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Réélu à Strasbourg, Roland Ries devient un maire « minoritaire »

Le boulet électoral est passé à un cheveu. Réélu dimanche 30 mars maire de Strasbourg pour 6 ans, Roland Ries (PS) n’a pu compter que sur 47% des électeurs, face à un Front national à 8% et à Fabienne Keller (UMP) à 45%. Le Parti socialiste sort de cette élection affaibli, à la suite d’une campagne très courte et peu lisible. « Maire minoritaire », Roland Ries devra composer avec une opposition musclée par 2 élus du FN et par des écologistes qui ont pris du poids.

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Roland Ries, au soir d’une victoire disputée, est réélu maire de Strasbourg – 30 mars 2014 (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

Avec le Front national au second tour dans le cadre d’une triangulaire, les calculettes donnaient Roland Ries gagnant hier soir, dès les scores du 1er tour connus dimanche 23 mars. Malgré cette quasi-assurance mathématique, les militants et les colistiers ont douté. Toute la semaine. Ils ont multiplié les porte-à-porte, les tractages, les sorties sur le « terrain », fait peut-être quelques promesses à untel ou unetelle. « Dimanche dernier, j’ai eu très peur, confirme Mine Günbay, numéro 4 sur la liste du maire sortant. Et puis, à partir de mardi, j’ai reçu de nombreux appels de gens qui voulaient savoir comment convaincre autour d’eux… J’ai repris espoir. »

« La dernière occasion de prendre la ville »

Pourquoi un si gros doute ? D’abord, parce qu’au vu de la conjoncture nationale, défavorable au PS actuellement au gouvernement, « c’était [pour la droite] la dernière occasion de reprendre la ville », analysait hier soir Jean-Emmanuel Robert, colistier de Fabienne Keller. Pour lui, l’enracinement de Strasbourg à gauche, avec le centre-ville ou Neudorf « boboïsés » et les quartiers périphériques aux fortes densités de logements sociaux, ne devrait faire que s’accentuer dans les années à venir.

Or, pour « reprendre la ville », l’UMP, alliée à l’UDI, n’a manqué que de 1 500 voix, tandis que 6 243 étaient captées par le FN. Sans Jean-Luc Schaffhauser, Fabienne Keller remportait la ville. Pour Geoffroy Lebold et Elsa Schalck, colistiers UMP, « Roland Ries est aujourd’hui un maire minoritaire, élu grâce au FN ». Ils accusent :

« Des militants nous ont rapporté que certains au PS avaient voté FN dès le premier tour pour provoquer une triangulaire ! Ils ont joué avec ça ! Et on se retrouve aujourd’hui avec un maire qui n’avait aucune envie d’y retourner, après une campagne a minima et surtout la même équipe. Or, dans cette campagne, il a été question d’éthique. Que vont-ils faire avec Christian Spiry, avec Éric Elkouby ?

On a réussi à les faire trembler au premier tour, ce qui était plus qu’inespéré, on attend maintenant de voir ce qu’il adviendra du GCO, de la vidéoprotection, des sujets sur lesquels socialistes et Verts sont en désaccord… »

Un programme (trop) touffu, une liste (trop) ouverte

Un très gros doute ensuite pour les socialistes, parce que la campagne, courte et très marketée (écharpes magenta, vélos cargos et voiture électrique magenta, apparitions médiatiques au compte-gouttes…), a été difficilement lisible pour les électeurs. Le programme, diffusé en 4 opus denses (12 à 20 pages), a mis en avant la « crédibilité » des propositions, tandis que d’autres partis misaient sur un projet symbolique : la gratuité des transports en commun pour le Front de Gauche, le quartier Strasbourg Convergences à la gare pour Fabienne Keller, la baisse de 10% de la fiscalité pour Jean-Luc Schaffhauser (FN), etc.

Enfin, parce que la liste ouverte au centre dès le 1er tour, avec la présence de l’ex-Modem Chantal Cutajar qui « attestait de la probité de Roland Ries » (sic), celle de Patrick Roger, assureur siégeant au bureau du Medef, ou encore les rumeurs qui ont circulé sur la présence de Jean-François Kovar, ancien candidat UMP aux cantonales, ont rebuté des électeurs de gauche. Un militant PS de noter à ce propos :

« Dans la constitution de la liste, le quota « société civile » a échappé aux militants, ce qui pose des questions sur les futures attributions de postes d’adjoints et à la CUS… »

« Une bonne campagne, c’est celle qui gagne »

Un bilan post-campagne ? « On ne fera pas l’économie d’une petite remise en question sur les messages envoyés par les Strasbourgeois, sur la culture, sur les rythmes scolaires, concède Pernelle Richardot, colistière de Roland Ries. Mais ce qu’il faut remarquer, c’est que les abstentionnistes se sont mobilisés entre les deux tours et que les Strasbourgeois ne se sont pas trompés de scrutin. » Pour son collègue Mathieu Cahn, point de mea culpa au programme, « une bonne campagne, c’est celle qui gagne ». Il note encore :

« Ce n’est pas passé loin [de la défaite], mais quand on regarde les résultats nationaux, c’est une vraie victoire. Il y a eu une mobilisation d’un certain nombre de gens qui ne voulaient pas le retour de Fabienne Keller. Mais ils ont de nombreuses exigences par rapport à nous, ce qui nous fait aborder ce mandat avec beaucoup d’humilité. »

La bagarre pour les postes commence aujourd’hui

D’humilité, il n’en sera pas forcément question, l’équipe gagnante mettant généralement en place une « chape » sur les conditions de sa victoire, regrettaient déjà hier plusieurs socialistes. C’est d’ailleurs mal parti, soulevait encore un colistier écologiste, fâché que des représentants EELV n’aient pas été conviés sur les coups de 20 heures au 9ème étage du centre administratif, alors que le maire et son staff de campagne étaient filmés par France 3 Alsace.

Pourtant, plus que lors du dernier mandat, Roland Ries devra composer avec Europe écologie – Les Verts, dont le poids dans les urnes a augmenté de 1 000 voix par rapport à 2008 quand le sien reculait de 10 000. D’ailleurs, la bagarre pour les postes d’adjoints et de vice-présidents de la CUS démarre ce lundi, avec en ligne de mire les conseils municipal du 5 avril et communautaire du 11 avril, durant lesquels seront distribuées les délégations.

François Loos dans l’opposition ? « On ne sait pas »

Lors de ces deux séances, on connaîtra également le nouveau visage de l’opposition. L’UMP et l’UDI remportent 15 sièges et le FN 2. Si l’on sait que ces deux derniers seront occupés par Jean-Luc Schaffhauser et Julia Abraham, la droite « républicaine », elle, pourrait réserver des surprises.

Que fera Fabienne Keller, qui vient d’enchaîner 6 années d’opposition après la cinglante défaite de 2008 ? Et François Loos, ancien ministre et vice-président du conseil régional, siégera-t-il ? Mis au pas par « une tête de liste [UMP] hégémonique », dixit Jacques Bon, colistier UDI au 1er tour, l’ex-président de l’Ademe acceptera-t-il de partager le banc de sa rivale ? « On ne sait pas », répondent nos interlocuteurs à droite. Réponse dans les prochains jours.

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