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Qui sont les membres de « Unser Land », parti régionaliste alsacien ?

Depuis quelques mois, des rubans noirs se sont multipliés sur les panneaux des communes alsaciennes, en opposition à la loi sur la réforme territoriale. Ce coup d’éclat est dû à Unser Land, parti autonomiste alsacien, qui surfe sur la vague régionaliste depuis que le gouvernement prévoit de fusionner l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardennes. À la veille de la manifestation prévue à Strasbourg, plongée dans la nébuleuse d’Unser Land.

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Des membres d’Unser Land en juin lors de la manifestation « pour l’Alsace » à Strasbourg (Photo Unser Land)

Unser Land (« notre pays » en alsacien), est la dernière mue d’une longue lignée de partis autonomistes alsaciens qui, depuis les années 30, évoluent entre tentations réactionnaires, identitaires, pangermanistes… Il y a une quarantaine d’années, les « loups noirs » s’étaient d’ailleurs distingués avec des attaques à l’explosif de monuments symboliques à travers l’Alsace. Cette fois ses dirigeants prônent le rejet des extrêmes, l’humanisme, l’Europe des régions, le « centrisme » et même l’écologie. Mais que veut un parti autonomiste alsacien en 2014 ?Le porte-parole du parti, Jean-Georges Trouillet, de Wintzenheim, répond par l’exemple :

« Actuellement nous admirons la détermination de nos amis du Pays Basque et de la Catalogne. Cela prouve que la situation n’est pas figée. Dans le cas de l’Alsace il y a un long passé commun avec la culture allemande et l’Alsace n’est pas un terminus de TGV depuis Paris. En France, tout est centralisé et il est terriblement compliqué de s’ouvrir sur le Rhin. On parle de fusionner l’Alsace avec la Champagne alors que l’Eurodistrict est un échec. Peu importent les institutions, nous n’avons rien contre une structure régionale française, mais il faut que nous puissions donner le pouvoir au peuple alsacien. Ce que nous refusons, c’est l’uniformisation centralisatrice et le monolinguisme imposé en Alsace, à tel point qu’au Süd-Tyrol ils ont inventé le terme de “Verelsässerung” (“Alsacianisation”) pour désigner un peuple qui participe à sa propre acculturation. »

Il est vrai qu’à l’échelle européenne les partis régionalistes ont le vent en poupe : référendum en Écosse qui a fait vaciller la Grande-Bretagne, au pouvoir en Belgique et fortes poussées autonomistes en Catalogne. Unser Land fait partie de l’Alliance Libre Européenne qui regroupe les partis régionalistes et qui, au Parlement européen, partage un groupe politique avec les Verts.

« Écolos » en guerre froide avec Europe écologie

« Nous sommes des écolos convaincus » affirme Jean-Georges Trouillet. Mais en Alsace, les démons de l’Histoire sont tenaces et Europe-Écologie Les Verts (EELV) a mis fin à un éphémère accord électoral avec Unser Land. Le conseiller régional EELV Jacques Fernique explique pourquoi :

« EELV a rompu un accord avec Unser Land avant même les élections régionales de 2010 car ils ont publié un long communiqué sur la libération de la poche de Colmar [en février 1945] sans aucune phrase négative sur le régime nazi. Ensuite, on a vu que leur programme mentionnait la démolition du monument de Turenne à Turckheim [symbole du jacobinisme français pour les autonomistes]. Pour nous c’était trop, nous avions des raisons évidentes de ne pas avoir d’accord avec eux. J’ai de la sympathie pour un parti qui est pro-européen, mais certains militants ont des accents nous ne partageons pas. »

Jean-Georges Trouillet réfute immédiatement l’accusation identitaire :

« Nous ne sommes pas une machine à remonter le temps. Nous traiter de fachos est une façon d’évacuer le sujet des discussions politiques. Nous refusons les extrêmes, qu’ils soient de droite ou de gauche. Je rappelle que nous sommes un parti jeune et un parti de jeunes, ayant souvent fait des études supérieures, et à la différence d’Alsace d’Abord nous ne sommes pas à la recherche de postes dans telle ou telle institution. »

« Nous n’allons pas rater le rendez-vous des élections régionales »

Alsace d’Abord a connu son heure de gloire au début des années 2000 avec plusieurs élus au conseil régional. Identitaire, le parti comprenait dans ses rangs des anciens du Front National et prône, à côté du bilinguisme, la « lutte contre l’islamisation ». Rien de tout ça, assure-t-on, chez Unser Land comme le détaille la présidente du parti, Andrée Munchenbach, ancienne élue écologiste au début des années 2000 puis membre du MoDem en 2009 avant de passer à Unser Land et d’en prendre (rapidement) les rênes. Élue adjointe au maire (UDI) de Schiltigheim, elle précise :

« Nous ne défendons pas une vision ethnique de l’Alsace : est Alsacien qui veut et membre de notre parti quiconque partage nos idées. D’ailleurs on a récemment vu une jeune femme originaire de Bordeaux brandir le drapeau « rot und wiss » (le rouge et blanc des autonomistes, ndlr) à une manifestation. Nous avons raté le rendez-vous des élections sénatoriales mais nous n’allons pas rater celui des régionales. »

Andrée Munchenbach est prolixe sur le bilinguisme et les rubans noirs qui ont donné une visibilité au parti. D’après elle, certains maires l’ont même directement contactée pour être sûr que les panneaux de leur commune aient bien « leur » ruban noir. Et elle aussi insiste sur la jeunesse des membres et des sympathisants « ceux qui ont mis les rubans noirs, ces sont tous des jeunes ! ». Alors, Unser Land, combien de divisions ?

Même le panneau de Strasbourg n’a pas échappé à la campagne d’opposition à la réforme territoriale menée par Unser Land. (Photo JFG/ Rue89 Strasbourg)

L’opposition à la fusion, une question de survie pour le parti

De l’aveu même de son porte-parole, le parti n’a qu’environ 250 adhérents dans toute l’Alsace, mais « beaucoup de sympathisants» et le contexte actuel de la réforme territoriale pourrait leur donner des ailes. Mais Jean-Georges Trouillet reconnait que le parti a « le couteau sous la gorge » :

« Si le gouvernement recule face à la détermination des Alsaciens, alors nous pourrons progresser, mais si l’Alsace est noyée dans une grande région de la Seine au Rhin, nous aurons de gros problèmes de représentativité. L’objectif d’Unser Land est d’être présent partout sur le terrain avant les élections régionales de l’année prochaine et d’atteindre les 10% des voix. »

Mais pour le moment les rangs sont encore maigres. Dans son bulletin d’information « Mitteilungblatt » de mai 2014, le parti annonce 11 élus issus de ses rangs aux élections municipales. Principalement des conseillers municipaux mais aussi deux maires, l’un à Guevenatten, un village d’à peine plus de 200 habitants à l’extrême sud de l’Alsace, et l’autre à Roeschwoog, un bourg de plus de 2 000 habitants au bord du Rhin entre Strasbourg et Lauterbourg.

Mais le maire de Guevenatten, Bernard Schittly, indique ne pas avoir sa carte d’Unser Land. Quant à Michel Lorentz, jeune maire de Roeschwoog, il n’est pas non plus adhérent d’Unser Land même s’il indique en partager les idées. Alors pourquoi ne pas adhérer pleinement au parti ? Parce qu’il a une connotation trop contestataire ? Il répond :

« Unser Land n’est pas un parti de rejet ou une façon d’exister en contestant. Bien au contraire pour moi c’est un parti constructif et en tant qu’ancien du MoDem, je peux vous dire que nous n’avons pas à rougir de la motivation ou de la mobilisation des sympathisants face aux partis centristes. »

Étiquettes valseuses

Dans la CUS, le conseiller municipal d’Hoenheim d’opposition Vincent Darroman est un élu d’Unser Land, membre du « Grosser Rat » (grand conseil) et qui revendique son « affinité totale avec les idées du parti ».  Mais Vincent Debes, maire d’Hoenheim et vice-président de la CUS déclare n’avoir découvert l’appartenance de Vincent Darroman à Unser Land… qu’après les élections :

« M. Darroman avait conduit une liste intitulée Hoenheim Plurielle. Ce n’est qu’après les élections que j’ai appris que M. Darroman se revendiquait du parti Unser Land. En tout cas il ne s’est pas présenté comme tel lors de la campagne ».

Faux, rétorque l’élu :

« Si je n’ai pas indiqué mon appartenance partisane c’est précisément parce que notre liste était plurielle, avec des candidats de différents partis, y compris d’EELV, avec qui les relations ne sont pas toujours simples. Mais les médias m’ont bien présenté comme un membre d’Unser Land, il n’y avait pas de mystère ».

Quant aux sympathisants, il est difficile d’estimer leur nombre, même si les réseaux sociaux sont actifs et que des actions isolées ont eu lieu à travers l’Alsace. Ces derniers jours, l’Alsace a vu le déploiement de drapeaux autonomistes « rot un wiss » par exemple au mât de la gendarmerie de Pfetterhouse, au sud de l’Alsace, ou dans le vignoble alsacien à Itterswiller, ou encore sur la façade du Théâtre national de Strasbourg mais Unser Land ne revendique pas ces actions. Reste qu’en reprenant le slogan « Elsäss Frei » (Alsace libre) ou « Alsaciens, avec ou sans la France« , le mouvement oscille entre affirmation d’une identité régionale et réflexe identitaire…

Rot und Wiss dans la manif, attention aux tendances

Quant à la manifestation de samedi 11 octobre, Unser Land aurait bien aimé être associé au collectif « Alsace ma région » mais le parti régionaliste en a été prudemment tenu à l’écart par l’UMP. Unser Land appelle ses membres à y participer bien évidemment mais il sera bien difficile de les distinguer parmi tous ceux qui agiteront un drapeau « rot und wiss » dans cette manifestation d’opposition à la fusion des régions dans le cadre de la réforme territoriale. Pour Andrée Munchenbach, le collectif est illégitime :

« Les idées pour l’Alsace ont été confisquées par des organisateurs issus de partis nationaux, des girouettes du sérail qui ont récemment tourné casaque sur la réforme territoriale. »

Particulièrement suspect à ses yeux, le président du conseil régional d’Alsace Philippe Richert et son idée de « Parti alsacien » pour canaliser un mouvement dont est précisément exclu Unser Land. Car si le régionalisme est un thème porteur, la droite alsacienne ne laissera pas ce champ à Unser Land sans se battre. 


#Alsace

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