Il ne faut pas juger un spectacle à son affiche. Sur celle-ci, une paire de fesses potelées, munie de pieds, de nattes et d’un bonnet. Le titre, détournement d’une chanson scoute traditionnelle : « L’écolo chie que dans les prés ». La nouvelle version de la Revue Scoute, cabaret irrévérencieux, ne se soucie pas des convenances. Les numéros plongent joyeusement dans l’indécence pour porter un discours mordant et cru sur l’actualité locale.
Le plaisir pousse dans le purin
Après que le maître de cérémonie ait ouvert le spectacle en compagnie d’une Greta Thunberg hurlant un suédois guttural, le rideau se lève. Le public est accueilli par une cohorte de postérieurs gigantesques au bout desquels dansent une bande de comédiens déguisés, eux aussi, en Greta Thunberg. Le premier numéro sera la parodie d’une chanson du groupe Téléphone.
Devant le plateau se trouve l’orchestre de la Revue Scoute, qui assure l’ensemble des musiques du spectacle. La présence des musiciens est indispensable. Une bonne partie des sketchs sont des chansons, généralement parodies de classiques et des numéros de danse. Le tout prend vite des aspects de cabaret acide où les sketchs se succèdent sans interruption.
Maîtrise artistique et grossièreté
La grande maîtrise artistique du spectacle semble au premier abord contraster avec la grossièreté de son ton. C’est là l’un des aspects les plus marquants : une qualité technique et artistique au service d’un propos vulgaire. Les acteurs sont aussi bons danseurs que chanteurs. Le décor est très inventif, puisqu’il réussit à s’adapter aux différentes tonalités et histoires qu’explorent les nombreux sketchs. Cela est rendu possible grâce aux projections vidéos et à la lumière qui permettent de varier les ambiances.
Ce qui éblouit vite, encore plus rapidement que la maîtrise chorégraphique de la troupe, c’est l’écriture. Tout le sel de la Revue Scoute ne vient pas simplement de l’énonciation d’horribles paroles mais du fait que le texte est dit avec finesse.
Les calembours et jeux de mots littéraires pointus se mêlent aux blagues scatophiles. Il est possible d’entendre des traces de poésie alors même qu’un acteur clame s’être coincé un bâton d’uranium dans le rectum.
Tous les sketchs ne sont pas au même niveau de qualité cependant. Mais la globalité du spectacle bénéficie d’une plume de haute tenue, qui ne craint pas de jeter l’encre et de tacher.
La Revue est un spectacle locavore
La salle de la Briqueterie à Schiltigheim était pleine à craquer. Cela se comprend en voyant que la troupe entretient des liens forts avec son public. Point de quatrième mur, c’est un cabaret. La salle est prise à partie, sollicitée pour certains numéros, ou attaquée par les acteurs munis de vaporisateurs. En résulte une forte complicité entre les artistes et les spectateurs. Une complicité qui s’est pérennisée depuis 40 ans, le spectacle est programmé jusque fin mars à Schiltigheim et tourne dans plusieurs villes d’Alsace en avril et mai.
L’accent alsacien n’est pas le seul marqueur géographique du spectacle. Bien qu’il traite des sujets nationaux voire mondiaux, une bonne part de sa saveur ne peut être comprise que des locaux. Effectivement, les numéros brocardent allègrement l’actualité locale. L’approche des élections municipales fournit à la troupe un excellent prétexte pour tirer à boulets rouges sur la quasi-totalité des élus. Le spectacle prend le temps d’aborder de nombreuses problématiques locales. Il traite du GCO, l’arrêté anti-mendicité, ou encore le manque de moyens dans les hôpitaux strasbourgeois.
Quand le monde court à sa perte…
La thématique emblématique du spectacle est l’écologie. La Revue souhaite s’adapter à son époque. Face au monde qui sombre de plus en plus dans la peur et la violence, le spectacle ne se déballonne pas et décide d’être encore plus méchant que lui. Bien que l’écologie soit abordée par plusieurs sketchs (la montée des eaux, le recyclage du nucléaire, la déforestation) il ne s’agit que d’un fil… vert. Ce qui traverse le spectacle c’est bien plutôt cette furieuse méchanceté, seule consolation et alternative à l’état de malheur ambiant.
Le spectacle dure deux heures et demie, ce qui peut sembler longuet vers la fin. Il faut dire que tous les numéros ne se valent pas. Mais le grand atout d’un cabaret est justement la flexibilité que lui confère sa structure. Si un sketch marche moins bien auprès du public, il est possible de le remplacer.
Avec ses cinq mois de représentation, la Revue peut évoluer pour toujours coller au mieux à l’actualité. La troupe fait un travail intensif pour être la plus cynique et cruelle possible, bien que cela soit une entreprise joyeusement vaine. Car au fond, ce spectacle ne pourra jamais être aussi odieux que les exactions dont il se moque.
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