Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Redevance « poubelles » : les CSC obtiennent une rallonge sans le savoir

Taxés sur leurs déchets depuis le 1er janvier 2013, certains centres socioculturels de Strasbourg se plaignent de ne pas avoir pu provisionner de quoi payer. Pour compenser ce que la communauté urbaine va leur ponctionner, le conseil municipal de Strasbourg votera cet après-midi une rallonge budgétaire de 32 000€ au profit des quelque 200 associations impactées par cette « redevance spéciale ».

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


Jusqu’à fin 2012, les associations et administrations dans la CUS étaient exonérées de taxe sur les ordures ménagères (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

Ce que la CUS va prendre d’une main, la Ville de Strasbourg va le compenser de l’autre, ou en tout cas à hauteur d’un tiers. Suite aux protestations de certains centres socioculturels, la Ville de Strasbourg a décidé, sans en informer d’ailleurs les principaux intéressés, de faire voter cet après-midi en conseil municipal une aide de 32 000€ aux associations qui devront payer pour la première fois l’enlèvement et le traitement de leurs déchets au 4ème trimestre 2013. « Une bonne nouvelle », qu’ignoraient tous les directeurs ou directrices contactés par nos soins.

Les privés payaient pour le public

Retour en arrière. Jusqu’au 31 décembre 2012, les associations et administrations logées dans des bâtiments publics ne payaient pas pour la gestion de leurs déchets. Ils sortaient leurs poubelles, qui étaient vidées gratuitement, point. Si certains tentaient déjà de réduire le volume de leurs ordures, la plupart ne considérait pas cette question comme étant « au centre de leurs préoccupations », de l’aveu de Khoutir Khechab, directeur du CSC du Neuhof. Géré par la communauté urbaine de Strasbourg, ce service gratuit était en fait payé par tous, contribuables publics et privés, assujettis à la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères), incluse dans la taxe foncière.

Or la communauté urbaine de Strasbourg a décidé, comme une dizaine (seulement) d’autres grandes collectivités avant elle, et conformément à une loi de 1993, de passer de la TEOM à la « redevance spéciale » pour tous les non-ménages d’ici 2015. La différence ? Le prix ne sera plus calculé sur la valeur du local occupé mais sur le volume des déchets produits (le nombre de bacs jaune et bleu nécessaires à chaque structure). Réévalué tous les mois de décembre, ce prix sera fixé par la CUS. En 2013, il est de 7,5€ du mètre cube (bacs bleus), un tiers en moins pour les bacs jaunes.

Cette redevance s’applique d’abord de façon « intermédiaire » en 2013 et 2014 pour les associations, établissements publics (écoles, collèges, lycées…) et administrations qui étaient totalement exonérées de TEOM jusqu’à présent, soit environ 2 000 sites dans la CUS. En 2015, les entreprises seront concernées, passant de la TEOM à la redevance spéciale, puis « à plus long terme », remarque Caroline Barrière, vice-présidente de la CUS en charge des déchets, viendra le temps des particuliers.

Jusqu’à 6 000€ en plus à payer en 2013

Déjà cette année, un premier obstacle se dresse : s’ils considèrent tous que cette redevance « va dans le bon sens », celui d’une réduction globale du volume de déchets et d’une meilleure équité entre les bénéficiaires du service de traitement des ordures, certains centres socioculturels ont jugé cette nouvelle contribution inacceptable dans un contexte budgétaire difficile. Ils ont fait parvenir un courrier au président de la CUS Jacques Bigot il y a quelques jours :

Concrètement, les centres socioculturels auront à payer une somme comprise entre 200 et 6 000€ au 4ème trimestre 2013, et dans les années à venir, jusqu’à 12 000€ pour les structures ayant un service de restauration.

En avant pour le tri, le compost…

Une somme que les directeurs de CSC disent n’avoir pas pu budgéter en amont faute d’information adéquate et « qui vient impacter l’équilibre économique déjà plus que fragile des centres » (courrier ci-dessus). Pour Laurent Cécile, directeur du CSC Victor-Schœlcher de Cronenbourg, si cette redevance est « louable » dans le principe, son impact est « loin d’être négligeable » :

« Nous faisons déjà le compost au jardin, le tri sélection (bacs jaunes) et faisons appel à la responsabilité individuelle de nos salariés. La redevance nous rend attentifs en plus à l’optimisation de nos bacs, mais cette charge supplémentaire est un peu tombée comme ça, alors que nous sommes dans un contexte difficile.

C’est vrai que la Ville de Strasbourg est l’un de nos rares partenaires à augmenter ses aides chaque année, alors que d’autres, l’Etat, le conseil général ou la CAF sont plutôt dans une logique de stagnation ou de baisse de leurs dotations. Malgré ça, on aura du mal à descendre en dessous d’une masse critique de déchets, avec notre restaurant d’insertion et les locations de salle pour des mariages ou autres… »

Déchets alimentaires donnés à une ferme

Même constat au CSC du Fossé des Treize dans le quartier Halles-tribunal, qui propose aussi de la restauration. Son directeur, Mickaël Napoli, a été « surpris » par une mise en place de la redevance au 1er janvier 2013, alors que les budgets des CSC étaient déjà bouclés. Il note :

« On n’a pas été prévenu, c’est ça le souci. Au Fossé, on devrait payer 3 000€ cette année. Sur un budget de 3,5 millions d’euros, c’est peu, mais nous n’avons que quelques milliers d’euros de marge de manœuvre en fin d’exercice. Quand la redevance montera en charge, on devra environ 12 000€, et là, ce sera une grosse charge. On avait déjà engagé une démarche écocitoyenne avec les jeunes du centre, on a aussi réduit notre nombre de bacs, en passant de 10 à 7 cette année. Une partie de nos déchets alimentaires partent dans une ferme, une autre à la déchetterie. Et puis on plie les cartons pour qu’ils prennent moins de place dans le bac jaune… »

Surprise donc, la Ville de Strasbourg va compenser 50% des sommes dues à la CUS en 2013 et 2014, pour environ 200 associations, « dans la limite d’un tiers du montant initial avant optimisation ». Cinq chargés de clientèle de la CUS sont sensés passer dans les structures, écoles, associations, administrations, hôpital, préfecture, etc. pour aider les nouveaux assujettis à réduire leurs déchets dès cette année.

Alors que beaucoup ne triaient même pas le papier, la marge de progression est importante. Touchées au porte-monnaie, ces structures devraient engager une réflexion approfondie sur les déchets générés par leurs activités. Pas encore gagné.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : film Supertrash, « les décharges, symboles de notre société décadente »

Sur Rue89 Strasbourg : un tiers de nos aliments gaspillés, la lutte peine à démarrer

Sur Rue89 Strasbourg : succès des bacs à compost, Strasbourg a du mal à suivre

Sur Rue89 Strasbourg : déchets ménagers dans la CUS, le tri comme (presque) seul remède

Site de l’éditeur Les Arènes : « Zéro déchet », Béa Johnson, 2013. Cette mère de famille américaine donne des pistes de réduction drastique des déchets dans la vie familiale et au bureau.


#Caroline Barrière

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

#centres socioculturels#Conseil municipal#csc#déchets#Société
Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile