Roppenheim : les Strasbourgeois boudent les boutiques au milieu de nulle part

Selon l’évaluation fiscale 2011-2012 des frais de carburant, un aller-retour Strasbourg-Roppenheim avec une voiture 5CV (exemple : 307 diesel) revient à 8,372€. Pour faire ses courses au centre des marques The Style Outlets (lire notre article sur son ouverture en avril 2012), les Strasbourgeois doivent surtout avoir une voiture à disposition et compter 30 minutes aller et 30 minutes retour, quand il n’y a pas de bouchons sur l’A35. Des navettes ne sont affrétées à partir de Strasbourg que pour les grandes occasions : ouverture, soldes, week-ends avant Noël (les 1er et 2, 8 et 9 et 15 et 16 décembre).

Déjà 800 000 visites

A ces freins, s’ajoutent des critiques sur le contenu du centre des marques : trop de marques allemandes (un tiers de l’offre), pas assez de marques prestigieuses, des ristournes insuffisantes sur des produits de saisons précédentes, une restauration pas à la hauteur. Autant d’entraves au développement de la clientèle strasbourgeoise. Marinette, la mère, et Charlotte, la fille, sont de ces Strasbourgeoises qui ne reviendront pas. Elles espéraient trouver à Roppenheim des prix « abordables » :

« Les prix de base sont de toutes façons trop chers ! 200€ un tee-shirt à moitié prix, ce n’est pas possible… A Strasbourg, on ne pense même pas à rentrer dans ce genre de magasins. C’est la première fois qu’on vient et avec tout le tapage qu’ils ont fait autour de Roppenheim, on s’attendait quand même à des prix intéressants. Ça ne rentre pas dans notre budget. En plus, on est toutes les deux rondes et pour trouver notre taille, c’est un casse-tête. »

Et puis :

« Nous sommes très déçues par les restaurants. On ne peut pas manger correctement, il n’y a que du snacking. Ce serait bien qu’il y ait au moins un endroit où on peut manger quelque chose de bon dans un si grand espace… Roppenheim, c’est un peu un attrape-touristes. On nous parle de grosses affaires mais il faut avoir un budget important pour s’acheter quelque chose, ça ne vaut pas le coup pour nous. »

Il n’empêche, la direction du centre se frotte les mains : avec déjà 800 000 visites en 6 mois, le groupe espagnol Neinver dépasse de 15% ses objectifs de fréquentation pour l’année de lancement. Et vise les 1,5 à 2 millions de visites pour 2013. Dans les cartons de la direction, quelques nouveautés d’ici décembre qui devraient conforter le centre dans sa vocation transfrontalière, avec l’ouverture de six boutiques de marques allemandes, avec Abro (sacs à main), françaises avec Les Naïades, Karl / Marc / John (vêtements) et La Fiancée du Mékong (vêtements et accessoires), et internationales avec Benetton (Italie) et Samsonite (Etats-Unis).

Extension du domaine

D’ici 6 mois, pour le premier anniversaire du centre, Neinver compte également ouvrir la dernière « rue » encore inoccupée et passer son nombre de boutiques d’un peu plus de 80 à 111 au printemps prochain. Or, si ces marques de moyenne et haute gammes attirent des clients du Bas-Rhin, d’Allemagne, voire même du Haut-Rhin ou de Belfort, certaines qu’attendent les Strasbourgeois ne sont pas au rendez-vous. C’est le cas notamment de Ralph Lauren, Hugo Boss et Tommy Hilfiger « qu’on trouve à Metz ou Metzingen à côté de Stuttgart« , note un Strasbourgeois. Une responsable de la direction rassure les aficionados :

« Nous sommes en contact constant avec ces marques, présentes dans nos autres centres de marques en Europe. Elles ne seront sans doute pas présentes pour les 1 an du centre, mais il n’y a pas de raison qu’elles ne viennent pas plus tard. Bien sûr, si les centre est plein l’année prochaine, il faudra attendre qu’il y ait un peu de turn over au niveau des enseignes… »

En attendant, c’est surtout la clientèle locale et allemande qui vide son porte-monnaie. Les allemands seraient présents à 40% dans le centre selon la direction, 50 à 60% selon plusieurs responsables de boutiques. Les prix sont plutôt attractifs pour qui ne vient pas de trop loin, avec des ristournes de 30 à 70% (voire 80% en période de soldes) sur des marques que l’on peut trouver en ville. Il faut compter par exemple 45€ pour une paire de chaussures d’hiver Puma pour enfants au lieu de 75€ en 2010, ou 262,50€ au lieu de 375 pour un sac en cuir chez Les Petites (vêtements et accessoires haut de gamme pour femmes).

Anne de Soufflenheim : « Je peux venir entre deux rendez-vous »

Anne, mordue de shopping et responsable marketing, fait la route depuis Soufflenheim au moins deux fois par mois :

« Au départ, je venais ici pour faire le tour. Maintenant, je sais où se trouvent les meilleures affaires donc c’est un gain de temps. L’avantage à Roppenheim, c’est qu’on ne tourne pas trois heures avant d’arriver, c’est simple d’accès et il y a de quoi se garer comparé au centre-ville de Haguenau ou de Strasbourg. Pour habiller les enfants, c’est le top. Il y a du choix et des vêtements de qualité à des prix qui défient toute concurrence.

Avant j’allais à Zweibrucken ou Metzingen, mais tout ça a un coût au niveau de l’essence. Quand on va là-bas, on est obligés de se bloquer une journée. Ici, je peux venir entre deux rendez-vous. Il m’arrive d’acheter à mon mari des costumes Cerrutti à 199€, c’est à peu près la somme qu’il pourrait dépenser pour un costume Celio… »

Ce qu’il faudrait améliorer selon Anne :

« Il manque les produits haut de gamme pour femmes de plus de 40 ans. Les hommes trouvent très facilement un costume basique mais de bonne qualité. Pour nous, c’est plus compliqué. Les vêtements de gamme intermédiaire ciblent surtout les plus jeunes. Il y a un peu moins de choix pour les femmes que pour les hommes. Pour celles qui ont des tailles supérieures au 44, ce n’est même pas la peine… »

Avec des Russes venus de Baden-Baden, jusqu’à 20% de la clientèle selon deux responsables de magasins, les autochtones franco-allemands ou les clients de passage, le centre des marques de Roppenheim a « très bien démarré » et pourrait, selon la direction, caracoler dans le top trois des centres de marques de France, derrière la Vallée Village de Marne-la-Vallée ou le Marques Avenue de Troyes. Mais il y a fort à parier que ce n’est pas avec son marché de Noël, du 1er au 31 décembre, et ses pains d’épices Fortwenger que Roppenheim draguera efficacement les urbains.

Avec Sehla Bougriou

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