Inauguré au mois de novembre, le nouveau centre d’entraînement du Racing Club de Strasbourg Alsace (RCSA) n’a pas fait que des heureux. Son extension s’est faite au détriment des piétons et des cyclistes. Depuis l’automne, la piste Georges Speicher, qui relie la rue des Vanneaux au stade de la Meinau en passant juste entre les deux anciens terrains d’entraînement du club de football, n’est plus accessible. Des barrières bloquent l’accès par l’Ouest ou par l’Est.
Riverains ou passants se retrouvent contraints à un détour d’environ 750 mètres pour se rendre de part et d’autre du centre d’entraînement, dont le lieu de vie (vestiaire, espace médical, salle de musculation) doit encore être construit.
« Au cours du mois d’octobre, on a simplement vu apparaître des panneaux « Déviation », à peine quelques jours avant la mise en place des barrières », se rappelle Astrid, la soixantaine, habitante du secteur et usagère de cette piste cyclable structurante du quartier. Elle s’irrite :
« Priver toute la population d’un droit de passage pratique au profit du RCSA est scandaleux ».
Elle n’est pas la seule, semble-t-il. « Cyclistes, piétons, scolaires… La déviation pose problème et nous avons été contactés par pas mal de monde », reconnaît auprès de Rue89 Strasbourg Sophie Dupressoir, conseillère municipale déléguée à la ville cyclable et marchable.
La bronca citoyenne a cependant payé : la piste devrait rouvrir « très rapidement, d’ici quelques jours », assure l’élue strasbourgeoise.
Une enquête publique sans public
Cette réouverture représentera la conclusion d’une affaire où tout s’est déroulé dans les habituelles règles administratives, c’est à dire une procédure de « consultation » des habitants qui n’est communiquée à personne. Si elle avait été annoncée, cette procédure aurait vraisemblablement permis de faire remonter cette répercussion négative du projet d’extension sur le quotidien des habitants.
Retour en arrière. Le nouveau centre d’entraînement, prévu dans le projet de rénovation du stade de la Meinau, lancé par les anciennes équipes municipales et métropolitaines. Financées par le club, ces infrastructures prévoient de placer côte-à-côte les deux nouvelles pelouses « hybrides » (97% de pelouse naturelle et 2% de synthétique), ajouter un demi-terrain et enfin d’y construire les infrastructures au bord. Pour le moment, les joueurs se changent dans les vestiaires sous la tribune Sud du stade, qui sera bientôt refaite, avant d’aller sur les terrains en crampons.
Les nouveaux terrains d’entrainement
Cette modernisation s’érige en partie sur des parcelles appartenant à l’Eurométropole, mais non-prévues pour cet usage. Dans ce cas, les règles d’urbanisme sont pointilleuses : une enquête publique doit être ouverte avant de pouvoir changer la fonction de ces parcelles et en confier la gestion au RCSA, en charge des travaux.
Menée du 17 décembre 2019 au 6 janvier 2020, une période plus propice aux fêtes qu’à la participation citoyenne, cette consultation spécifique au centre d’entrainement s’est contentée du strict minimum. Trois avis dans la presse locale et spécialisée, trois permanences de deux heures chacune au siège de la Ville et de l’Eurométropole.
Résultat : « Deux personnes se sont présentées à l’occasion des permanences. Le registre n’a été alimenté d’aucune observation manuscrite ni d’aucun courriel », note le commissaire enquêteur dans son rapport remis à l’issue de l’enquête.
« L’interrogation » du commissaire enquêteur
Dans ses conclusions, où il émet un avis favorable à ce déclassement, le commissaire enquêteur relève pourtant déjà un « point d’interrogation ». À savoir :
« La circulation au niveau de la piste Georges Speicher qui ne sera dès lors plus accessible dans sa totalité. Un moyen de contournement par la rue des Ciriers a été proposé ; celui-ci est tout à fait crédible mais il aurait été intéressant de développer et de documenter davantage ce point du dossier. »
Pas de quoi mettre la puce à l’oreille des élus de l’intercommunalité dans la majorité de l’ancien président Robert Herrmann (PS). Dans une décision en date du 14 février 2020, la commission permanente de l’Eurométropole, la dernière du précédent mandat, acte du « déclassement du domaine public de voirie » et le « classement dans le domaine public sportif » de cette parcelle – et d’autres alentours –, ce qui permet le démarrage des travaux d’extension du centre d’entraînement au printemps.
Dans l’attente d’une nouvelle piste
En outre, une nouvelle piste cyclable est prévue, un peu plus au nord, dans le cadre de l’ensemble des travaux du stade de la Meinau. Mais elle ne devrait pas voir le jour avant de longs mois, voire années. Le nouveau stade et ses aménagements doivent être terminés en 2025.
« C’est un engagement pris à l’issue de la concertation autour de ce projet de réaménagement du stade : maintenir et valoriser les traversées piétonnes et cyclistes Est-Ouest et Nord-Sud », confirme Sophie Dupressoir. Mais, dans l’intervalle, « on a été un peu vite en pensant qu’une déviation suffirait », concède-t-elle.
Ville et Eurométropole vont donc rouvrir la piste Georges Speicher, en attendant la mise en service de cette nouvelle voie, quelques mètres plus au nord. La conseillère municipale et eurométropolitaine l’assure :
« On sera attentif au phasage de toutes les opérations, pour qu’une traversée piétonne et cycliste reste possible. »
Les quatre ans et demi de chantier ne font que commencer.
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