Trois vigiles surveillent l’entrée d’un vieil immeuble au 15 rue de Provence, à la Meinau cet après-midi du 4 juillet. Sur les 69 logements du bâtiment, dix accueillent encore des locataires. Ophéa, propriétaire du site, a constaté « des traces d’occupation de neuf autres appartements » depuis début juin, selon Christelle Charvet, responsable communication du bailleur social : « L’immeuble est voué à la démolition et un ensemble de 40 logements privés doit être construit à la place par une société privée. »
Depuis leur balcon, Spartaki et Marika affirment que s’ils sortent, ils ne peuvent plus entrer ensuite. L’un des agents de sécurité confirme :
« Si les enfants sortent juste devant, on les laisse, mais si quelqu’un s’éloigne plus, on doit l’empêcher d’entrer. Pour la nourriture, des gens leur font passer des choses par les fenêtres avec des fils. »
Un immeuble en mauvais état
Christelle Charvet indique que l’objectif de la démarche est d’empêcher l’arrivée d’autres squatteurs et de mettre un terme aux « occupations sans titre » : « Les agents de sécurité sont présents 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. » Les derniers locataires ont dû faire une liste des personnes de leur entourage susceptibles de rentrer dans l’immeuble pour que les vigiles les laissent entrer.
Sans-abri malgré « des appels réguliers au 115 (numéro de l’hébergement d’urgence, NDLR) », Marika assure « ne pas avoir d’autre solution » alors qu’elle a obtenu un titre de séjour en avril. Elle subissait notamment des violences conjugales en Géorgie, son pays d’origine : « Ma fille est malade », ajoute t-elle, la voix étouffée, fatiguée de ses conditions de vie.
En insistant auprès d’Ophéa, Rue89 Strasbourg peut pénétrer dans l’immeuble. C’est un escalier extérieur qui permet d’accéder aux étages. L’eau et l’électricité ne fonctionnent plus dans tous les appartements. La plupart des tableaux électriques sont accessibles depuis l’extérieur. Des sachets noués servent de protection sur des fils dénudés. Certaines des portes anti-squat sont fracturées. D’après Marika et Spartaki, au moins six familles géorgiennes, soit environ 25 personnes, vivent ici illégalement. Spartaki, jeune adolescent, s’ennuie, contraint de rester dans l’immeuble : « Je ne loupe pas le foot heureusement, ça s’arrête en juin et juillet. »
Ophéa projette d’évacuer les derniers locataires pendant l’été. Christelle Charvet indique que le bailleur a mandaté un huissier pour engager la démarche d’expulsion des squatteurs :
« Nous espérons que les occupants illicites trouveront des solutions avant et partiront de leur fait. Nous n’avons pas constaté un risque d’incendie plus important qu’ailleurs, mais le site est vétuste et la plupart des appartements ne sont plus conditionnés pour être habités. »
Les Petites Roues apportent de la nourriture à des familles
Certains logements dont la porte anti-squat a été ouverte sont particulièrement dégradés, avec des murs, des éviers et des vitres cassées. Par endroit, des débris coupants jonchent le sol. Néanmoins, trois appartements squattés, dans lesquels Rue89 Strasbourg a pu entrer, sont en bon état. Par exemple, dans l’appartement de Marika, l’eau et l’électricité fonctionnent.
Elle a installé quelques meubles dans son salon et dort sur un matelas posé au sol dans une pièce. Sabine Carriou, présidente de l’association des Petites Roues, accompagne trois familles géorgiennes qui squattent l’immeuble, et dénonce le dispositif filtrant à l’entrée :
« Comment sont censées faire les personnes pour chercher à manger ou aller à un rendez-vous important ? J’irai apporter de la nourriture le 5 juillet mais je ne sais pas si je pourrai entrer. C’est absolument indigne de devoir choisir entre rester confiné dans un bâtiment ou dormir dehors. »
Selon la loi, l’État doit permettre l’accès inconditionnel à un hébergement aux personnes en détresse qui le demandent.
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