Rapprocher les Strasbourgeois de l’eau dans une ville qui compte près de 100 kilomètres de rivières, fleuve et canaux, c’est l’une des thématiques qui rencontre le plus d’échos sur l’application de démocratie participative Strasbourg 2028, lancée cet été. Les propositions des carticipants sont de différentes natures : aménagements des berges pour mieux s’y promener, installation d’objets flottants (péniches, barges, piscine…), baignade ou encore circulation fluviale. Nino Moreni présente par exemple son idée de piscine flottante sur les bords du bassin d’Austerlitz, le long de la presqu’île Malraux :
« A l’instar de la piscine Joséphine Baker à Paris, on pourrait installer quelque part dans ce quartier Strasbourg Deux-Rives (vers la presqu’île Malraux ou le bassin de la Citadelle), une piscine flottante. Pas forcément aussi grande que celle de Paris, mais avec un toit ouvrant, elle pourrait apporter, en centre-ville, une alternative estivale plaisante à la piscine du Wacken et ajouter une attraction dans ce quartier en pleine ébullition. »
Une piscine flottante aux Deux-Rives, euh…
Des commentateurs vont plus loin, proposant des « badis« , pontons flottants donnant sur les cours d’eau comme sur le lac de Zurich, et ce, pourquoi pas à proximité des institutions européennes. Plus généralement, nombreux sont ceux qui souhaiteraient le retour des lieux de baignade naturelle.
Renseignement pris, Bernard Reichen, architecte et urbaniste à qui le maire Roland Ries a confié une étude prospective sur le futur quartier Deux-Rives, a placé une piscine flottante sur l’un des visuels de présentation de son étude (ci-dessus, extrait du document distribué pendant la concertation d’octobre-novembre 2013). Mais il ne s’agirait là que d’une « insertion esthétique » sans projet concret derrière, d’après le service de presse de la ville et de la CUS. Peut-être un jour donc, mais c’est loin d’être encore dans les tuyaux.
Se baigner dans l’Ill, pas avant longtemps
Concernant la baignade « naturelle » dans l’Ill, les canaux, voire dans le Rhin (comme cela se fait à Bâle une fois par an), elle est aujourd’hui interdite pour des raisons d’hygiène – on se souvient d’ailleurs de la polémique autour du Herrenwasser. Premier adjoint PS au maire, Robert Herrmann précise qu’un travail sur la qualité de l’eau est en cours mais que s’y baigner n’est encore qu’un doux rêve :
« La pollution dans l’Ill, c’est un problème que l’on ne résoudra pas rapidement. Il y a des suintements d’égouts [ndlr, en cas de forte pluie par exemple] et des endroits où l’eau est stagnante [notamment dans les bassins à Malraux]. La réappropriation de ces espaces est possible, mais elle demandera des dispositifs lourds, un travail de fond et de gros investissements. De plus, quand on aborde la question de l’eau à Strasbourg, tout est très compliqué, les autorités sont multiples, le Port autonome, Voies navigables de France, rien n’est simple… »
Pas pour demain, donc.
Des gradins quai des Alpes
Par « ville flottante », les carticipants entendent aussi (ré)aménagement des berges, et notamment quai des Alpes, en face de la médiathèque Malraux. Ainsi Notes de style (pseudo) propose de s’inspirer de l’exemple de Bordeaux (ou d’Auxerre), en installant des gradins pour regarder le spectacle estival de Rivétoile, des promenades et des chaises longues, mais également de donner un coup de neuf aux trottoirs « qui sont dans un état lamentable » dans ce secteur. Une demande semblable émerge aussi au bord du Rhin Tortu dans le secteur de la rue de la Kaltau, ou encore, non loin de là, dans le parc naturel urbain à Kœnigshoffen et à la Montagne Verte.
Sur les berges, « des plantations dissuasives »
Des berges, il en a été question dans le mandat qui s’achève, dans le secteur Malraux (voir planches ci-dessus), dans le nouveau parc du Heyritz, où un « ponton-jardin » a été installé, et au centre-ville. Là, la rive droite du Fossé des Faux-Remparts a bénéficié de plantations et d’un laisser-faire salvateur pour la nature, mais problématique pour les promeneurs, les SDF et les jeunes qui profitaient de ces espaces jusque-là. C’est à nouveau Robert Herrmann, adjoint en charge du centre et conseiller général du canton, qui fait le point :
« Créer des espaces de déambulation et de regroupement sur les berges de l’hyper-centre, en contre-bas des immeubles, pose le problème des nuisances nocturnes pour les riverains. Or on ne sait pas faire des berges de jour et des berges de nuit. Fermer l’espace public la nuit ne me semble pas une bonne solution. »
Dans son livre, l’ancien prétendant à la tête de liste PS revenait par ailleurs sur la situation particulière de l’Esca, en face du quai des Pêcheurs :
« Le site est superbe et sert de point de ralliement à des centaines de jeunes par beau temps. Ce qui serait sympathique tourne au cauchemar pour les riverains, qui subissent les effets des libations sans limite (…). La solution que nous avons déterminée après concertation et travail avec nos services réside dans un aménagement paysager empêchant l’installation de groupes, grâce à des plantations dissuasives. »
Résultat, les berges sont actuellement fermées, « le temps que les plantations qui visent à réduire l’espace de stationnement (sic) poussent un peu ». La réouverture du site est prévue pour septembre 2014.
Les péniches-restaurants au Wacken, pas possible
Pourtant, les Strasbourgeois espèrent cette exploitation ludique et touristique des canaux. Toujours sur Carticipe, Eric H. Rawyler propose :
« Il serait astucieux, pour développer l’attrait du quartier européen, autant pour les députés que pour les touristes ou les strasbourgeois eux-mêmes, de permettre sur les berges de ce bassin de l’Ill, l’implantation de bars et restaurants sur péniches (et autres types de commerces : boutiques de souvenirs, services…). Cela permettrait d’animer et de rendre plus attractif ce quartier qui, bien qu’esthétiquement superbe, souffre pour le moment d’être un véritable « désert commercial » en l’attente du développement du futur quartier Wacken-Europe. »
Catherine Trautmann, vice-présidente de la CUS et présidente du Port Autonome de Strasbourg (PAS), écarte l’idée pour des raisons techniques :
« Concernant les stationnements de bateaux, le secteur est très délicat au plan de la navigation : largeur des plans d’eau, zone de carrefour entre deux voies d’eau et donc de manœuvre (avec un courant traversier important les rendant délicates) et sensibilité aux variations de débit de l’Ill qui engendrent des variations de plan d’eau et de débit importants à proximité d’un barrage sensible avec des problèmes de sécurité en cas de rupture d’amarres. L’accès côté terre est également assez délicat. L’expérience montre (cf. les bateaux ventouses sur le canal de la Marne au Rhin) qu’il est très difficile de gérer pour conserver une qualité des installations compatible avec la sensibilité du secteur. »
Batobus ou « vapométro », oui… mais non
Les péniches-restaurants, ça ne va pas le faire, donc. Pas au Wacken en tout cas. Et les navettes de transport fluvial, alors ? Certains carticipants n’hésitent pas à ressusciter le projet de batobus, porté par Fabienne Keller (UMP) sous le nom d’Illeo pendant la campagne des élections municipales de 2008. Renaud Ham décrit ainsi :
« Des « batobus » ou « vapométro » à Strasbourg, pourraient apporter un vrai plus aux transports en commun. Bien sûr, ça ne va pas très vite. Mais il n’y a pas que la vitesse qui compte : l’agrément du voyage pourrait inciter beaucoup de gens à l’utiliser, occasionnellement, les jours de détente ou de shopping, et même pour aller travailler parfois, car on est pas toujours pressé. »
Si les commentateurs de cette proposition ne sont pas unanimes, l’une précise néanmoins qu’il serait intéressant de décliner l’idée au Port-du-Rhin, « pour faciliter l’acheminement de tous les salariés depuis des points stratégiques situés sur les zones centrales, qui accueilleront bientôt le futur tram ». La candidate UMP à la mairie de Strasbourg et ancienne édile remettra-t-elle cette idée de vaporetti à la strasbourgeoise dans son programme de 2014 ? « Non », assure Fabienne Keller, qui note néanmoins :
« Je reste une amoureuse des vaporetti comme à Venise, un système de transport collectif génial ! Il y a eu des études sur la faisabilité des batobus qui est plutôt bonne, mais elle est aujourd’hui dans le débat public et sera rediscutée le moment venu. »
L’ouverture de « haltes » dans le Port pas exclue
L’étude plutôt bonne ? N’importe quoi, taclent plusieurs de nos contacts, qui parlent même d’ « Illeo-flop ». Les conclusions de l’étude – que la Ville n’a pas pu nous procurer dans les temps – auraient au contraire enterré le projet. La vitesse limitée sur l’Ill, la nécessité de rendre accessibles des stations là où parfois l’Ill canalisée est située en contrebas des quais (comme aux Faux-Remparts) ou encore la taille limitée de Strasbourg, rendraient ce projet peu attractif et non-rentable. Catherine Trautmann confirme :
« Le PAS avait fait une étude de faisabilité qui desservait le secteur européen (projet Illeo). Ce projet, qui constitue un transport urbain donc une délégation de la collectivité apparaissait cependant moins urgent par rapport à d’autres (bus ou tram) au vu du nombre de passagers potentiels et de l’investissement. Cette étude existe toujours mais n’a aucun lien avec le projet que Batorama développe avec le Parlement européen qui est un projet à vocation touristique et pédagogique. Dans l’éventualité de nouvelles visites du port, la possibilité d’ouverture de haltes n’est pas exclue à moyen terme. »
Pédalhop partout et barques dans le PNU
Exit les bus flottants donc, pour le moment en tout cas. Restent les « Pédalhops« , amusante proposition de fred2 qui « permet d’économiser les frais d’inscription dans une salle de sport », ou les barques à fond plat pour se balader sur les canaux et bras de l’Ill dans le PNU à la Montagne Verte, comme dans la Petite Venise à Colmar ou dans le Ried à partir de Muttersholtz. Utopie ? On a encore le droit de rêver.
Avec la participation d’Eric Hamelin
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