« Il y a une dizaine d’années, notre bailleur social a installé des poubelles en extérieur. Depuis, les rats prolifèrent et l’été on n’ouvre pas les fenêtres tellement ça pue. » Menouba Arbouche habite dans un appartement d’Alsace Habitat, rue Rembrandt. Ici, les immeubles de ce bailleur social de la Collectivité européenne d’Alsace forment une sorte de carré.
Au centre : des places de parking, quelques arbres… et plusieurs blocs de pierre contenant des poubelles aux couvercles bleus et jaunes. Pour la représentante des locataires du syndicat Confédération Nationale du Logement (CNL) 67, ce système de collecte de déchets a prouvé son inefficacité. L’Elsauvienne plaide désormais pour des poubelles enterrées.
Une pétition pour des poubelles enterrées
Fin novembre, Menouba Arbouche a donc lancé une pétition. Les revendications sont nombreuses : réintroduire un concierge pour les rues Rembrandt et Waltz, remettre à disposition des locataires un local à vélo, entretenir les espaces verts… et enterrer les containers poubelles pour lutter contre la prolifération des rats, souris et autres animaux nuisibles. Après avoir récolté 118 signatures pour les 212 logements d’Alsace Habitat dans la rue Rembrandt, la militante de la CNL 67 affirme que 56% des habitants sont favorables aux poubelles enterrées.
De l’autre côté de l’Elsau, les maisons individuelles longent l’Ill et ses berges verdoyantes. Ici, la question des poubelles ne se pose pas. Chacun a la sienne. Mais Marc Ferrante se bat pour que la partie Quartier Prioritaire de la Ville (QPV) bénéficie des poubelles enterrées. Ce membre de l’Amicale des habitants de l’Elsau plaide pour une solution « qui fonctionne partout en France ». « C’est une chance pour l’Elsau de régler en une fois un problème majeur pour le quartier, celui des nuisibles », ajoute-t-il. L’artiste-plasticien fustige donc le choix d’Alsace Habitat de refuser ce système de collecte de déchets :
« Avec le choix d’Alsace Habitat, il faudra une deuxième tournée de camions-poubelles pour un bailleur social qui représente à peine 13% des logements du quartier. C’est un non-sens économique et écologique. De plus, notre solution aurait permis de dégager les pieds des bâtiments pour planter des arbres et offrir une meilleure vue aux habitants. »
Un rapport favorable à la collecte enterrée
À proximité du centre socioculturel de l’Elsau, les poubelles extérieures donnent en effet une triste image du quartier. Les couvercles de métal sont souvent ouverts sur les blocs de pierre noircis par le temps. À certains endroits, quelques encombrants trainent à côté des poubelles. À proximité de la rue Watteau, une dizaine de sacs en plastique noir trainent à même le sol aux côtés d’autres emballages. À la fenêtre, un vieil homme moustachu attire notre attention sur les poubelles en bas de chez lui. Dans un français incertain, il se plaint : « C’est plein de maladies tout ça… »
Pour prôner la poubelle enterrée, Marc Ferrante s’appuie sur un rapport de la Ville de Strasbourg concernant « la gestion des rats en ville et des animaux liminaires dans l’habitat ». Ce document indique, page 54, que « les logettes et locaux à poubelles constituent une offre alimentaire importante et peuvent grandement favoriser l’installation de rongeurs. » Ces dispositifs cumulent en effet plusieurs défauts. Ils ne sont pas étanches, et laissent donc les rats entrer et se régaler. Les containers sont parfois trop hauts pour des enfants, qui laissent les sacs à côté des containers. Les auteurs de l’étude en déduisent : « La collecte des déchets par borne enterrée semble être plus efficace pour empêcher les infestations de rongeur. »
« Il faut mettre en place un ensemble de mesures »
Adjoint en charge de la politique de la ville, Benjamin Soulet aurait préféré voir tous les bailleurs sociaux de l’Elsau adhérer au dispositif des poubelles enterrées. Mais l’élu écologiste admet les limites de ce dispositif :
« La collecte enterrée n’est pas la solution ultime. Il faut mettre en place un ensemble de mesures. Quand on a développé la collecte enterrée à Hautepierre, il y avait une concertation avec les habitants sur l’emplacement du site choisi. Il y a aussi un travail de pédagogie à faire sur la taille des sacs, parce qu’au-dessus de 80 litres ça passe pas. Il est possible qu’Alsace Habitat ait eu d’autres retours d’expérience sur les poubelles enterrées. »
L’option d’Alsace Habitat : des locaux hermétiques
Pour Nabil Bennacer, directeur d’Alsace Habitat, la collecte enterrée n’est pas une solution. Le dirigeant du bailleur social donne l’exemple de la rue Colette, dans le quartier de Hautepierre, « c’est une déchetterie à ciel ouvert, qui pose des problèmes de salubrité publique. Plusieurs fois par semaine, mes gardiens d’immeuble doivent ramasser des dizaines de sacs poubelles. Nous avons eu le même problème dans le quartier des Écrivains (à Schiltigheim et Bischheim NDLR), où nous avons expérimenté la collecte enterrée en 2016. Cette solution n’est pas adaptée à l’habitat social. »
Nabil Bennacer plaide donc pour une autre solution : des poubelles placées dans des modules de béton étanches, accessibles grâce à un badge délivrés au locataire. Le directeur d’Alsace Habitat évoque un retour d’expérience positif à Bischheim pour 12 installations de ce type dans les rues de Vendenheim et Mundolsheim :
« Cette solution occasionne un surcoût de 20% par rapport à la collecte enterrée. Mais elle nous a permis de réduire les dépôts sauvages. De plus, puisque le local est hermétique, il n’y a pas de passage possible pour les rongeurs et les rats. Et nous n’avons plus de problème d’incendie non plus, puisque le badge permet de savoir qui est la dernière personne à avoir accédé aux poubelles. »
Le directeur d’Alsace Habitat promet que « les modules installés à l’Elsau seront identiques (à celui de la photo ci-dessus, NDLR) et actuellement situé à Bischheim (rue de Vendenheim/Mundolsheim).
Les quartiers de Hautepierre, Ostwald-Kirchfeld, Bischheim-Guirbaden ou Cronenbourg disposent déjà de conteneurs enterrés. Dans l’Eurométropole de Strasbourg, 4 431 logements sont ainsi équipés de ce dispositif. L’objectif de l’EMS est de quadrupler ce total, et atteindre 18 000 logements dotés de conteneurs enterrés en 2026, Les logements de CDC Habitat passeront aux poubelles enterrées fin 2022 et ceux d’Ophéa entre 2023 et 2025.
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