Vendredi matin, 10h15. Dans la cour de l’école Guynemer, en plein dans le quartier du Neuhof à Strasbourg, deux dames s’exercent à slalomer entre des petits plots oranges. Vincent Murez, initiateur mobilité vélo au CADR 67 (Comité d’actions deux roues du Bas-Rhin), supervise les opérations.
« Pas de panique, aujourd’hui tout le monde est en retard ! », lance-t-il pour rassurer les autres adultes, qui arrivent au compte-gouttes, parfois munis d’une bouteille d’eau. Peut-être que le ciel menaçant il y a quelques heures a fait hésiter. Mais assez vite, la cour se remplit.
Un vélo pliable pour moins d’appréhension
Les « élèves » enchaînent des tours de piste sur des vélos pliables de marque Brompton, des bijoux d’une valeur de 1 400 euros chacun mais apparemment, il faut bien ça pour mettre en selle les adultes. « Les petites roues permettent de diminuer l’appréhension », explique Vincent Murez. Il est aidé par Manel, une nouvelle salariée de l’association, qui assure aussi les cours individuels au parc de la Citadelle.
Les apprenties doivent slalomer ou rester droit. « Aujourd’hui, il n’y a que des femmes, mais on a parfois des hommes », précise Vincent. De temps à autre, il s’approche pour donner des conseils personnalisés aux stagiaires.
Maîtriser sa vitesse
Au fil des minutes, certaines s’essayent à rouler en tenant le guidon d’une seule main. « Une fois que les élèves comprennent que c’est la vitesse qui apporte l’équilibre, il faut ensuite apprendre à la maîtriser », poursuit Vincent. Ce matin, on dénombre quelques chutes, mais pas de blessure.
La tenue de la séance est libre, chacune peut s’arrêter et reprendre quand elle souhaite. Après 30 minutes, les premiers coups de fatigue se font sentir, mais personne ne se décourage.
Deux sessions de 8 semaines par an
Le Cadr 67 propose deux sessions par an, de 8 semaines chacune pour apprendre à faire du vélo aux adultes qui n’ont jamais approché un deux-roues. La première session débute en septembre pour se terminer en décembre et l’autre court de mars à juin. Les cours ont lieu à Koenigshoffen, au Port-du-Rhin, à Schiltigheim, à Hautepierre, à la Montagne Verte, à la Meinau ou encore à Cronenbourg. Des quartiers périphériques et populaires où la pratique du vélo est nettement moins courante que dans le centre-ville. Ces cours existent depuis les années 1990.
L’inscription coûte 20 euros. Elle était autrefois gratuite. Mais les animateurs ont remarqué que cette somme n’est pas dissuasive et que les apprentis sont plus rigoureux que lorsque l’inscription était gratuite ou même à 10 euros. Khedidja est venue depuis l’Esplanade :
« Je n’ai jamais appris à faire du vélo. Je souhaite m’y mettre pour me promener avec mes filles et faire de petites courses. »
Mais pour le moment, elle n’ose pas sortir seule à vélo, notamment à cause du regard des autres et des moqueries que sa pratique encore hésitante pourrait susciter.
« On est comme nos enfants »
Même motivation, prendre du temps avec ses enfants, pour Fatiha, venue de la Meinau car le cours dans son quartier, le jeudi après-midi, ne correspond pas à ses heures de travail :
« Mes filles ont appris toutes seules. En fait, là on est comme les enfants, sauf que nous il n’y a pas de papa qui dit “vas y ma grande !” »
Toutes les participantes interrogées pensent acheter un vélo une fois leur apprentissage terminé. Certaines étaient déjà venues aux derniers cours de la session automnale. Cependant, tous les inscrits ne se transforment pas en cyclistes réguliers, a remarqué le Cadr avec les années.
Excursion sur la route
Il est bientôt 11 heures. Vincent emmène les stagiaires les cinq plus aguerries, équipées d’un gilet jaune, pour une petite excursion sur la route. Trois autres restent dans la cour avec Manel.
L’excursion débute par des petites rues plutôt calmes et sur la piste cyclable le long de l’aérodrome du Polygone. Mais ensuite, il faut remonter l’avenue Rodolphe Reuss, beaucoup plus fréquentée par les voitures. Pour certaines, la présence de véhicules est une source d’inquiétude et elles préfèrent mettre pied à terre. Mais pas d’accrochage, ni de frayeur. Les automobilistes sont bienveillants et parfois surpris par le petit cortège.
Vincent ouvre la marche mais redescend parfois en queue de peloton pour s’assurer que tout le monde aille bien. Devant, les élèves les plus à l’aise avancent à bon train. Quand une élève commence à rouler en biais de l’autre côté, un simple « où-est-ce que tu vas là ? » sur le ton de la plaisanterie, suffit à la faire revenir à droite de la chaussée.
Après 30 minutes, retour à l’école Guynemer. « Aujourd’hui sur la route j’ai paniqué », se reproche une élève. Elle se sentait plus à l’aise la semaine dernière. Vincent trouve au contraire que tout le monde progresse et remarque que personne n’a fini à pied.
Un jour, un centre d’apprentissage ?
La séance se termine. Toutes les participantes replient leur vélo consciencieusement et saluent Vincent. Ce dernier n’a plus qu’à les attacher sur la longue remorque à l’arrière de son vélo électrique. Il repart vers les locaux du Cadr, rue des Bouchers à la Krutenau.
À terme, Vincent Murez aimerait un lieu fixe, adapté, pour ce genre de cours. Cela ferait gagner du temps et à l’instar de ce vendredi, les élèves viennent selon leurs disponibilités dans la semaine, plutôt qu’en fonction de l’emplacement.
L’après-midi, Vincent n’en aura pas terminé avec ses cours. Il sera au pied de la passerelle Mimram, au jardin des Deux-Rives « idéale pour travailler les côtes, les descentes et la maîtrise de la vitesse. »
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