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Pour attirer les jeunes actifs et les acheteurs privés, la rénovation de l’Elsau débutera par son entrée

L’ancien supermarché de l’Elsau doit être détruit courant janvier 2021. Le promoteur immobilier Marignan y construira une centaine de logements et 1 000 mètres carrés de surface commerciale. Une mutation profonde pour l’entrée du quartier.

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Une activité inhabituelle règne sur le parking de l’ancien supermarché de l’Elsau ce samedi 5 décembre. Malgré le froid, plusieurs personnes s’activent devant le bâtiment désaffecté. Responsable de la partie elsauvienne de la Fabrique Artistique Culturelle et Citoyenne (FACC), Mouss passe le balai au pied du mur. Marc, éducateur spécialisé, scrute le sol à la recherche de seringues. Cyril, fondateur de l’association Mix’cités, graffe le portrait d’une habitante du quartier sur la façade.

Cyril, fondateur de l’association Mix’cités, graffe le portrait de Josiane Sattler, habitante engagée du quartier. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Le début du retour d’un supermarché ?

Le tag en cours suscite la curiosité de Lucas, un adolescent de l’Elsau qui se promène avec un ami. Mouss lui explique que le supermarché sera bientôt détruit pour construire de nouveaux logements ainsi que des commerces. « Quand le Leclerc était encore ouvert, c’était la bonne époque ! », commente le jeune avant de se diriger vers la station de lavage automobile en décrépitude : « Ici, on nettoyait la voiture des darons, se souvient le garçon en doudoune grise, c’était il y a plus de cinq ans. » Lucas se retourne et rejoint Cyril pour s’essayer au tag.

« Ici, on nettoyait la voiture des darons, se souvient le garçon en doudoune grise, c’était il y a plus de cinq ans. » (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

L’habitante engagée Josiane Reibel, le footballeur Michael Cuisance, le rappeur Larry… Ces Elsauviens qui font la fierté du quartier auront leur portrait graffé à l’entrée du quartier quelques semaines durant. Au courant du mois de janvier 2021, le bâtiment de l’ancien supermarché sera détruit pour entamer la rénovation de l’Elsau.

Le promoteur immobilier Marignan y construira ensuite cinq immeubles pour accueillir 1 000 mètres-carrés de surfaces commerciales et une centaine de logements, dont 36 pour le marché privé. Au milieu de cette copropriété, une nouvelle rue reliera l’entrée du quartier aux rues Rubens et Leonard de Vinci.

En haut à gauche du plan, la station de tram Elsau. La rue Watteau se trouve à gauche. Les rues Léonard de Vinci et Rubens se trouvent en bas à droite. (Document remis)

« Programme impulsion » d’une autre image

« L’opération s’intitule “Programme impulsion” », explique Sylvain Crouzier, directeur de l’agence strasbourgeoise de Marignan. « Notre objectif est de changer l’image du quartier », enchaîne-t-il. Pour ce faire, la rénovation du quartier commence par un terrain idéalement situé selon plusieurs experts immobiliers interrogés. Le centre-ville et la gare de Strasbourg sont à quatre stations de tram. L’autoroute A35 est à quelques centaines de mètres.

Les travaux commenceront par un premier îlot de deux bâtiments longeant la fin de la rue Watteau, près du tramway. Aux rez-de-chaussée, les 1 000 mètres-carrés sont réservés à des surfaces commerciales, dont un supermarché attendu par tous les Elsauviens. « L’idée, c’est d’abord d’attirer un commerce alimentaire, ce sera la locomotive pour faire venir d’autres commerces par la suite », assure Sylvain Crouzier.

Le premier ilot se situe sur ce plan sous la rue Watteau, à droite du petit parking voisin de l’épicerie. (Document remis)

Aux étages de ces deux bâtiments, 45 logements en locatif intermédiaire seront construits, puis gérés par la société Livie, filiale du bailleur social Batigère. Son responsable développement immobilier à Strasbourg, Raphaël Dufraisse, décrit les types d’appartements et les loyers prévus :

« Il y aura 20 T2 de 48 m2, 18 T3 de 55 m2 et et 7 T4 de 65 m2, tous avec balcon et place de stationnement en sous-sol. Les loyers tournent autour de 8,84 euros le mètre-carré, donc le T2 sera loué à 470 euros par mois, le T3 à 600 euros mensuels et le T4 à 670 euros par mois, sans les charges. »

Des logements en « accession sociale sécurisée »

Ensuite, trois autres bâtiments seront construits en face de ce premier ilot. Les travaux se feront presque en simultané.

L’immeuble au plus proche de l’entrée du quartier, offrira des espaces pour bureaux au rez-de-chaussée. Les étages de ce bâtiment seront occupés par 19 logements en accession sociale sécurisée.

En haut de ce plan, une future nouvelle rue pour relier l’entrée du quartier (en haut à droite) aux rues Léonard de Vinci et Rubens (à gauche). Photo : Document remis

Cécile Roussel, directrice générale Batigère Maison Familiale (BMF), décrit le processus d’acquisition et les tarifs :

« Les T2, T3 et T4 seront vendus autour de 128 000, 183 000 et 225 000 euros. L’accession sociale sécurisée permet à un potentiel acheteur d’entrer en location pendant six mois à un an. Pendant cette période, l’intéressé verse une redevance qui correspond à ce qu’il paierait à la banque si un prêt était en place. Pour un T2, cette redevance est de 500 euros par mois environ.

Ce mode d’acquisition contient une exonération de taxe foncière pendant 15 ans. Aussi, en cas de coup dur comme un divorce ou un décès, la BMF s’engage à racheter l’appartement et à proposer un nouveau logement à l’habitant. »

Vue de synthèse de l’entrée de l’Elsau une fois le « programme impulsion » achevé. (Document remis)

Une offre destinée aux jeunes actifs

Selon les deux salariés de Batigère, ces deux types de logements correspondent aux besoins et aux moyens d’une population jeune, qui débute dans la vie active. Cécile Roussel précise : « Un T2 en accession sécurisée correspond à un couple au revenu annuel imposable de 25 000 euros. » La directrice générale de BMF décrit les trois profils-types du public strasbourgeois ayant recours à l’accession sociale sécurisée :

« On a trois types de profils sur ce type de produits à Strasbourg : plus d’un tiers sont des jeunes actifs qui entrent sous le plafond de ressources de 40 000 euros par an pour deux personnes ou un couple avec deux enfants gagnant moins de 58 000 euros annuels. Ce sont souvent des primo accédants. Un deuxième tiers est constitué de familles monoparentales avec un apport important. Le dernier tiers sont des personnes issues de logement social et qu’on voudrait faire accéder à la propriété. »

Deux bâtiments pour 36 logements privés

Les deux bâtiments voisins seront construits par le promoteur Marignan. Il y commercialisera 36 logements sur le marché privé à un « prix moyen inférieur à 3 000€ du mètre carré », annonce Sylvain Crouzier. Voici la liste des appartements proposés selon leur taille :

  • 15 T2 d’environ 42 m2 
  • 14 T3 d’environ 62 m2 
  • 7 T4 d’environ 81 m2

Les craintes de Josiane et du conseil citoyen

En discutant de ces futurs projets avec les personnes réunies devant le supermarché abandonné, Lucas se projette dans l’Elsau du futur. « C’est dommage, ici ça va être beau et là-bas (il désigne les immeubles du quartier ndlr) ça va rester tout moche. » « Mais non, rétorque Mouss, ça c’est le début. Après, ils vont rénover le reste du quartier. Tu vois l’école, ils vont la déplacer à l’arrêt Martin Schongauer pour construire des maisons pour les plus riches au fond du quartier. » Lucas hausse les épaules. Mouss se retourne vers le tag en cours de réalisation. Il prend une photo et envoie le portrait à Josiane, qui répond « mdr ».

Portrait en cours de Josiane Reibel (Photo prise par le jeune Lucas)

Josiane Reibel a pris connaissance du projet de Marignan pour l’entrée de l’Elsau lors d’une réunion du conseil citoyen, fin novembre. En réaction à cette présentation du « programme impulsion », cette habitante engagée a rédigée une lettre au nom du conseil citoyen de l’Elsau. Elle y préconise « d’entreprendre en priorité » :

  • la démolition de la barre d’immeuble de la rue Watteau tel que prévue par l’ANRU,
  • de faire en sorte que les pseudos commerces implantés rue Léonard De Vinci disparaissent,
  • de redonner à la rue Watteau un aspect convivial et sécuritaire en y mettant les moyens adaptés,
  • de réglementer l’accès aux barbecues du Gazébo, voire de déplacer ces barbecues hors de l’entrée du quartier, sachant que l’œuvre artistique a toute sa place à cet endroit. »

« Cette chronologie des travaux nous semble incontournable »

Dans cette lettre, le Conseil citoyen l’admet, « notre demande ne sera pas facile à satisfaire, compte tenu des délais incompressibles et des négociations à mener avec la copropriété du bâtiment subsistant rue Watteau, mais cette chronologie des travaux nous semble incontournable. À défaut, le projet idyllique de Marignan pourrait se transformer en situation
cauchemardesque. »

Côté Marignan, les travaux doivent démarrer à court-terme, comme l’annonce Sylvain Crouzier : « Nous avons pour objectif de démarrer les travaux début 2021, avec une première partie de livraison début 2023 et qui s’étalerait jusqu’à 2024. »


#Elsau

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