adresses fictives, une suspicion sur l’unicité de chacune des voix s’applique. Le nombre de bulletins émanant du Bas-Rhin (60,4%) et du Haut-Rhin (37%) est à peu près conforme à la répartition de la population. À cela s’ajoutent 2,6% de bulletins venus d’autres régions de France et même de l’étranger. Une grande majorité des participants, 82,2%, a voté en ligne.

La représentativité en question

Comme pour s’en convaincre, Frédéric Bierry et ses équipes rappellent à tue-tête qu’il s’agit là d’une « participation exemplaire ». C’est pourtant sur ce point que les critiques devraient venir depuis les formations politiques pour minorer, voire négliger le résultat. Certains observateurs tablaient sur une participation plus forte, compte tenu des moyens déployés, du temps alloué et des multiples moyens pour participer. La participation est bien plus faible que lors du référendum de 2013 pour créer une collectivité unique d’Alsace, alors que le Grand Est et le rejet qu’il suscite, n’existaient pas.

Peu importe, Frédéric Bierry estime que les situations ne sont pas comparables :

« On ne parle pas de la même chose. Le Grand Est existe depuis 6 ans et pourtant il y a cette participation. Beaucoup de personnes se sont demandées à quoi sert cette consultation et pensant que ça ne servirait à rien, n’ont pas participé ».

Dans la majorité de la CeA, la mulhousienne Lara Million (LREM) rétorque le nombre de voix exprimées est supérieur que celui qu’a accumulé Jean Rottner en Alsace (137 687) lors des élections régionales de 2021. Autre élément de comparaison, c’est davantage que les votes des primaires, uniquement en ligne, des écologistes et des adhérents LR pour se choisir un candidat. Mais bien moins que celle de la « primaire populaire » (393 000 voix) qui débouche sur un début de campagne poussif pour Christiane Taubira.

Finalement, Frédéric Bierry parlera à tout le monde

Frédéric Bierry dit maintenant vouloir solliciter « tous les candidats », alors que dans un premier temps, il ne pensait adresser sa demande qu’à Emmanuel Macron et Valérie Pécresse. Les relais alsaciens des deux candidats se félicitent du résultat, mais se gardent bien de prendre position à leur place.

« Orateur régional » de Valérie Pécresse, le Strasbourgeois Jean-Philippe Vetter (LR) salue le « succès de mobilisation après la faible participation aux élections » et un résultat « sans ambiguïté ». Il met en avant la proximité politique de sa candidate avec Frédéric Bierry :

« Elle est la seule à l’avoir rencontré lors d’un dîner le 6 octobre, quand la consultation n’était pas encore lancée. Il avait pu lui expliquer sa position. Elle a missionné Xavier Bertrand sur la question de la République des territoires. Emmanuel Macron a été président pendant cinq ans, il n’est pas revenu sur les grandes régions et lors de l’examen de la loi sur la CeA, tous les amendements pour lui donner plus de pouvoirs économiques ont été rejetés par les macronistes. À titre personnel, je souhaite désormais une expression sur ce sujet. Ce sera une proposition travaillée, c’est une équipe sérieuse. Il n’y aura pas de déclaration rapide et non-réfléchie. »

La majorité présidentielle pas au niveau sur l’Alsace ? Ce n’est pas du tout le sentiment de la ministre Brigitte Klinkert, aussi élue à la CeA et à la Région Grand Est :

« Lors des élections régionales, j’avais proposé une consultation sur le périmètre de la région. Le président et ce gouvernement se sont engagés pour l’Alsace comme rarement. Avec la loi pour la CeA notamment mais pas seulement, avec aussi la recréation de la commission du droit local. Je vais relayer les résultats qui donnent une grande tendance. C’est surtout une démarche vers les candidats et les députés. »

Soutien du RN, prudence des écologistes

Quelques semaines plus tôt, un écho du Canard Enchaîné a relaté que la majorité présidentielle serait prête à recréer une Région Alsace pour faire payer à Jean Rottner sa présence dans l’équipe de campagne de Valérie Pécresse. Si la déclaration a le don de diviser la droite alsacienne, cela ne vaut pas pour un engagement dont Emmanuel Macron serait comptable.

Au Rassemblement national, la prise de position est plus directe. « Marine Le Pen s’est engagée à rendre l’Alsace aux Alsaciens. Élue présidente de la République, elle le fera », a réagi le porte-parole du parti pour le Grand Est, Laurent Jacobelli. Idem chez les régionalistes d’Unser Land qui clament être « le seul parti politique en Alsace à s’être engagé pleinement en faveur de cette consultation ». Son président Jean-Georges Trouillet fustige la position du RN « Christian Zimmermann (patron du RN en Alsace) s’est exprimé contre la consultation, c’est un parti centralisateur qui était contre la collectivité unique en 2013 ». Il estime que les clés sont plutôt dans le camp du président : « Emmanuel Macron n’a pas fait de réforme institutionnelle et pourrait le faire lors d’un deuxième mandat. On entend que ça bouge là-dessus » et voit mal LR se positionner au risque de se diviser. « Ils tenteront de ménager les majorité d’Alsace et Grand Est ! », prédit-il. Néanmoins, l’ancien candidat aux élections régionales a un désaccord majeur avec le projet de Frédéric Bierry, le fait de maintenir le mode de scrutin majoritaire par cantons qui n’est pas représentatif des forces politiques comme la sienne ou d’autres partis.

Chez les écologistes, de nombreuses critiques ont été émises sur le coût de l’opération, l’absence de contrôle de la sincérité des votes et la mobilisation des fonctionnaires dans une campagne politique lors de cette consultation. Des prises de position qui ont valu une séance sous les sarcasmes d’une partie des élus de la CeA. Mais dans un communiqué qui rappelle ces critiques, EELV Alsace met en avant la participation des citoyens aux questions territoriales :

« À l’instar du projet porté par Yannick Jadot, candidat à l’élection présidentielle, nous souhaitons soumettre à référendum les futures réformes territoriales qui proposeront de revenir progressivement et selon la volonté des citoyens, à des périmètres qui font sens. »

Les petites voix dissonantes de la majorité

Plus tard dans la matinée, la séance publique du Conseil de la CeA a montré que le consensus n’est pas total dans l’hémicycle présidé par Frédéric Bierry. Dans ce qui pouvait ressembler à une critique implicite, le député haut-rhinois Raphaël Schellenberger (LR) aimerait désormais que les consultations servent à « construire des décisions », ce qui n’est pas le cas ici. Après ce « premier test », il voit des « points à consolider » sur la méthode. Quand au prochain sujet, il souhaite qu’il s’agisse de « la taxe poids lourds ». Un point d’accord avec les écologistes, qui aimeraient que la question porte sur l’opportunité d’instaurer cette taxe « dès 2024 ». « Avoir du poids nous permettra d’avancer, on craint d’avoir des blocages de l’État ou des élus lorrains », s’explique l’intéressé après coup. Sur la consultation anti-Grand Est, il réfute toute critique de la consultation et attend désormais des propositions de Valérie Pécresse. « Il faut que la droite fasse des propositions systémiques, la réforme territoriale n’est pas la nôtre », explique-t-il. « Pour gagner, il faut prendre des risques », abonde son homologue Philippe Meyer, qui reconnait que le sujet peut crisper au sein de la droite.

Plus offensif, l’adjoint au maire de Mulhouse, Alain Couchot, (dans la majorité de Jean Rottner) « questionne la temporalité » de l’opération dans le contexte électoral et de crise sanitaire. Il est le seul élu de droite et du centre à s’être abstenu sur la reconnaissance du résultat, avec les deux élus socialistes et les 4 élus écologistes strasbourgeois. On imagine que le résultat aurait été bien différend si le conseil régional du Grand Est avait dû se prononcer.

Pour le budget de la CeA, le coût de la campagne de communication est de 235 000 euros, près du double d’une précédente « consultation » en 2018 avant la création de la CeA, où les habitants étaient appelés à s’exprimer sur les compétences.


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