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À Schirmeck, les pompiers volontaires en première ligne face à la forêt desséchée

Le Bas-Rhin n’a pas été épargné par les feux de forêts qui ont dévasté en 2022 des dizaines de milliers d’hectares en France. Sur le front délicat de la sécheresse, comme à Schirmeck, ce sont majoritairement des pompiers volontaires qui s’engagent et se dédient à protéger la forêt vosgienne.

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Au cœur de la Vallée de la Bruche, la brigade de Schirmeck n’est composée que de pompiers volontaires. Soixante-dix sapeurs-pompiers qui, au quotidien, « prennent sur leur vie personnelle ou leurs congés », pointe avec une once de fierté le lieutenant-colonel Tom-Olivier Martin, attaché au Service d’incendie et de secours du Bas-Rhin et dépêché à Schirmeck à l’occasion de notre visite.

Une forêt vosgienne « disposée à s’embraser »

Jusqu’alors épargné par les feux de forêt, le département a dû faire face en 2022 à des incendies d’une ampleur inédite. En cause : le réchauffement climatique et une période de forte sécheresse, de rigueur également en 2023. Dans le massif des Vosges, près de 150 hectares ont été ravagés par les flammes en 2022. « Le vent, la chaleur ou la faible humidité n’ont jamais mis le feu », constate le capitaine Alain Charlier – le chef de la caserne de Schirmeck – en affichant une mine préoccupée. Il poursuit, les lèvres pincées :

« Il y a vingt ans, un mégot n’allumait pas de feu de forêt. Aujourd’hui, tout s’enflamme plus vite, comme si la végétation était disposée à s’embraser. »

Depuis le début de l’année, dans le département du Bas-Rhin, le Lt-Col Tom-Olivier Martin comptabilise 171 feux de broussaille. « Soit quatre fois plus que l’an passé sur la même période, qui était déjà très sensible », déplore-t-il. Rien qu’en juin, il dénombre 43 départs de feu, six fois plus qu’au même moment l’année dernière. Face à ces chiffres inquiétants, le colonel précise avoir reçu à chaque fois « une alerte précoce » et « avoir pu engager des moyens rapidement ». « Pour l’instant », insiste-t-il, avant de lâcher d’un ton grave :

« Nous ne fanfaronnons jamais. Ça, nous pourrons le faire une fois la saison terminée. »

Dans la caserne de Schirmeck, vingt-huit pompiers volontaires sont formés aux feux de forêt, soit deux pompiers sur cinq. Alain Charlier met en avant l’intérêt que son équipe porte à la formation :

« Beaucoup de nos pompiers se sentent concernés. Sans doute parce qu’à Schirmeck, nous sommes entourés de forêts. Et puis, il y a une volonté du personnel. Mais les places sont chères, c’est presque une lutte pour dénicher des stages dans ce domaine. »

Patrick Kauffer, sapeur sur le point de partir en mission et Alain Charlier, chef de la caserne de Schirmeck Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Dans le département, la situation n’est guère différente. Sur les 800 sapeurs pompiers qui ont la formation feux de forêt, 93% sont des volontaires (576 pompiers volontaires et 168 ont le double statut).

« On ne sait jamais ce qui nous attend »

Après cet état des lieux, le chef de caserne revient sur un incendie, mardi 13 juin dans la forêt de Bois-de-Champ, qui a détruit trente hectares de la forêt vosgienne :

« Nous nous sommes retrouvés avec des projections qui s’étalaient sur cinquante mètres au-dessus de nos têtes. On a comptabilisé trois sautes de feu (de nouveaux foyers, NDLR). C’est gérable mais dans une situation comme celle-ci, on comprend que nous pourrions vite être débordés. Ça nous sert d’avertissement. »

Lors de cette intervention, les pompiers sont restés mobilisés pendant deux jours. Rien n’indique combien de temps durera une mission, atteste Alain Charlier qui se remémore l’opération où il avait été envoyé en renfort pour des feux particulièrement dévastateurs à Nice. Finalement, il était resté là-bas une semaine.

Les pompiers volontaires en retour de mission. Derrière eux, la vierge de la vallée de la Bruche : « Comme à Marseille, Schirmeck est protégée par ses pompiers volontaires et notre bonne mère » plaisante le colonel Martin Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Dans ce type de mission, pour Alain Charlier, une seule chose fait tenir les soldats du feu :

« Les missions sont toujours très longues. En moyenne, c’est quinze heures de boulot par jour avant la relève et on arrive sans savoir combien de temps on va rester… Mais avec l’entraide et la solidarité que l’on retrouve en permanence sur le terrain, tout est plus facile. »

Dans la caserne de Schirmeck, le travail en équipe est gravé dans toutes les consciences. Le chef développe un peu plus tard :

« On est bien autre chose qu’un club de foot. On entretient la cohésion en se retrouvant en dehors de nos services. On aide celui qui doit faire des travaux chez lui. On se remplace mutuellement. Chacun se rend service. Comme on ne sait jamais ce qui nous attend sur le terrain, il y a cet esprit de corps qui nous lie tous. »

Engagés sur tous les fronts

Alain Charlier rentre dans le rang des sapeurs-pompiers à seize ans, dès l’âge légal. D’abord volontaire pendant 21 ans, à Paris en tant que sous-officier puis en tant que responsable technique à Schirmeck jusqu’à devenir capitaine. La formation aux feux de forêt allait de soi pour cet homme de quarante et un ans. Comme s’il en était du ressort de l’évidence, Il indique en haussant les épaules :

« Quand on s’engage en tant que pompier volontaire, ce n’est pas à moitié. C’est sur tous les terrains que j’ai voulu me rendre utile. »

Sandra Dos Santos Lucas fait partie des pompiers de la caserne formés aux feux de forêt. Comme son chef, Sandra est devenue sapeur pompier volontaire dès l’âge de 16 ans. « Depuis que je suis toute petite, j’ai la passion des camions rouges et du secours à la personne », confie-t-elle, sous l’œil bienveillant de la responsable de communication du SDIS. Cette sergente de 25 ans explique avoir été particulièrement affectée par un épisode de sa jeunesse, lorsqu’elle était au Portugal :

« J’ai été témoin d’un feu de forêt qui sévissait et qui a été suffisamment conséquent pour qu’on doive vider le lac qui se trouvait à côté. Ça m’a rendu très triste, il était magnifique cet endroit. Je me suis dit ensuite que je ne voulais pas que ça arrive à la nature alsacienne, dans laquelle je me promène et que j’aime. »

Lorsque Sandra Dos Santos Lucas est appelée pour intervenir sur un feu de forêt, elle le prend comme une occasion de se montrer utile :

« Aller éteindre un feu, c’est une belle expérience malgré les dégâts. En fait, je suis heureuse de pouvoir protéger, que ce soit les personnes ou nos forêts. »

« Je suis heureuse de pouvoir protéger. Que ce soit les personnes ou la forêt », Sandra Dos Santos Lucas Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Une formation exigente

Sandra Dos Santos Lucas a passé sa formation feux de forêt (FDF) il y a sept ans, deux ans après être entrée à la caserne de Schirmeck. Cette formation comporte cinq niveaux d’aptitudes. Après une semaine de stage, Sandra a validé le premier palier – aussi appelé « équipier » – et est chargée lors des missions, comme le résumait le lieutenant Martin, de « tirer les tuyaux dans la pampa ». Pour cela, elle raconte avoir « dû opérer un travail personnel » :

« Les tuyaux que l’on porte sur le dos, ce qu’on appelle les clés de portage, pèsent 30 kilos. Comme on n’a pas forcément tous les mêmes conditions physiques, je me suis beaucoup entraînée. Deux à trois fois par semaine, je faisais un petit tour dans Schirmeck avec cette charge, et je finissais par une pente. »

Après six ans d’expérience au sein des pompiers, le FDF1 peut valider le deuxième niveau et devenir chef agréé d’un engin feu de forêt. Le FDF3 commande les quatre camions déployés. Une seule école en France fait passer ce stage et dans des « conditions très difficiles », pointe le Lt-Col Tom-Olivier Martin :

« Ils s’appuient sur un scénario qui a déjà eu lieu dans le Sud de la France, tout en le pimentant un peu. La pression là-bas est dingue et elle est nettement voulue. »

Le lieutenant-colonel Martin rappelle que la solidarité nationale de ces dernières décennies leur donne « une expérience pour les feux à venir » Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Le niveau quatre fait passer le pompier en chef de colonne et le FDF5 « organise le bazar », explique le colonel : « celui qui commande aujourd’hui a tiré les tuyaux il y a vingt ans ». Concernant la caserne de Schirmeck, Alain Charlier a validé le troisième niveau, onze pompiers sont chefs agréés et les seize autres équipiers.

Aux volontaires d’allier leur emploi du temps

Employé comme assistante de régulation médicale au Samu du Bas-Rhin douze heures par semaine, Sandra Dos Santos Lucas prend dans la caserne de Schirmeck trois gardes de six heures chaque semaine. À cela s’ajoute, chaque mois, sa semaine d’astreinte où elle se rend disponible dès que « le bipeur sonne ». Inscrite en renfort extra-départemental en cas de feux de forêt, elle devra poser au Samu des jours de congés pour défendre la nature de l’hexagone. « C’est à moi d’allier mon emploi du temps avec eux », souligne la sergente. « Tous les employeurs ne libèrent pas leurs sapeurs-pompiers comme ça », soupire le colonel Martin.

Au-delà de cette armée de volontaires, le chef de la caserne de Schirmeck s’appuie sur l’Office national des forêts (ONF) : « Ils connaissent la forêt comme leur poche. Il y a une dizaine de maisons et de gardes forestières autour de nous et l’on se voit tout au long de l’année ». Avec le retour d’expérience de 2022, la préfecture a mis en place un réseau de sentinelles volontaires, chargées de surveiller la forêt, repérer les départs de feux et sensibiliser aux bons comportements. Une question de bonne volonté, diront-ils.


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