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Législative partielle : le vote Elkouby (PS) de dimanche divise les écolos

Le parti écologiste n’a pas appelé à soutenir le PS au second tour de la législative partielle de Strasbourg ce dimanche 29 mai, contrairement à ce qui se pratiquait jusqu’à présent. Un lâchage qui divise le parti écologiste et pourrait porter préjudice au PS s’il se répète… en 2017.

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Les écologistes, alliés au Parti socialiste au sein de la municipalité strasbourgeoise, n’appellent pas à voter pour Éric Elkouby (PS) au second tour de l’élection législative partielle, ce dimanche. C’est le principal fait politique de l’entre-deux-tours de la campagne éclair strasbourgeoise. Pour Europe Ecologie – Les Verts (EELV), les deux candidats présents au second tour ont les mêmes positions sur les sujets qui leur semblent prioritaires et ils n’ont de ce fait donné aucune consigne de vote.

Comme nous l’indiquait le candidat Simon Baumert (EELV) au soir du premier tour, ce non-soutien est justifié par des raisons de politiques nationales. Il cite les désaccords sur les lois El Khomri, Loi renseignement, sur la transition écologique, la loi biodiversité, la mise en œuvre des engagements de la COP21, et au niveau local, sur des dossiers comme Fessenheim, la taxe poids lourds ou le GCO.

En Loire Atlantique, un bon report malgré l’absence de consigne

Pourtant, cette prise de position ne risque pas de faire basculer l’élection. Dimanche soir, les élus socialistes Philippe Bies, député de la 2ème circonscription du Bas-Rhin, et Mathieu Cahn, adjoint au maire, ne voyaient pas de « scénario catastrophe » où le candidat de droite (LR) pourrait combler l’écart de 1 615 voix. En effet, même avec un report sur la candidature de Jean-Emmanuel Robert de 100% des votes du FN, d’Unser Land, de l’UDI et de Guillaume d’Andlau (sans étiquette, mais au profil centriste), les 50% des voix du premier tour ne seraient pas atteintes par la droite (47% seulement). S’il veut créer une surprise, Jean-Emmanuel Robert doit mobiliser des abstentionnistes du premier tour (l’écart correspond à 2,5% du corps électoral).

Certes, les écologistes n’appellent à soutenir aucun candidat, mais on imagine mal que tous ses électeurs ne votent plus au second tour. S’il fallait un exemple récent, la législative partielle de Loire-Atlantique en avril a vu la candidate socialiste Karine Daniel passer de 6 573 à 11 142 voix, alors que les écologistes (fort d’un score de 17% et 3 686 voix au premier tour) ou les formations de gauche radicale avaient adopté un comportement similaire. « Et les relations là-bas étaient plus tendues », ajoute le député Philippe Bies (PS). La circonscription est à proximité de l’aéroport de Notre-Dame des Landes.

Sur le plateau de radio RBS, Eric Elkouby ne s’est pas ému du comportement des alliés locaux :

« Je ne parle pas aux formations, je parle aux personnes. Je pense que quand on réussit dans son camp, on peut réunir au-delà. »

En guise d’appel du pied aux électeurs, il a notamment mis en avant le fait qu’il soutient la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, travaille pour la mise en place du Parc naturel urbain (PNU) à Strasbourg ou encore qu’il a milité contre la chasse dans les forêts de l’Eurométropole.

Score EELV de 9,6% au 1er tour : un ancrage fort au centre-ville

Avec les déboires nationaux que connaît EELV (affaire de harcèlement de Denis Baupin, divisions qui ont menées à la dissolution du groupe écologiste à l’Assemblée), le score de dimanche (9,6%, quatrième) a réconforté les écologistes strasbourgeois. D’après eux, il témoigne d’un ancrage local, particulièrement au centre-ville.

Anne-Pernelle Richardot, première secrétaire fédérale du PS 67, et Philippe Bies n’ont pas été surpris de la position de Simon Baumert dimanche soir. L’élue au conseil régional explique :

« Le parti EELV, que je distingue des écologistes, est dans une sortie de cohérence, comme à Nantes. [Or] il y a un temps pour la confrontation et faire avancer des idées… Là, l’enjeu du parti, c’est de savoir qui ils vont envoyer à l’Assemblée. Nous renvoyer dos à dos [avec la droite] est facile. Quoiqu’on veuille nous faire croire, on n’est pas pareil. Nous on aurait pas hésité à les soutenir. »

Aux départementales en mars, EELV avait déjà pris ses distances, mais la formation avait tout de même appelé à « faire barrage au Front national » et d’empêcher qu’il n’y ait que des élus de droite dans les deux assemblées, sous-entendu, de voter PS à Strasbourg.

EELV et PS à un meeting commun pour les législatives. C’était en 2012 (Photo David Rodrigues)

Au sein d’EELV, la position a fait débat. Une pré-position avait été actée au niveau régional avant l’élection et suivie par une majorité des militants, soit environ 70%. Elle a été validée après les résultats. On imagine que si le FN avait été présent au second tour, l’attitude aurait été différente. Pour le député et président du groupe socialiste à la ville de Strasbourg, Philippe Bies, les écologistes sont incohérents :

« Ils sont à la fois un pied dedans, un pied dehors. Ce n’est pas une question de donner des gages, mais d’approche. D’être dans le consensus ou non, d’être pragmatique… Il y a deux lignes, mais une clarification sera nécessaire avant 2017. La difficulté est qu’il y a une recomposition politique, alors que la gauche est au pouvoir. »

Soutien des adjoints EELV à Elkouby

Comme ses collègues PS, il se réjouit aussi de quelques expressions publiques légèrement discordantes. Elles viennent des élus « aux responsabilités », qui occupent des postes d’adjoints dans la municipalité socialiste, et se retrouvent en décalage avec leur base. Un fossé est désormais creusé entre Alain Jund et Marie-Dominique Dreyssé, respectivement adjoints à l’urbanisme et aux affaires sociales, pour ne citer qu’eux, et des jeunes arrivés avec la vague Europe Écologie de 2009.

Après des formules de félicitations adressées à Simon Baumert et de distanciation avec certains aspects de la politique menée par le PS, ces adjoints expliquent néanmoins entre les lignes qu’ils voteront (ou voteraient s’ils habitaient le secteur) pour Éric Elkouby. Pour eux, il apparaît impossible de se désolidariser de leurs collègues, comme le font savoir Marie-Dominique Dreyssé et Alain Jund dans une déclaration commune :

« Nous ne pouvons nous résoudre et permettre dimanche prochain l’entrée à l’Assemblée Nationale du représentant de la droite la plus conservatrice, un militant actif de la « Manif pour tous » qui n’a pas hésité à défiler avec le Front National. C’est à l’inverse des valeurs qui sont les nôtres, celles de la solidarité, de l’égalité, du vivre ensemble, de la justice sociale et environnementale. »

En avril, Alain Jund promettait au contraire de ne plus voter socialiste aux prochaines élections.

De son côté, Jean Werlen, co-président du groupe écologistes au conseil municipal et proche d’Alain Jund, a indiqué sur Facebook qu’il ne pouvait « cautionner le slogan UMPS, amalgame si cher à l’extrême droite » :

« Je voterai pour éviter que le Bas-Rhin soit représenté par un député de droite supplémentaire. Parce que l’écologie ne peut se réaliser dans l’inégalité, ne peut se mesurer uniquement par l’argent, ne peut exister sans vivre ensemble, sans solidarité. Parce que je crois que l’intérêt public doit être prioritaire, que l’éducation est indispensable, que la valeur de l’humain est supérieure à l’argent. Que ni la haine ni le mépris ne font la société. »

Le rejet du candidat de droite, c’est aussi la raison invoquée par Éric Schultz, qui a rendu sa carte EELV, et pourtant connu pour avoir une ligne plus dure que ses homologues adjoints. Il a même reconnu les qualités « d’écoute » et « de terrains ». Aux départementales, il n’avait pas clairement appelé à voter pour le candidat PS Mathieu Cahn sur son canton (le 1).

Circonscriptions Strasbourg-2 et 3 : plus tendu pour 2017

Ces postures, illisibles à l’extérieur du microcosme, n’auraient que peu d’importance si les socialistes n’avaient les yeux rivés sur 2017. Car si la première circonscription est bien « tenue » par Armand Jung et Éric Elkouby, qui ratissent le terrain à longueur d’année, les deux autres circonscriptions strasbourgeoises ne sont pas acquises au PS, loin s’en faut.

Celle de Strasbourg-sud-Illkirch avait basculé à gauche, suite à l’élection de François Hollande en 2012, au profit de Philippe Bies. Dans la troisième circonscription, Strasbourg-nord-Schiltigheim-Bischeim, André Schneider (LR) avait sauvé son mandat (le quatrième) avec moins de 700 voix d’écart face à un ticket EELV-PS. Dans ces conditions, des soutiens plus explicites seront nécessaires en 2017.

« On fera les calculs plus tard », répondent en cœur Philippe Bies et Pernelle Richardot. Selon la conseillère régionale, la question de mieux considérer l’allié écologiste à Strasbourg ne fait pas encore débat dans ses rangs :

« Les socialistes débattent en leur sein, pour préparer 2017 sans hystérie. »

Une redistribution des postes d’adjoints en ligne de mire

Surtout que se profile une redistribution des postes d’adjoints. Éric Elkouby a promis qu’il se mettrait en conformité avec la loi sur le cumul de mandats (que la droite combat) et donc démissionnerait de son poste d’adjoint au maire (en charge du tourisme et des parcs naturels urbains) s’il est élu député. De plus, il faut réattribuer les compétences de Souad El-Maysour et de Mine Gunbay (lecture publique et démocratie locale), démissionnaires en avril.

La secrétaire régionale EELV, Patricia Guéguen, espère que la municipalité saura distinguer le local du national :

« Si notre décision [de ne pas donner de consigne de vote] devait influer sur la redistribution des postes d’adjoints, je trouverais ça politiquement en-dessous de l’intérêt général. Les thématiques à reprendre nous intéressent. Cela serait regrettable pour l’intérêt collectif. »

Questionné, le maire Roland Ries a simplement insisté sur la solidarité au sein de l’exécutif strasbourgeois :

« J’ai souhaité que la discipline républicaine puisse d’appliquer. Moi, je préfère Éric Elkouby à son adversaire. Nous avons eu un débat difficile lundi en réunion d’adjoints, c’est vrai. La prise de position de Marie-Dominique Dreyssé et Alain Jund constitue un appel indirect. Même Éric Schultz a été plus clair. »

Soutien tiède à la droite de l’UDI

L’ambiance n’est cependant pas plus chaleureuse à droite. L’UDI du Bas-Rhin, alliée aux Républicains à la Région et au Département, a pudiquement appelé « à faire barrage au candidat de François Hollande », sans mentionner le nom du candidat de la droite. L’utilisation de son logo sans autorisation lors du meeting LR du mardi 24 mai a ajouté une couche d’exaspération chez les centristes. Les autres partis présents au premier tour n’ont quant à eux donné aucune consigne de vote.


#Alain Jund

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