Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Tourné à Strasbourg, primé à Cannes, Sauvage dévoile la prostitution masculine

En abordant le sujet de la prostitution masculine, le long-métrage Sauvage s’est fait remarquer au festival de Cannes en mai, puis au festival du Film francophone d’Angoulême fin août. Tourné en totalité à Strasbourg, il sort en salles ce mercredi 29 août.

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« À la lecture des premières lignes du scénario, j’ai compris que c’était le rôle d’une vie, que c’était le film à ne pas rater. » Philippe Ohrel, 52 ans, acteur mulhousien né à Strasbourg, joue un rôle secondaire dans Sauvage, le premier long-métrage réalisé par Camille Vidal-Naquet.

Sauvage est le premier long-métrage de Camille Vidal-Naquet (photo Pyramide Dsitrbution)

Toutes les scènes ont été tournées à Strasbourg. On aperçoit sur les images du film les berges de l’Ill, la façade du Molodoï, la rue du Faubourg-de-Pierre ou encore un bout du Musée d’art moderne. Pour les scènes d’intérieur, les équipes de production ont loué des appartements, qu’ils ont trouvé sur des sites de locations de courte durée. Financé en partie par la Région Grand Est et l’Eurométropole, le film s’est doté d’un casting à 90% alsacien.

Seuls trois des acteurs n’habitent pas dans la région. Et tous ne sont pas des comédiens professionnels, puisque beaucoup d’acteurs locaux n’ont pas passé le casting à cause des nombreuses scènes de nu. Les « auditions sauvages », ont été réalisées dans des boîtes de nuit ou les clubs de boxe de la région, à la recherche d’inconnus pour interpréter les rôles secondaires.

L’acteur principal, Félix Maritaud, déjà vu dans 120 battements par minute, a remporté le prix de la Révélation pendant la Semaine de la Critique à Cannes, puis celui du Meilleur acteur au festival du Film Francophone d’Angoulême qui s’est terminé dimanche 26 août. Le film suit un jeune prostitué, dont on ne connaît presque rien, entre les clients violents et les galères de la rue.

Félix Maritaud a été sacré meilleur acteur par le festival du Film Francophone d’Angoulême pour son rôle dans Sauvage (photo Pyramide Distribution)

Une ville qu’on ne peut pas identifier

Marie Sonne-Jensen, co-productrice et directrice de production du film, a parcouru Strasbourg pour en trouver les décors les plus adaptés à l’histoire :

« Le repérage s’est fait partout : au Port-du-Rhin, dans les périphéries,… On a tout visité. On voulait trouver des lieux neutres, pour lesquels on n’allait pas forcément se dire que c’était Strasbourg en voyant le film. L’idée c’était d’avoir un décor urbain basique, loin des cartes postales et du touristique. »

Pour Philippe Ohrel, la ville de Strasbourg était « parfaite » pour Sauvage :

« Le but était de montrer une ville qu’on n’arriverait pas à identifier, un peu comme les personnages dont on ne connaît pas forcément les noms. Cela correspond à n’importe quelle ville européenne, on pourrait être à Rotterdam, Berlin, Paris. On garde quand même la personnalité de la ville avec les petites rues, les belles bâtisses, qui créent de la vie. »

On aperçoit les berges de l’Ill le temps d’une scène (photo Pyramide Distribution)

Si les Strasbourgeois reconnaîtront certains lieux de tournages, d’autres risquent d’être plus mystérieux. À l’image d’un des décors qui revient le plus souvent, celui d’un bois où les prostitués attendent les clients. Marie Sonne-Jensen raconte le tournage de ces scènes, à quelques encablures de la Cité de l’Ill :

« Il a fallu trouver un endroit qui se rapproche du bois de Boulogne pour six jours de tournage. La rue de la Sauer, vers le cimetière nord, permettait de recréer cette ambiance. On s’est approprié le lieu et on l’a transformé, les voisins l’ont d’ailleurs remarqué. C’est aussi ça le rôle du cinéma, raconter des choses autrement que ce qu’elles sont dans la réalité. On a été très bien accueillis par l’équipe du cimetière et des jardins et on a même pu avoir nos loges et nos repas à l’église protestante. »

« Ce film était une évidence »

Philippe Ohrel tourne la moitié de ses films à Strasbourg, l’autre moitié à Paris. Dans Sauvage, il interprète Claude, un homme d’une cinquantaine d’année qui se prend d’affection pour le personnage principal, de vingt-cinq ans son cadet :

« C’est un personnage doux, le seul homme tendre du film, mais il n’est pas aussi noble qu’il en a l’air. Dès le début j’ai compris que le film était une pépite, autant pour le sujet que pour la façon dont Camille Vidal-Naquet le traite. Honnêtement j’aurais accepté n’importe quel rôle, c’était une évidence ce film pour moi. »

Philippe Ohrel a tourné trois scènes de Sauvage sur ce pont à Hoenheim (photo Judith Barbe / Rue89 Strasbourg / cc)

C’est son « premier rôle de gentil en 48 films » après avoir joué « pas mal de nazis, dont Hitler ». Il a tourné pendant cinq jours, dont trois scènes de nuit sur un pont au dessus de lignes SNCF, entre Hoenheim et Niederhausbergen. Philippe Ohrel aura été poussé à bout physiquement :

« Le prostitué, Léo, tombe dans les bras de Claude, après avoir été agressé. Donc pendant quatre minutes, jusqu’à mon épuisement, j’ai du tenir les 60/70 kilos de Félix (Maritaud, qui joue Léo, ndlr). Il y avait un contraste avec le lieu qui, je pense, a été choisi pour montrer une certaine déshumanisation, avec les trains de marchandises qui passent en dessous. »

Philippe Ohrel a aussi tourné à l’aéroport d’Entzheim, pour l’une des dernières scènes. Une pièce du premier étage a été décorée pour devenir une salle d’embarquement. Cette scène faisait suite, a une scène de bagarre, cette fois-ci de jour, tournée dans le quartier gare près du Musée d’art moderne. Une séquence qui a laissé des traces et a obligé la réalisation à s’adapter :

« Félix est arrivé avec les lèvres enflées, quatre fois leur taille normale, toutes rouges, ce que l’équipe n’avait pas prévu. Donc on a dû tricher. On jouait dos à la caméra, retournés aux trois-quarts ou à contre-jour. Le réalisateur ne pouvait filmer que les yeux de Félix. Ce genre de situation oblige à être créatif… »

Après plusieurs mois de festivals et d’avant-premières, le film sort en salles le mercredi 29 août. À Strasbourg, il n’est programmé pour le moment qu’au cinéma Star.


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