Le choix des mots est sensible. Les six intervenants venus présenter à la presse les modalités de la future salle de consommation de drogue de Strasbourg ont martelé que le terme de « salle de shoot » est à leurs yeux inapproprié. Ils utilisent le nom de « salle de consommation à moindre risque » (SCMR), car celle-ci vise à sortir les consommateurs de leur dépendance avec un accompagnement médical.
La SMRC se situera sur le site de l’hôpital civil (NHC), mais pas directement dans ses murs. Les locaux seront ceux de l’ancien établissement de chirurgie thoracique, aujourd’hui désaffecté. L’ouverture est prévue pour la mi-octobre 2016.
La première salle de France
Si le calendrier est tenu, il s’agira du premier établissement de ce type en France. Paris et Bordeaux se sont aussi portées volontaires pour une telle expérimentation. Ces salles, où des substances illicites seront donc apportés de l’extérieur, sont devenues légales avec la loi de Santé, promulguée en janvier 2016. Cet essai se déroulera sur six ans. Il existe des centres similaires en Suisse ou en Allemagne.
365 jours par an, 6 heures par jour
Danièle Bader-Ledit, directrice de l’association Ithaque qui gèrera les lieux, détaille l’organisation :
« L’équipe sera composée de 15 équivalents temps plein (ETP) : majoritairement des infirmiers et des travailleurs sociaux, accompagnés par un médecin, un psychologue et un psychiatre dans le cadre de vacations. Il y aura aussi un agent de sécurité et une équipe administrative. »
Sur site, 7 à 8 personnes seront présentes permanence. L’ouverture se fera 365 jours par an et six heures par jour, l’après-midi et en début de soirée. La structure compte accueillir environ 120 passages par jour une fois à sa pleine mesure.
Un volet insertion professionnelle
Alexandre Feltz, adjoint au maire en charge de la santé (sans étiquette), ajoute que le lieu « ira plus loin » que ses obligations, car l’association « Tapaj » (Travail alternatif Payé à la journée) assurera aussi un volet de réinsertion professionnelle.
Mais pourquoi les consommateurs iraient ici plutôt qu’ailleurs ? Selon Danièle Jourdain-Menninger présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) ce sont avant tous les conditions de sécurité qui les inciteront à pousser la porte :
« Les usagers seront plus tranquilles. Dehors, ils sont entourés de dealers ou d’autres consommateurs qui peuvent leur voler leur drogue. Ici, ils pourront se poser et dialoguer. Elles bénéficieront d’un parcours pour les accompagner. »
Amener ses propres substances
Les consommateurs devront apporter leurs propres substances. Elles seront examinées, mais le diagnostic ne sera pas en temps réel. Il servira à mieux connaitre les produits en circulation et leur composition. En revanche, des équipements comme des seringues stérilisées seront mis à disposition pour diminuer les risques d’infection (notamment à l’hépatite C).
Le maire de Strasbourg Roland Ries (PS) ne cache pas que les discussions avec le procureur de la République n’ont pas toujours été facile. « Ce n’est pas un blanc seing à la consommation », précise Michel Senthille qui a fait de la lutte contre la drogue une de ses priorités en Alsace, une des régions les plus concernées par le trafic de drogue.
Il faudra donc trouver un équilibre aux abords de l’établissement pour que les personnes victimes d’addiction puissent entrer sans être inquiétées, sans que que cela ne devienne un nouveau lieu de trafic. « L’expérience à l’étranger montre que ce n’est pas le cas », abonde l’adjoint Alexandre Feltz.
Un fonctionnement pris en charge par l’Assurance maladie
Le budget de fonctionnement (800 000 à 900 000 euros annuels) sera pris en charge par l’Assurance maladie. L’aménagement est, lui, financé par la Ville de Strasbourg (150 000 euros), l’Agence régionale de Santé (150 000 euros), les hôpitaux de Strasbourg (50 000 euros) et l’Eurodistrcit (50 000 euros).
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