Mercredi, la dizaine d’habitants permanents de la Zone à défendre (Zad) de Kolbsheim contre le Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg ont reçu une drôle de visite : une trentaine de gendarmes se sont présentés dès potron-minet pour leurs signifier qu’une procédure d’expulsion à leur endroit avait débuté. Ils sont convoqués au tribunal administratif ce lundi 18 juin à 14 heures.
L’audience se déroulera-t-elle aujourd’hui ?
Les habitants de la Zone à défendre (Zad) de Kolbsheim ont reçu leur notification de convocation au tribunal en mains propres des gendarmes mercredi 13 juin, soit 5 jours avant leur comparution. La lettre de convocation nominative de 10 opposants au Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg présents sur place ce matin-là indique que ces derniers ont 8 jours pour produire leur défense, même s’il ne s’agirait pas d’une disposition légale. La requête a été déposée par le concessionnaire Vinci avec sa filiale Arcos dès le 5 juin.
Il s’agit d’un vaste dossier d’au moins 200 pages non-numérotées. Mais le mémoire d’arguments en réponse juridique ne fait qu’une quinzaine de pages, les autres pièces étant des annexes que le collectif GCO non merci a déjà vues lors d’autres audiences depuis un an.
Les arguments d’Arcos, la filiale de Vinci chargée de construire et exploiter l’autoroute payante pendant 54 ans, sont documentés par des constats d’huissiers dressés lors des différents face-à-face avec les opposants depuis le début de l’année 2018. Certains sur la Zad ont empêché des travaux en forêt, sans que le concessionnaire ne cherche à passer en force. Mais il a alimenté son dossier à chacune de ces occasions.
L’avocat de la défense, Me François Zind peut donc plaider un délai supplémentaire. Vendredi, il nous indiquait ne pas encore savoir si une telle demande est judicieuse ou non.
Le juge va-t-il retenir l’urgence ?
La demande est une procédure en référé conservatoire, aussi appelé pour « mesure utile » c’est-à-dire assortie d’une notion d’urgence. Sur le terrain, la notion d’urgence ne saute pas aux yeux, puisque les déboisements ne sont en théorie autorisés qu’à partir du 1er septembre seulement.
Mais le concessionnaire doit bien lancer ses action juridiques en amont, pour lancer à un moment ou un autre ses travaux. L’habitude du groupe à conduire de grands travaux laisse penser que le calendrier est anticipé en avance, pour une évacuation dans les temps. Il espère obtenir des autorisations définitives en août.
Le juge va-t-il retenir l’argument financier ?
Au-delà de la demande d’aide à évacuer le terrain avec l’aide de policiers et gendarmes, Arcos demande au juge que chaque opposant sur le terrain se voit dans l’obligation de régler 500 euros par heure entamée. Il s’agit d’une demande que le tribunal n’est pas obligée de suivre.
Dans le cadre du procès devant le tribunal correctionnel de deux opposants en mai qui s’étaient enchaînés sous une foreuse, les lourdes demandes du procureur comme du concessionnaire pour dommages et intérêts n’avaient pas été suivies par le tribunal et n’ont pas fait l’objet d’appel. Reste que même si la somme est moindre, une telle mesure peut décourager certains opposants, notamment ceux qui avaient l’habitude d’affluer sur le terrain en cas d’alerte depuis la Zad.
Que va dire la commission d’enquête publique sur les compensations ?
Les opposants espèrent encore retarder les travaux, voire mieux, sur le front légal et administratif. Une des meilleures cartouches en stock est la dernière enquête publique sur les compensations pour la nature (dite « autorisation unique »). Elle est terminée depuis la mi-mai, mais l’avis est attendu dans les jours à venir. C’est seulement après publication de ses conclusions que les arrêtés pour les travaux pourront être émis par la Préfecture.
Certes, le ministre de l’Écologie Nicolas Hulot a dit qu’il ne ferait pas grand cas des conclusions de la commission pour autoriser les travaux. Mais un avis négatif, ou assorti de réserves d’ampleur, remettraient la pression sur le ministre de l’écologie qui a perdu de nombreux arbitrages et sur les administrations d’État. Alors que le préfet a dit vouloir un projet exemplaire des deux côtés, un nouveau passage en force (comme après l’avis négatif du conseil de protection de la nature) est susceptible de galvaniser des opposants.
Comment va évoluer la mobilisation ?
Plusieurs opposants public du front « GCO non merci » ont baissé pavillon lorsque Nicolas Hulot a validé le projet, à l’instar du maire de Vendenheim, Philippe Pfrimmer (divers droite) ou du châtelain Erik Grunelius, qui avait laissé ses terrains à disposition aux Zadistes.
Mais une solidarité citoyenne est toujours en place, en atteste la cagnotte en ligne qui a dépassé le montant des amendes en 24 heures lors de la condamnation de deux militants pour s’être enchaînés sous une foreuse. Les décisions de justice peuvent renforcer la détermination d’opposants ou les décourager.
Il y aura-t-il un face-à-face dans la semaine ?
Si le juge retient l’urgence dès lundi, sa décision doit intervenir sous 72 heures. Le concessionnaire demande de pouvoir lancer une évacuation 24 heures après la première visite d’huissier sur place. Si la décision est rapide, l’évacuation peut démarrer encore cette semaine si le constructeur va au plus rapide. Dans la mobilisation future, l’argument financier risque aussi de peser.
Pour l’instant, les face-à-face ont été pacifiques, mais il n’y a eu aucune tentative de démanteler la Zad. Depuis le début, certains opposants au GCO rappellent que seules les oppositions physiques peuvent décaler des travaux. En Alsace, ce fut le cas pour le golf public de la Sommerau près de Saverne, abandonné par ses financeurs après des mobilisations farouches sur place.
C’est aussi une opposition physique qui en septembre 2017 a empêché un déboisement dans la forêt de Kolbsheim et il y a quelques jours à Vendenheim (par la Sanef, en charge de l’échangeur avec l’A4). La tentative de septembre 2017 est attaquée en justice par les opposants car selon eux, le concessionnaire n’était pas dans les règles vis-à-vis des repérages prévus dans les zones de protection des espèces protégées.
Les opposants doivent faire le point dans la soirée, suite à ce qui se dit au tribunal ce lundi.
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