Lorsque qu’une personne est déboutée du droit d’asile, deux options s’offrent à elle : faire réexaminer la décision de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) devant la Cour nationale du droit d’asile, ou bien faire une demande à la Préfecture de régularisation de son séjour sur le territoire français.
Quelle que soit la démarche choisie, la personne se trouve alors dans une situation encore plus délicate, puisqu’en tant que déboutée, elle ne peut plus rester dans un logement dédié à la demande d’asile, ni prétendre à un hébergement social.
Pour les familles, le parcours est d’autant plus complexe qu’il faut trouver un appartement qui puisse accueillir tous les membres. Parfois, le droit d’asile est accordé à un seul membre de la famille, alors que les bailleurs sociaux exigent la présentation de deux cartes de séjour. C’est notamment dans ce cas de figure que la jeune association strasbourgeoise SolidariClés cherche à intervenir.
Les fondateurs, des citoyens, des professionnels de l’hébergement d’urgence, des paroissiens et des associations partent du constat que ces personnes ne peuvent plus être prises en charge par certaines structures, contrairement aux autres sans-abris. SolidariClés essaye d’apporter à petite échelle de l’aide à ce groupe de personnes, en complément des dispositifs existants (8 476 places dans le Bas-Rhin).
Dominique Vonié, président de SolidariClés, espère jouer avec ses partenaires, le rôle de « passeurs bienveillants » :
« Nous sommes en sorte des passeurs aussi, pas ceux qui vendent du rêve sur d’improbables embarcations en Méditerranée pour rejoindre un nouvel eldorado, mais des passeurs qui permettront aux familles à la rue et à leur réseau de passer de la galère à une normalisation de leur situation pour retrouver une situation stable. Des « passeurs en bout de chaîne » en quelque sorte. »
Comment ça marche ?
Bien souvent, ce sont les professeurs de certains enfants ou des personnes qui côtoient quotidiennement un ou plusieurs membres de la famille qui alertent sur leur situation. L’association répond lorsqu’il y a une sollicitation. Pour ces familles aux droits incomplets, qui ne peuvent pas administrativement bénéficier d’un logement social, SolidariClés tente de faire de lien entre eux et les propriétaires, en leur servant de caution.
Le logement est donc loué par l’association, qui s’engage auprès des propriétaires privé pour le paiement du loyer. Mais c’est bien le réseau proche de la famille ou de la personne en difficulté qui est en charge des paiements. Dans certains cas spécifiques, l’association peut compléter l’apport financier initial. Loyer, charges, assurances tout est réglé au propriétaire comme pour un contrat de location classique.
Constituer un réseau solide qui accepte d’aider à financer le logement est donc prioritaire pour les familles avant l’intervention de SolidariClés. Les dons récurrents à l’intention d’une personne ou famille sont à envoyer à l’association, et sont déductibles des impôts. Les dons versés de façon ponctuelle servent au frais de fonctionnement de l’organisation ou à l’acquisition de biens pour meubler les logements.
L’initiative ressemble à celle menée à Mulhouse par l’association « 100 pour 1 » (cent personnes pour un logement).
Trois propriétaires prêts à louer à SolidariClés
Pour le moment, SolidariClés est en contact avec trois familles déboutées du droit d’asile qui sont encore hébergées par la préfecture du Bas-Rhin, dans le cadre du Plan hivernal qui a été prolongé jusqu’à la fin du mois de juin. Trois propriétaires seraient prêts à louer leur logement, notamment dans le quartier de l’Esplanade à Strasbourg et à Schiltigheim.
Pour les membres de l’association, la prochaine étape, serait de contacter des agences immobilières. Au départ, le projet devait concerner des familles installées au quartier du Neuhof mais il s’est étendu à toute la ville de Strasbourg puisque les personnes ont des parcours instables. Il n’est donc pas possible de rester fixé à un seul quartier.
L’association se tient prête à soutenir ces familles, mais elle est dépendante de l’évolution de chaque cas. Certaines pourraient finalement être réorientées par le SIAO (Service Intégré de d’Accueil et d’Orientation du Bas-Rhin) ou le CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) vers un autre hébergement d’urgence.
L’association attend aussi de voir comment la future Loi Asile et Immigration, qui a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 22 avril, sera appliquée et quelles seront les conséquences sur l’hébergement des demandeurs d’asile en fin de droits.
Si davantage de personnes déboutées et déjà présentes sur le territoire sont régularisées, Dominique Vonié explique que SolidariClés n’aura peut-être pas la nécessité d’aller plus loin :
« On ne veut pas tomber dans le piège de la pérennisation s’il n’y en a pas le besoin. On était partis de la fin du plan hivernal, mais celui-ci a été prolongé. Pour le moment, c’est un laboratoire, une réponse donnée à partir d’un quartier où on avait identifié une difficulté. Et on tentera de répondre à ce défaut d’hébergement, le temps qu’il faudra. »
L’initiative est indépendante du projet d’ouverture progressive de 100 places à destination des personnes sans-abris depuis février. Ces appartements sont conventionnés avec deux associations (Caritas et Accueil sans frontières 67) et financés par la Ville de Strasbourg à hauteur de 500 000 euros par an.
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