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Sexisme à la Maison des associations : procès de l’ancien directeur en novembre

Suite aux trois plaintes pour harcèlement sexuel contre l’ancien directeur de la Maison des associations, un procès doit avoir lieu en novembre. Les victimes, encore traumatisées, espèrent que cette audience permettra de débloquer la parole des femmes sur le sexisme au travail.

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L’enquête sur les faits de harcèlement sexuel de la part de l’ancien directeur de la Maison des associations sur deux employées et une stagiaire de l’UFC – Que Choisir a été vite bouclée. Un officier de la brigade des moeurs du commissariat de police de Strasbourg a procédé aux auditions et qualifié les faits, gestes déplacés et propos sexistes de Patrick Gerber.

Six mois après les plaintes déposées par les trois victimes, une audience a été fixée devant le tribunal correctionnel le mardi 12 novembre à 8h30. Patrick Gerber doit comparaître pour avoir « imposé, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste ». Les trois plaignantes se sont constituées parties civiles.

Me Amandine Rauch représente deux d’entre elles, celles que nous avons renommées Louise et Isabelle lors de nos articles précédents. L’avocate spécialisée en droit du travail et dans les violences faites aux femmes remarque cette programmation plutôt rapide de l’audience :

« Dans ce type d’affaires, le procès n’intervient pas avant 2 à 3 ans après les faits habituellement. C’est une bonne chose, car ça permettra aux victimes de se réparer et de retrouver une vie normale. »

Le samedi 24 novembre, plus de 30 000 personnes avaient manifesté à Paris contre les violences sexistes (Photo Christine Garbage / FlickR / cc)

Car les trois victimes, surtout Isabelle, 25 ans, sont encore bien marquées par leur passage à la Maison des associations (MDAS). lorsqu’elles seront invitées à s’exprimer devant le tribunal, elles craignent de ne pas trouver les mots ou de s’effondrer.

Un traumatisme toujours présent, en poison lent

Nathalie, 47 ans, a retrouvé du travail, un contrat à durée déterminée :

« Je travaille dans un bureau ouvert avec une collègue. Ça va. Je n’aurais pas pu reprendre dans un environnement confiné, avec un homme présent en permanence. J’ai remis une jupe pour la première fois au travail il y a quelques jours… J’étais presque arrivée à reprendre une vie normale puis l’avis d’audience est arrivé et tout m’est revenu… Encore aujourd’hui, je me demande pourquoi j’ai été embauchée à la MDAS ? Pour mon physique ? »

Louise, 28 ans, a aussi un contrat court. Elle tient mieux d’abord parce qu’elle a été mise en arrêt de travail de la MDAS pendant 8 mois et aussi parce qu’elle est « très entourée. » Elle s’est promis de « ne plus travailler avec des vieux mecs. »

Isabelle, qui a dû subir pendant toute une journée des propos et des gestes sexistes, n’arrive pas à se détacher du traumatisme pour poursuivre ses études de droit :

« Je ne reprends pas du tout le dessus. Je pleure toute seule régulièrement. J’ai pris un job de serveuse mais je suis mal à l’aise avec les clients masculins, j’ai peur de réagir très violemment si l’un d’entre eux fait une remarque sur mon physique ou une blague graveleuse… Et la perspective de devoir tout raconter une nouvelle fois devant le tribunal me terrifie. »

« Personne n’imagine les dégâts »

Louise Battisti, du collectif « Entendre, Croire, Agir« , qui s’est constitué à la suite de cette affaire pour aider et accompagner les victimes de sexisme, n’est guère étonnée par les propos d’Isabelle :

« Constituer un dossier de harcèlement sexuel est très difficile. Beaucoup de femmes renoncent. Et même pour celles qui arrivent à porter plainte, elles se retrouvent souvent seules ensuite car personne n’imagine les dégâts profonds causés par le harcèlement. Ça devrait être reconnu comme une maladie professionnelle. »

Du procès, les trois plaignantes attendent une reconnaissance par le tribunal des faits incriminés en harcèlement sexuel. Pour elles, peu importe les peines ou amendes qui pourraient être prononcées contre Patrick Gerber. Ce qui compte, c’est de déplacer la ligne de l’interdiction aux gestes et aux propos qu’elles ont subi. Isabelle précise :

« Je veux que ce soit clair pour tout le monde : ce n’est pas acceptable, c’est interdit de me parler, de me toucher comme il l’a fait. Je veux que le tribunal confirme que je ne suis pas tarée, que ce n’est pas dans ma tête. Je n’ai pas fait tout ça pour qu’il s’en sorte avec une réprimande, je veux que ça serve pour toutes celles qui viendront après nous. »

Pendant ses auditions, Patrick Gerber a reconnu à demi-mots une partie des faits et propos qui lui sont reprochés, en minimisant leur portée et en niant avoir connaissance qu’ils puissent être offensants ou dégradants. Me Jessy Samuel, avocate de Patrick Gerber, n’a pas répondu à nos sollicitations.


#Justice

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