Sur le site du promoteur Vinci Immobilier, la ficelle est grosse : après avoir vendu l’accès par le tram, pourtant pas effectif avant deux ans minimum, et les friches portuaires – cela fait rêver ! – la présentation de la résidence vente « la population locale [qui] y bénéficie d’un revenu supérieur à la moyenne nationale ». Les habitants du quartier du Port-du-Rhin, logés à 80% dans des logements sociaux et pour la plupart au chômage, seuls vivant dans le quartier pour le moment ? Non, non, les futurs habitants de la résidence eux-mêmes, explique-t-on chez Vinci. On vend donc aux futurs propriétaires… leur propre niveau de vie.
60% d’investisseurs, donc de locataires
Et ça marche, puisque cette résidence de 380 logements sur quelque 26 000 mètres carrés est déjà vendue à 85%, assurent les promoteurs Vinci et Franck immobilier. Sur les 380 appartements, 113 sont regroupés dans une résidence pour personnes âgées où il ne resterait qu’une dizaine de logements libres.
Quatre-vingt appartements, donnant sur l’avenue du Pont-de-l’Europe et sur le parking arrière, ont été vendu aux offices HLM CUS Habitat et Opus 67, déjà présents dans le quartier. Sur les 187 logements privés restant, 28 seulement n’ont pas encore trouvé preneur, note Reynald Chivot, chez Vinci. Il s’agit principalement, confirme Didier Franck, gérant de Franck immobilier, de ceux donnant sur le parc, en cours de construction. L’entrepreneur est optimiste :
« Nous vendons un peu moins vite qu’il y a un an et demi mais nous vendons toujours, à des jeunes cadres, à des séniors, et surtout à des Strasbourgeois. Cela s’explique par nos prix maîtrisés, environ 3500€ du mètre carré, contre 3800 à 4000€ sur la presqu’île Malraux ou au Grand angle (route du Rhin, face au Bruckhof, ndlr). Mais aussi par l’environnement qualitatif, le jardin et le Rhin. Nous croyons beaucoup dans cette localisation, avec le projet de clinique Tamaris, qui va nous apporter une autre clientèle et le développement de l’axe Heyritz-Kehl. »
En fonction des étages et des bâtiments, les prix peuvent grimper jusqu’à 3800€ du mètre carré, précise Reynald Chivot, 3900€ si l’on en croit le site internet de Vinci. Parmi les acheteurs, 60% sont des investisseurs, professionnels ou particuliers. Nombreux seront les habitants, notamment ceux vivant dans les petites surfaces, studios ou deux-pièces, qui seront donc des locataires.
Les différents lots du complexe
La tour « signal » pas enterrée
Plusieurs centaines d’habitants en plus au Port-du-Rhin d’ici quelques mois, et ce n’est pas fini. Côté promoteurs, le quartier attire toujours. Didier Franck espère, dans la foulée de cet ensemble, construire une tour de 80 logements, prévue sur l’une des pointes du triangle dans le projet initial échafaudé par la municipalité de Fabienne Keller (UMP), avant 2008. Ce principe d’une tour « signal » de l’entrée en France, écarté par l’équipe PS une fois arrivée au pouvoir, pourrait donc renaître.
Sur l’historique, Philippe Bies, ancien adjoint en charge du logement de 2008 et 2012, se souvient :
« En arrivant, nous avons trouvé ce projet et respecter une partie des engagements de nos prédécesseurs. Nous avons préféré écarter la tour et réorienter l’ensemble selon nos propres orientations : intégration de 20% de logement social, meilleure performance énergétique. Nous avons aussi veillé à ce que les prix restent raisonnables. »
Et d’annoncer :
« A côté, un « ilot bois » de 25 000 mètres carrés sur 7 ou 8 étages va se faire, l’appel d’offres est en cours. Un autre ilot de 187 logements construit par Habitation moderne sur l’ilot Jeanne-d’Arc [va aussi sortir de terre]. Il est urgent d’amener d’autres projets dans ce secteur pour arriver à un mélange de population. »
Clinique, crèche, école
Mélange de population, l’opposition municipale n’y croit pas trop. Fabienne Keller de regretter :
« Ce qui m’inquiète, c’est qu’on remet du logement social dans un quartier où il y en a déjà tant. Par ailleurs, dans notre projet, on mettait l’école du côté du jardin pour tirer la population modeste vers le nouveau quartier. De même, j’aurais mis de ce côté la maison de la petite enfance avec la crèche transfrontalière. La clinique en revanche est un facteur d’attractivité très positif. Dommage qu’on ait perdu du temps en proposant aux cliniques d’abord le terrain Starlette, trop exigu. »
Un recours contre le tracé du tram D ?
En 2016, le tram D devrait passer devant la résidence du jardin des Deux-Rives et desservir la gare de Kehl. C’est en tout cas l’un des arguments phare pour développer l’urbanisation de ce quartier et « déplacer Strasbourg vers le Rhin ». Or, le tracé par les terrains Starlette et Coop est dénoncé par l’opposition municipale. Anne Schumann, conseillère municipale UDI, prévient :
« Ce tram devrait passer tout droit sur la route du Rhin, ce qui irait beaucoup plus vite et coûterait moins cher ! Avec le tracé prévu, il va desservir un no man’s land total, et ce pendant 15 ans ! Sans compter les deux ponts inutiles, un viaduc sur le bassin Starlette et un nouveau pont sur le Rhin, hors de prix !
Depuis 2010, l’équipe de Roland Ries est braquée sur un tracé et n’a même pas pris la peine de comparer les coûts des différentes options. Alors qu’on aurait même pu envisager un tram sur pneu sur la RN4, pourquoi pas ? Dans ce dossier, nous nous acheminons vers un recours devant le tribunal administratif. »
D’ici l’arrivée du tram, l’accès à cette marina, à laquelle ne manque qu’un port de plaisance !, se fera par le bus 2, « qui marche du feu de Dieu », se félicite d’ailleurs Philippe Bies, et dont la fréquence des passages a été augmentée, par « une voirie rénovée et des pistes cyclables toutes neuves », le long de la route du Rhin.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : le projet Tamaris regroupera trois cliniques au Port-du-Rhin
Sur Rue89 Strasbourg : réhabilitation du Port-du-Rhin, les riches d’un côté, les pauvres de l’autre ?
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