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Réforme territoriale : la nouvelle bataille pour Strasbourg mal engagée

Après le vote à l’Assemblée nationale d’une super-région regroupant l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne, c’est la panique à Strasbourg, qui pourrait perdre le titre de capitale régionale. Du coup, les élus se mobilisent, mais pas d’union sacrée. Pour la deuxième lecture, la gauche va tenter de réinstaller la fusion Alsace – Lorraine tandis qu’à droite, on s’écharpe entre partisans d’une Alsace autonome et tenants d’un compromis.

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Jean-Pierre Masseret (président PS de la région Lorraine, à g.) et Philippe Richert (président UMP de la région Alsace) étaient pourtant partants pour fusionner, comme ils l’ont montré le 6 juin au Musée Lalique (Photo Olivier Saettler / Région Alsace)

Patatras. Le lobbying alsacien auprès de l’Élysée pour que l’Alsace ne soit rattachée qu’à la Lorraine, pourtant couronné de succès après maints efforts, n’aura servi à rien. L’Assemblée nationale a découvert mardi 15 juillet que les députés socialistes avaient réarrangé la carte de la réforme territoriale sans en toucher un mot aux Alsaciens. Philippe Bies, député PS de la 2e circonscription, et Armand Jung, député PS de la première, ont été savamment tenus à l’écart.

Cliquez sur la carte pour voir les différentes versions de la carte des régions (Carte Les Décodeurs / Le Monde)

Rattacher la Champagne-Ardenne à l’Alsace-Lorraine a un sens, dans une volonté de consolidation des régions françaises, le nouvel ensemble compterait 5,6 millions d’habitants pour 7,8% du PIB français. Mais cette solution a l’inconvénient de refaire de l’Alsace un finistère de l’Est et de Strasbourg une métropole excentrée. Députés, sénateurs et autres élus alsaciens ne s’y sont pas trompés et l’UMP du Bas-Rhin a rapidement réagi par un communiqué publié dès mardi :

« Cette position est totalement inacceptable. Cette vision aboutira à faire perdre à la collectivité régionale son caractère de proximité et la connaissance des territoires par les élus. Ensuite, elle porte en elle un risque majeur pour le statut de capitale de Strasbourg. [Les élus alsaciens de droite et du centre] rappellent aux élus de la majorité présidentielle que l’intérêt de Strasbourg et sa place de capitale européenne et régionale et la défense de l’Alsace méritent autre chose que des postures partisanes. Ils invitent ces élus à se mobiliser aux côtés de la majorité alsacienne, pour faire valoir les intérêts de notre région. »

Un député UMP : « Philippe Richert a trahi »

Tous unis pour la défense de Strasbourg ? Voire. Car parmi les signataires de ce communiqué déjà, de sérieuses dissensions existent. Prenons par exemple le député (UMP) du Haut-Rhin, Jean-Louis Christ. Maire de Ribeauvillé, il accuse Philippe Richert, président (UMP) de la Région Alsace, de trahison :

« Philippe Richert n’avait aucun mandat pour plastronner avec le président de la Région Lorraine. Il a engagé la fusion des régions Alsace et Lorraine sans nous consulter et je peux vous dire que la population y est fermement opposée. Pourquoi ne garderait-on pas l’Alsace seule, comme la Bretagne et la Corse ? En prenant les devants, Philippe Richert nous a trahi ! Si l’Alsace ne peut pas rester seule durant cette réforme, alors il nous reste à attendre l’alternance. Il n’y a pas d’autre option. »

Jean-Louis Christ n’ira donc pas à la réunion que propose Philippe Richert lundi soir à la Maison de la Région à Strasbourg, pour définir la stratégie de la droite face à l’éventualité d’une fusion à trois. Favorable à un rapprochement avec la Lorraine, le président de la Région Alsace, compte sur un changement de majorité au Sénat en septembre :

« Le découpage des nouvelles régions doit revenir devant le Sénat à la rentrée. Avec un peu de chance, une nouvelle majorité y siégera. Il n’y a rien à attendre de l’Assemblée nationale, au vu du dialogue de sourds qui a eu lieu jeudi soir. Donc, on va reproposer l’Alsace-Lorraine en faisant valoir le consensus autour de cette solution, y compris à gauche, et que les présidents des trois régions s’opposent à une fusion à trois. On proposera une stratégie, qui incluera Strasbourg comme capitale régionale, et on verra ensuite avec les Socialistes ce qu’ils comptent faire. C’est quand même leur majorité, c’est à eux de trouver des solutions. »

Jeu trouble des députés socialistes

Certes, mais parmi les Socialistes, Philippe Bies s’est retrouvé bien seul pour voter contre la fusion à trois. Les députés socialistes lorrains ont notamment brillé par leur absence lors du vote à l’Assemblée nationale jeudi soir, une seule était présente pour finalement s’abstenir. Comme consensus, on a vu mieux ! Du coup, Philippe Bies espère convaincre dans une espèce d’entre deux tour estival :

« On va rappeler que le rapprochement entre l’Alsace et la Lorraine est une solution qui provoque le moins de dissensus possible. On va se mobiliser pour écrire aux ministres, rencontrer les collaborateurs du président et tenter, par exemple à l’occasion de l’université d’été du PS de La Rochelle, de convaincre au Sénat et au gouvernement. Dans les débats à l’Assemblée nationale, j’ai décelé des ouvertures, il y a encore un coup à jouer même si je dois reconnaître que les sorties victimaires des députés de droite ne nous rendent pas service… Le couplet sur “l’Alsace bafouée” est ridicule, ça nous dessert. »

Une stratégie « vouée à l’échec » selon Laurent Furst, député (UMP) du Bas-Rhin, maire de Molsheim :

« L’Alsace – Lorraine n’a aucune chance d’être validée au Parlement… La Champagne-Ardenne y sera accolée quoiqu’il arrive. Cette loi est pilotée par les socialistes et on voit bien que les Lorrains ne s’y sont pas opposés. Moi je suis pour que l’Alsace reste seule, et qu’on réalise le conseil unique d’Alsace. Il n’y a pas d’autre stratégie à avoir, l’autonomie est notre seule option. »

Bataille d’influence des maires des métropoles

Du côté des maires des grandes villes de l’Est, Roland Ries, maire (PS) de Strasbourg a évidemment exprimé son désaccord sur la fusion à trois par une lettre au Premier ministre. Mais ses collègues de Nancy et Metz, eux, n’y sont pas hostiles, voyant bien que leurs villes, plus petites que Strasbourg, ont plus de chances de devenir capitales régionales si la Champagne-Ardenne fait partie de la nouvelle région.

Le président (UDI) de Metz Métropole, Jean-Luc Bohl, a donc lui aussi écrit au Premier ministre pour lui demander de nommer Metz capitale. De son côté, Dominique Gros, maire (PS) de Metz, s’appuie sur le soutien de la ministre de la Culture Aurélie Filipetti pour pousser la position de Metz au gouvernement… Metz peut même compter sur le soutien de Marie-Jo Zimmermann, députée (UMP), qui votera pour cette fusion si elle se fait à trois.

Face à ces élus déterminés, que pèsera le cartel hétéroclite d’opposants irréconciliables décrit plus haut ? Réponse à la rentrée avec la seconde lecture du projet de loi sur la réforme territoriale.


#Jean-Louis Christ

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