Comme une routine. Syndicalistes, manifestants et CRS prennent leurs positions respectives, autour de la place de la République, pour la onzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, ce jeudi 6 avril. Pour la onzième fois, les journalistes piochent dans les mêmes images du folklore militant : les tambours tambourinent, les camions roulent au pas, les sonos crachent leurs décibels… « En 38 ans de syndicalisme, je n’ai jamais vu une mobilisation entrainer autant de monde, pour une période aussi longue », glisse Sabine Gies, responsable de la CFDT Alsace.
La syndicaliste est beaucoup moins enthousiaste lorsqu’on évoque la réunion de la veille, entre les dirigeants de l’intersyndicale et la Première ministre Élisabeth Borne. Après une heure seulement – au lieu des trois prévues dans l’agenda de la Première ministre – les leaders syndicaux quittent l’hôtel de Matignon l’air hagard, actant l’impossibilité de s’entendre avec l’exécutif. « La réunion d’hier est à l’image de l’attitude du gouvernement depuis le début. C’est toujours le même mépris », conclut Sabine Gies.
Un fiasco si prévisible
Dans les cortèges syndicaux, peu de monde croyaient vraiment à l’ouverture d’un dialogue. Déjà la semaine précédente, les tentatives d’ouverture du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, étaient mal passées au sein des manifestants. Nicolas Libes, représentant de la CGT dans la commission nationale de la formation et de l’emploi audiovisuel, affiche une moue réprobatrice :
« Je fais partie des gens qui pensent que ce n’était pas nécessaire d’y aller, puisque le gouvernement avait déjà annoncé qu’il resterait sur ses positions. Maintenant, c’est la rue qui doit faire parler la contestation démocratique. »
Même constat, pour Pierre Flanet, professeur engagé au syndicat Sud Alsace :
« Bien sûr qu’on aurait pu s’éviter ça. D’un autre côté, c’était bien d’y aller et de repartir ensemble, c’était l’occasion de faire à nouveau la démonstration de notre unité. Maintenant, en l’absence de concession, ça ne sert clairement plus à rien de rencontrer le gouvernement. Il faut rester dans la rue. »
Incertitudes sur la forme de la mobilisation
Si tous les syndicalistes s’accordent sur la poursuite de la mobilisation, sa nature soulève quelques interrogations. Nicolas Liebes ne souhaite pas attendre la décision du Conseil constitutionnel, attendue le 14 avril, sur la conformité de la loi : « C’est un peu illusoire, vu leur composition. Ce ne sont pas des gens élus, mais nommés ». Sur les neufs membres du Conseil, trois le sont par décision du Président en exercice, trois par le président de l’Assemblée nationale et trois par celui du Sénat.
Un peu plus loin, vers l’arrière du cortège, Joël et Julien partagent les doutes du représentant de la CGT. Tous deux sont membres du Syndicat national des artistes et des professionnels du spectacle et de l’audiovisuel (Snapsa), affilié à la CFE-CGC. « Si le Conseil constitutionnel valide la loi, il faudra poursuivre. Avec peut être des manifs plus espacées mais plus fortes », commence Joël, hésitant. Julien se montre plus décidé :
« J’entends toujours les mêmes débats, les mêmes matinales à la radio les jours de manifs. J’aimerais bien que la mobilisation prennent d’autres formes maintenant. Moi, j’attends que les syndicats nous donnent des consignes différentes, comme des actions de désobéissance civile par exemple. »
La prochaine journée de mobilisation a été annoncée jeudi soir par l’intersyndicale : ce sera le jeudi 13 avril. A la veille de la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites.
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