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Six employés de Virgin occupent le magasin de Strasbourg

Six salariés de Virgin se sont enfermés mardi soir dans le magasin de Strasbourg pour s’assurer que le reste du stock serve bien à financer le plan social du réseau de distribution, avant la fermeture définitive vendredi. Ce mercredi matin, après une nuit mouvementée, ils sont toujours aussi déterminés.

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Six salariés sont prêts à garder le magasin, jusqu’à ce que le plan social soit garanti (doc remis)

L’entreprise était concertée entre tous les magasins Virgin restants de France. Mais au final, l’occupation n’a eu lieu mardi soir que dans les magasins des Champs-Elysées et de Barbès à Paris, à Rouen et dans celui de la rue du 22 novembre à Strasbourg. Six salariés du magasin qui doit fermer ses portes vendredi ont refusé d’en sortir à l’issue de la journée. Ils se sont ménagés un coin pour installer des sacs de couchage et ont fait appel à de l’aide pour leur apporter à manger.

Délégué syndical, Guido Martins explique les raisons de cette action :

« On demande que le produit de ce qu’il reste à vendre aille bien au financement du plan social. On demande un plan social financé à hauteur de 15 M€ pour les quelque 1 000 salariés du groupe qui seront au chômage vendredi, soit environ 15 000€ par employé. Ce n’est pas grand chose, surtout pour certains de nos actionnaires comme Lagardère. Alors on restera là tant qu’on n’aura pas cette assurance et on promet à Lagardère et consorts un plan de communication grandiose s’ils refusent de payer ! »

Le plan social n’est pour l’instant financé qu’à hauteur de 8 M€. Les occupants attendent de pied ferme les personnes chargées de la liquidation du magasin. Sauf coup de théâtre, la liquidation judiciaire devrait être prononcée lundi 17 juin après l’échec de deux offres de reprises.

Les salariés ont très mal vécu l’opération de liquidation, qu’ils appellent les « soldes de la honte » (doc remis)

Ils sont enfermés à l’intérieur, et ne peuvent sortir qu’en cas d’urgence grâce à un agent de sécurité, laissé avec les salariés par la direction « surtout pour veiller au stock de marchandises encore présentes », selon Guido Martins. Compte-tenu de cette occupation, le magasin pourrait ne pas ouvrir ses portes jusqu’à sa fermeture définitive.

Mercredi matin à 10 heures, les grilles du magasin se lèvent

Ce mercredi matin, le réveil a été dur. Ils ont très peu dormi. Une heure ou deux, tout au plus. L’ambiance est électrique. Le magasin ouvrira-t-il ses portes ce matin ? Les salariés le souhaitent mais demandent à laisser leurs pancartes et leur campement de fortune, comme preuve de leur mobilisation. Guido Martins explique la situation :

« Nous ne voulons pas que la direction nous accuse de bloquer l’ouverture du magasin. On ne veut surtout pas qu’ils se servent de ce prétexte pour fermer les autres Virgin qui ne sont pas occupés. »

Au réveil, ce mercredi matin, après une première nuit d’occupation, les salariés ne savaient pas s’ils allaient pouvoir ouvrir les portes du magasin. (LJ / Rue89 Strasbourg)

Après une bonne heure de discussion avec la direction, les grilles se sont finalement levées à 10h, heure habituelle d’ouverture du magasin. Mais pas question de travailler pour les six salariés qui ont dormi sur place. Elsa Becker, confirme. Ils sont en grève :

« Nous n’allons pas travailler. Maintenant, si certains collègues qui n’ont pas dormi là veulent venir travailler aujourd’hui, il n’y a pas de souci, nous comprenons et ça sera sans rancune. Nous avons finalement ouvert le magasin parce que nous savons que ça embête la direction. Nous voulions que tout le monde puisse voir ce qu’il se passe à l’intérieur. »

Et ce qu’il s’y passe est révélateur du climat tendu qui règne à Virgin depuis plusieurs mois. C’est les traits tirés, le teint terne et les habits froissés que les salariés accueillent les curieux, munis de leur veste Virgin customisée par leurs soins et estampillés des mots « chômeur » ou « suicide ».

Même si les portes du magasin sont ouvertes, les salariés grévistes ne travailleront pas aujourd’hui. (LJ / Rue89 Strasbourg)

Les sacs de couchage et les matelas gonflables ont été vaguement poussés dans un coin du magasin, à l’étage. Mais ils restent visibles par les visiteurs. De nombreuses pancartes trônent également aux quatre coins du magasin : « Le chômage, c’est maintenant », « Tout dans les fesses, rien dans les caisses », « Au jeu de l’emploi, il faut vaincre ou périr », etc.

Les grévistes se sont aménagés une zone occupée dans le magasin. Quelques chaises et une table sur laquelle trônent les restes du petit déjeuner. Maintenant que le magasin a ouvert ses portes, ils vont pouvoir rentrer chez eux à tour de rôle pour se laver et se changer. Guido Martins s’apprête justement à partir pour mieux revenir ce soir pour une nouvelle nuit d’occupation :

« La nuit a été longue et inconfortable. Il fait très chaud dans le magasin, car la climatisation ne fonctionne pas. Mais c’est à l’image de tout le reste du magasin : tout est obsolète et cassé. Les toilettes des filles sont cassées depuis deux mois. Hier après-midi, nous avons subi des pressions de la part de la direction qui cherchait à nous dissuader de rester. On nous disait que nous n’aurions pas accès aux toilettes, pas accès à l’eau. Au départ, nous devions être dix à occuper le magasin, mais avec ce coup de pression, seuls six d’entre nous sont restés.

Hier soir, nous avons même eu la visite d’un huissier de justice qui nous a pris en photo un par un. On veut nous faire croire qu’on pourrait avoir des problèmes avec la justice en occupant le magasin. Mais nous nous sommes renseignés : tant qu’il n’y a pas de dégradations, on ne peut rien contre nous. »

Le campement de fortune a été laissé à la vue des clients. (LJ / Rue89 Strasbourg)

Ce soir, les salariés comptent bien remettre le couvert et passer à nouveau la nuit dans le magasin. Deux nouveaux grévistes devraient les rejoindre. Ils poursuivront leur action tant qu’ils le pourront. S’ils doivent occuper la magasin après la fermeture officielle prévue vendredi, ils le feront. « Ça tombe bien, je n’avais rien de prévu ce weekend », ironise Guido Martins.

Lundi 17 juin, le tribunal examinera lors d’une audience spéciale la liquidation judiciaire de Virgin. D’ici là, les salariés grévistes espèrent se faire entendre.

À l’intérieur du magasin, des traces d’une nuit agitée

Mise à jour à 16h00

Par décision de justice, la direction de Virgin Megastore a demandé à fermer tous les magasins de France. Deux nouveaux magasins ont rejoint le mouvement grève depuis ce matin : celui d’Avignon et celui des Grands Boulevards à Paris. Elsa Becker assure que la direction a pris peur :

« Aujourd’hui, les salariés de différents Virgin de France ont beaucoup communiqué entre eux. Alors pour éviter que la mobilisation ne gagne trop de magasins, ils ont préféré faire fermer ceux qui n’étaient pas encore occupés. À Strasbourg, nous allons continuer à occuper les lieux jusqu’à ce qu’on soit entendu. Tant que nous ne serons pas expulsés par arrêté préfectoral et intervention de la police, nous resterons. »

Pierre France
Lucile Jeanniard


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