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La culture à Strasbourg se structure pour favoriser l’émergence des jeunes artistes

Du festival Demostratif au Pelpass festival, en passant par l’ouverture de la nouvelle salle La Pokop, Strasbourg offre de plus en plus d’opportunités aux jeunes artistes. Des accompagnements et une visibilité qui répondent à l’activité prolifique de la région, tant du côté de la musique, du théâtre que de la danse.

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Strasbourg possède une offre culturelle dense à travers des institutions fortes et installées, comme le Théâtre national de Strasbourg (TNS) ou l’Opéra du Rhin. Mais la scène émergente n’y est pas délaissée pour autant. De plus en plus d’espaces lui sont dédiés et de nombreux acteurs n’hésitent pas à prendre des risques pour découvrir les pépites de demain. Depuis février, La Pokop, une nouvelle salle de spectacle dédiée à la jeune création et co-gérée par le Crous et l’Université de Strasbourg a ouvert ses portes. Une fierté pour Juliette Lacladère-Baumgartner, responsable du service culturel du Crous de Strasbourg et membre du comité de direction de la salle :

« C’est un projet qui est dans les rouages depuis 2013, car nous avions identifié un réel besoin. Il y a 70 000 étudiants sur le campus et nous n’avions pas vraiment de lieu à proximité pour accueillir les créations des étudiants et des associations. Avec la Pokop, nous avons enfin une salle consacrée à la jeune création, pensée notamment pour accueillir les tremplins du Crous, mais aussi de jeunes troupes. »

Juliette Lacladère-Baumgartner est responsable du service culturel du Crous de Strasbourg , créé en décembre 2020. Elle participe également à la gestion de la Pokop aux côtés de Sylvain Diaz, directeur du Service universitaire de l’action culturelle de l’Université de Strasbourg. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg / cc

Tremplins, résidences et pépinières

Située au 19 rue du Jura, à quelques minutes du campus de l’Esplanade, cette nouvelle salle peut accueillir près de 500 spectateurs debout ou 204 assis. Elle remplace le gymnase Paul Collomp qui a été entièrement réaménagé dans le cadre du plan campus de rénovation. 

« Un service du Crous dédié à la culture a été créé en décembre 2020. Avant, les missions culturelles étaient rattachées à un pôle englobant la communication et le marketing… », rappelle Juliette Lacladère-Baumgartner. La Pokop est une des seules salles de spectacle de France à être co-gérée par un Crouset une université. 

Depuis son ouverture, la salle a déjà pu accueillir les finales régionales des tremplins de théâtre et de musique du Crous et la finale nationale de danse. Ces concours proposés aux étudiants leur donnent l’opportunité de se faire connaître, de remporter des contrats pour jouer dans des festivals ou d’obtenir des résidences de création. « Grâce à la nouvelle salle, nous pourrons accompagner non plus un, mais deux gagnants du tremplin théâtre à travers des résidences. L’une aura toujours lieu au TAPS et l’autre sera à La Pokop, » précise Juliette Lacladère-Baumgartner.

Solid Champagne avait conquis le public, vendredi 11 mars, lors de la finale régionale du tremplin Pulsation à la Pokop. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg / cc

Côté musique, le tremplin Pulsation 2022 a notamment permis au jeune groupe Solid Champagne, constitué d’étudiants en licence de musicologie, de décrocher une scène pour le festival de la rentrée, Campus Alternatif et une résidence de pré-production scénique à l’Espace Django.

Cette salle est un autre lieu important de la scène émergente strasbourgeoise. « En tant que lieu culturel implanté dans le quartier du Neuhof, nous devons être attentifs à ce qu’il se passe sur notre territoire et encourager la pratique de l’art à tous les âges », présente Benoit Van Kote, co-directeur et programmateur de la structure. Avec son école de musique implantée dans ses locaux et les ateliers en milieu scolaire autour de la musique actuelle réalisées, l’équipe de Django cherche d’abord à éveiller des vocations.

Django programme aussi régulièrement de jeunes groupes en première partie, réserve des soirées entières à de nouveaux projets et accompagne certains d’entre eux dans le cadre de leur pépinière. Benoit Van Kote présente le projet :

« Nous avons créé ce dispositif d’accompagnement après un diagnostic de ce qui manquait à la scène locale pour se développer, c’est-à-dire un accompagnement plus structurant pour que les artistes aient une meilleure compréhension du milieu professionnel. Nous sélectionnons trois groupes, puis nous travaillons avec eux pendant deux ans, pour faire un travail de fond sur les volets entrepreneurial et artistique. »

De plus en plus de festivals font le pari de la découverte

À Strasbourg, plusieurs festivals dédient une partie, voire l’intégralité, de leur programmation à la scène émergente. C’est le cas de Démostratif, le festival des arts scéniques émergents qui investit, depuis 2018, le campus de l’Esplanade et qui s’est étendu en 2022 avec des spectacles à La Pokop, à la BNU ou encore à l’église Saint-Guillaume.

5e édition du Festival Demostratif. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg / cc

L’édition 2022, programmée par Sacha Vilmar, a mis à l’honneur la jeune autrice et dramaturge Anette Gillard. Diplômée de l’Université de Strasbourg, elle a été membre du Théâtre universitaire de Strasbourg en 2018 et enseigne à l’Unistra depuis 2021. À ses côtés, plus d’une trentaine d’autres artistes locaux et internationaux, dont le strasbourgeois Logan Person de la jeune compagnie Convergences. Il explique que ce festival lui permet de montrer au public une première partie de son travail : 

« Je présente pour la première fois une lecture de la pièce que nous sommes en train de créer et qui revient sur l’histoire d’Iphigénie. C’est une étape de travail, mais, à un moment, il faut se jeter à l’eau et ce festival est une très belle occasion de se confronter et d’échanger une première fois avec des spectateurs. Démostratif offre un cadre bienveillant, inclusif et qui soutient les prises de risques, ce qui est très agréable. »

Ruby est aussi membre de la compagnie. Pour elles, Démostratif offre des pistes pour bien se lancer :

« Les échanges et le réseau sont très importants dans notre métier, notamment pour évoquer les questions plus administratives ou initier des partenariats. C’est top de pouvoir bénéficier de ce type de rendez-vous, avec des artistes d’ici, mais aussi d’ailleurs. Certains viennent de tout le pays et même du Burkina Faso ou du Canada ». 

Sous le chapiteau de Démostratif, la jeune compagnie Convergences a présenté une première étape de travail de son spectacle Iphigénie, qu’ils présenteront en 2023 au TAPS. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg / cc

Une prise de risque

« Faire appel à des artistes amateurs, c’est faire un pari sur la fréquentation. Le public ne les connaissant pas, il peut ne pas vouloir prendre de risque même pour un festival gratuit », précise Sacha Vilmar. D’un autre côté, les jeunes artistes sont souvent moins chers à programmer que les vétérans.

Depuis plusieurs années, le Pelpass festival, qui a tenu sa 5e édition fin mai, mise sur sa capacité à surprendre son public et à lui faire découvrir de nouveaux artistes, comme l’explique son directeur artistique Jérémie Fallecker :

« C’est beau de voir des gens nous faire confiance et venir sans connaître aucun groupe de la programmation. Ils ne savent pas à quoi s’attendre, mais certains vont vivre un concert qui va les marquer. Des festivals comme le nôtre peuvent réellement servir de tremplin à des groupes encore tous neufs. » 

Cette année, près 9 000 personnes ont assisté à la trentaine de concerts programmés au festival, ce qui conforte Jérémie Fallecker dans sa volonté de dénicher des talents encore peu connus :

« Réaliser une telle programmation prend du temps et demande beaucoup de travail de recherche. J’assiste à énormément de concerts, de festivals, je suis très à l’écoute de mon réseau pour voir quels artistes sort du lot. Beaucoup de groupes nous contactent également, parfois on reçoit 40 démos par jour et, malheureusement, nous n’arrivons pas à tout écouter. »

Avec ses trois scènes sous chapiteau, le festival Pelpass propose une programmation émergente mais très variée depuis cinq ans. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg / cc

Un maillage toujours en développement 

De nombreux lieux défendent désormais ce type de programmation, comme La Péniche mécanique, La Maison Bleue, La Grenze, qui rejoignent l’Espace Django ou le Molodoï.« 

En relation plus ou moins étroite, les différentes structures tentent de fonctionner en bonne intelligence pour que l’offre soit diversifiée et la visibilité partagée. Par exemple, il n’y a pas eu d’autre gros événement en même temps que le Pelpass. Pour Benoit Van Kote, programmateur de Django qui a notamment participé au jury du tremplin musical du Crous ou du festival Décibulles, ce maillage gagnerait à s’organiser davantage :

« Il y a beaucoup de bons projets mais les groupes strasbourgeois ont parfois du mal à rayonner au-delà de la région. C’est notamment dû au fait qu’on manque d’entreprises de programmation, qui ont l’habitude de faire tourner les artistes à plus grande échelle. Par contre, nous avons beaucoup de structures de production. »

En partant de ce constat, différents acteurs veulent renforcer le rayonnement des artistes qu’ils accompagnent. Depuis trois saisons, l’Espace Django a rejoint le dispositif transfrontalier Iceberg, initié par les Eurockéennes et la fondation CMA suisse.


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