« Il faut remercier Merlin de nous accueillir. » Merlin, c’est le premier arbre imposant à la sortie du village de Rosheim, près d’Obernai. La chamane Joëlle avait donné rendez-vous à 19 heures au bout de la rue du général de Gaulle. Une vingtaine de personnes ont répondu à l’appel de la « guérisseuse et libératrice d’âmes ». Ils ont d’abord payé 10 euros chacun pour la cérémonie nocturne autour du « feu sacré ». Puis le groupe, vêtu de doudounes et de chaussures de marche, s’est dirigé vers la sortie du village. Vers 19h15, « fin du blabla », demande la guide. Chaque participant doit être « en conscience » pour participer à la cérémonie.
Une incantation dans une « langue ancestrale »
La marche est ponctuée d’arrêts devant plusieurs arbres. À chaque fois, il s’agit de demander aux « esprits des lieux, aux archanges, aux gnomes et aux fées » l’autorisation pour pénétrer les lieux. La chamane sort son tambour ou commence une incantation dans une « langue ancestrale, universelle, qui réveille les cellules de chacun d’entre nous. » De son propre aveu, Joëlle ne connaît pas la langue qu’elle utilise. Elle a appris ce dialecte grâce à « l’exploration de ses vies antérieures. »
Pendant que la guérisseuse s’adresse aux esprits des lieux, le groupe attend patiemment. En silence, ils restent souvent immobiles, les yeux fermés, les bras écartés. Lorsque la chamane a terminé, les participants s’approchent de l’arbre et déposent des « offrandes » : une pomme, des graines, un petit Jésus en meringue, des fleurs…
« Avec Joëlle, je suis beaucoup plus sereine »
Vers 19h30, les membres du groupe doivent passer entre deux arbres. Mais cette fois, la chamane prévient : il s’agit d’un véritable « portail ». Nul ne peut le franchir sans être « en conscience ». Joëlle ne précise pas en quoi consiste cet état d’esprit. Elle se contente d’accompagner une personne après l’autre en exécutant de grands gestes. La « guérisseuse d’âmes » estime que l’avant-dernière participante ne satisfait pas aux conditions d’entrée dans les lieux. Devant le groupe, elle doit repasser sous l’œil attentif de la meneuse.
Les plupart des participants se connaissent déjà. Un couple d’une cinquantaine d’années est déjà venu à d’autres cérémonies. Ils ont d’abord consulté Joëlle pour ses « techniques de libération ». Il y a aussi une vendeuse de fruits et légumes bio. C’est la cinquième fois que la cinquantenaire répond à l’appel de la chamane de Rosheim :
« Avec Joëlle, je suis beaucoup plus sereine. Je fais confiance à la vie. J’ai beaucoup de soucis dans ma vie et j’avance grâce à Joëlle. Ça doit être la cinquième fois que je participe [à ce type de réunion, ndlr]. J’en ai entendu parler grâce à des clientes qui venaient chez elle et qui rayonnaient à mon stand. Du coup, j’ai voulu tester aussi et c’est vraiment génial. La toute première fois, la séance était individuelle. On a travaillé sur mes souffrances dans mes vies antérieures. Une fois qu’on a nettoyé tout ça, on fait des entretiens. Moi je dis que Joëlle est mon esthéticienne de l’âme. »
Gérard, du marketing au développement personnel
Gérard, 59 ans, est aussi un habitué de ces cérémonies. L’année dernière, le Strasbourgeois a quitté son poste dans le domaine du marketing pour se reconvertir dans le développement personnel. Sur Facebook, il a découvert les événements organisés par Joëlle. Sur son site internet, il relaie tous les événements liés à la « spiritualité, [au] développement personnel et [au] bien être ». À ces occasions, il dit retrouver un équilibre perdu :
« Ces réunions collectives me permettent de me reconnecter avec notre Terre mère. C’est ce que je ressens ici. Comme tout le monde, on a besoin de se reconnecter à nous-mêmes. »
« Malaya ! Mao ! Amayé »
Vers 20h, le groupe arrive sur le lieu du « feu sacré ». La chamane « nettoie » les participants. Un bouquet de sauge à la main, elle caresse avec les plantes le haut du corps de chacun d’entre eux. Puis la guérisseuse entame un long monologue :
« C’est le feu qui vous parle en fait. Pas moi. On vous demande de bien vous ancrer dans votre feu intérieur, dans votre lumière intérieure. Soyez tous bénis, soyez bénis, soyez bénis. [le feu commence à s’embraser]. Voilà, c’est l’embrasement de votre flamme, c’est l’embrasement de votre feu intérieur. Ne laissez jamais s’éteindre cette flamme. Malaya ! Mao ! Amayé ! J’honore et je bénis maintenant ce feu et toutes les âmes… »
Trois participants quittent la réunion, déçus…
Mais trois personnes, dont une qui pratique le chamanisme à Mulhouse, s’en vont avant la fin de la cérémonie. La guérisseuse de Rosheim dira qu’ils « ont trop d’égo et pas assez d’amour » pour terminer la soirée. Ils étaient pourtant ouverts et volontaires. Les Haut-Rhinois avaient même amené deux tambours.
Quant à Cédric, 39 ans, il a appris des techniques de thérapie corporelle en Inde. Pour les offrandes, il était venu avec des coquillages, de l’encens et un lotus en papier. L’homme, aussi calme que souriant, était venu chercher « le côté communion des énergies » lors de ces cérémonies collectives, qu’il n’a pas retrouvé ce soir-là.
Le reste du groupe a continué de fêter « la pleine lune bleue » bien après 22h. La prochaine réunion de Joëlle aura lieu en mai pour célébrer « l’union entre Jésus et Bouddha ».
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