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Plus personne ne veut assumer les ravages des sangliers du Neuhof

Aux portes de Strasbourg, la forêt du Neuhof est un immense repère de sangliers. Et dans cette réserve naturelle, leur chasse est interdite. La Ville tente malgré tout de réguler leur population car ils provoquent de nombreux dégâts sur les cultures alentours. Dégâts que le Fonds d’indemnisation dédié refuse désormais de continuer à assumer.

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Ils sont quatre agriculteurs autour et dans la réserve naturelle du Neuhof, au sud de Strasbourg. Quatre agriculteurs qui se demandent chaque matin dans quel état vont-ils retrouver leurs plantations. Parmi eux, il y a Nicolas Wack :

« J’ai 4,5 hectares à l’intérieur de la réserve naturelle. En 2016, les sangliers ont tout ravagé. Ça représentait un peu plus de 10% de l’exploitation. Je n’ai rien pu récolter, j’ai perdu plusieurs milliers d’euros. »

En 2017, il y en a eu pour 17 000 euros de dégâts sur l’ensemble des exploitations. Nicolas Burgmann, agriculteur à la Ganzau, a perdu trois hectares l’année dernière :

« En rentrant de vacances, mon champs de maïs était complètement retourné. On a dû ressemer, tout recommencer à zéro. »

La faute de la réserve naturelle ?

En 2012, l’État a classé la forêt du Neuhof comme réserve naturelle. La chasse y a été interdite. Donc, d’après certains agriculteurs, c’est une aubaine pour les sangliers de proliférer en toute tranquillité. Pourtant quand on se penche sur les statistiques des dégâts de sangliers, on se rend compte qu’ils fluctuent beaucoup d’une année à l’autre. Le lien avec la création de la réserve naturelle n’est pas évident.

Que l’existence de la réserve naturelle soit responsable ou non, le problème des dégâts est cependant bien réel. La préfecture du Bas-Rhin a organisé quatre battues entre 2013 et 2016, qui consistent à abattre un maximum de bêtes en allant à plusieurs chasseurs dans la forêt en même temps. L’opération est menée par le lieutenant de louveterie et son équipe, qui travaillent pour l’État. Mais ces battues sont très lourdes à organiser dans la réserve du Neuhof. Il faut boucler plus de 900 hectares de forêt dans lesquels se promènent 200 000 personnes par an. Les habitations qui sont juste au bord de la forêt représentent un risque supplémentaire.

Les sangliers ne peuvent plus être chassés dans la forêt du Neuhof depuis 2013 (Photo Philippe Rouzet / FlickR / cc)

Il fallait donc trouver une solution moins compliquée et moins dangereuse. En 2015, la préfecture et la ville de Strasbourg ont installé des pièges dans la forêt. Il s’agit de cages dans lesquelles les sangliers sont appâtés par de la nourriture. Une fois capturés, les animaux sont tués par le lieutenant de louveterie.

Outre la manière employée, certains agriculteurs dénoncent le fait que la population de sangliers était mieux contenue quand la chasse était autorisée avant 2012. Qui de mieux placé pour vérifier cette information que la personne qui chassait dans la forêt du Neuhof avant la réserve naturelle ? Il était seul à le faire car la forêt était un seul et unique lot de chasse. Donc la personne qui le louait en avait l’exclusivité. Cette personne s’appelle Antoine Martin :

« Les meilleures années, j’arrivais à chasser environ 70 sangliers. Donc j’étais bien en-dessous de ce que la ville arrive aujourd’hui à faire avec ses pièges. »

D’ailleurs d’autres agriculteurs concèdent que le problème existait bien avant la réserve naturelle. Mais dans ses pièges, la Ville attrape surtout des marcassins, plus naïfs et plus petits pour rentrer dans les cages. Du coup, les sangliers en âge de se reproduire courent toujours, dénoncent certains agriculteurs.

Plus personne ne veut payer les dégâts

En règle générale, quand les agriculteurs sont victimes des sangliers, ils sont dédommagés par le Fids 67 (Fonds d’indemnisation des dégâts de sangliers du Bas-Rhin). Ce fonds est alimenté par les cotisations de tous les chasseurs du département. Mais dans le cas de la réserve naturelle du Neuhof, le Fids 67 ne veut plus payer, comme l’explique son directeur Pascal Perrotey :

« Pourquoi est-ce qu’on continuerait de payer alors que les chasseurs ne peuvent pas chasser dans la réserve pour prévenir les dégâts ? »

Le Fids 67 demande à… Michel Wack de payer, lui qui a le lot de chasse autour de la réserve. Le fonds estime que Michel Wack a mal rempli son rôle en laissant sortir trop facilement les sangliers de la réserve. Une attitude qui passe mal au près de l’intéressé :

« L’année dernière j’ai passé 450 heures à chasser de nuit pour tirer les sangliers qui sortaient de la réserve et s’attaquaient aux champs. Je ne peux pas faire plus. »

Du coup Michel Wack demande à son tour aux communes de Strasbourg et d’Illkirch-Graffenstaden de payer les dégâts puisque ce sont bien les pouvoirs publics qui ont créé la réserve naturelle qui l’empêche de chasser à l’intérieur de la forêt. Mais ces pouvoirs publics se dédouanent également en rappelant qu’ils attrapent plus de sangliers que quand la chasse était autorisée (voir chiffres ci-dessus).

Les champs de maïs sont de vrais garde-manger pour les sangliers. (doc remis)

Protéger les cultures avec des barrières ?

En 2016, les agriculteurs ont demandé au conseil consultatif de la réserve de mettre du grillage rigide autour des champs. Ce comité rassemble, entre autres, des représentants des communes, de la préfecture, des associations de chasse, d’agriculteurs et de protection de l’environnement. La proposition des agriculteurs n’a pas été retenue car, d’après une majorité de personnes au comité, le grillage aurait entravé le mouvement des animaux dans la réserve naturelle.

S’il n’est pas possible de mettre des barrières autour des parcelles à l’intérieur de la forêt, le Fids 67 en installe déjà des kilomètres pour protéger les terres au bord de la réserve. Mais il n’y en a pas partout, la zone protégée du Neuhof totalisant plus de 900 hectares. Et là encore, le Fids 67 refuse de payer pour l’entretien des grillages endommagés par les animaux ou les promeneurs.

Il y a quelques années, la Ville de Strasbourg avait mis à disposition des agriculteurs des clôtures électriques. Le but était d’empêcher les sangliers de passer tout en laissant la possibilité aux plus petits animaux de circuler en dessous. Mais ces clôtures doivent être inspectées quotidiennement. Dès que de l’herbe les touche, elles perdent en efficacité. Certaines se retrouvent aussi couchées par des promeneurs ou des sangliers qui se prennent dedans. Un entretien que les agriculteurs ne sont pas prêts à assumer.

Strasbourg et Illkirch-Graffenstaden bientôt obligées de réagir

Vendredi 18 mai, tous les acteurs de cet épineux dossier se réunissent pour essayer de trouver une solution. Michel Wack, qui chasse autour de la réserve, menace de raccrocher son fusil :

« Le Fids 67 me reproche de ne pas tirer assez de sangliers qui sortent de la forêt. Mais si je ne chasse plus du tout, c’est bien plus de 17 000 euros de dégâts qu’ils auront l’année prochaine. »

À la mairie d’Illkirch-Graffenstaden, l’adjoint à l’écologie Richard Hamm, prend la menace très au sérieux :

« Si Michel Wack s’en va, aucun chasseur n’acceptera de reprendre le lot de chasse, car tout le monde sait à quel point la situation est compliquée autour de la réserve. »

S’il n’y a plus de chasseur autour de la forêt du Neuhof, les communes d’Illkirch-Graffenstaden et de Strasbourg seront contraintes d’en assumer les conséquences en matière de dégâts causés par les sangliers. Elles n’auront sans doute pas d’autre choix que de protéger toutes les cultures par des barrières qu’elles devront entretenir.

En revanche, reste la question des parcelles au cœur de la forêt. Le comité consultatif de la réserve ne semble pas prêt à y installer des barrières. En attendant, les agriculteurs tentent de s’adapter. Certains ont remplacé le maïs par du soja qui attire nettement mois les sangliers. Rendez-vous à la fin de l’été, après les récoltes, pour faire les comptes.


#Neuhof

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