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Sodomie mimée, blague sur le viol… Au tribunal de Mulhouse, l’inventaire des dérapages du professeur Pauvert

Poursuivi pour violence et harcèlement sexuel, le professeur de droit public Bertrand Pauvert a dû s’expliquer jeudi devant le tribunal correctionnel de Mulhouse sur de nombreux propos à connotations sexistes et sexuelles tenus face à des élèves de l’Université de Haute Alsace. La procureure adjointe a requis six mois de prison ferme et un an de prison avec sursis.

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C’est un fait inédit dans l’histoire de l’Université de Haute Alsace (UHA). Jeudi 9 juin, dès 9 heures, un professeur de droit public comparaît devant le tribunal judiciaire de Mulhouse. Bertrand Pauvert est poursuivi pour violence sans incapacité et harcèlement sexuel lié à « des propos à connotation sexuelle ou sexiste imposés de façon répétée entre janvier 2018 et octobre 2021 ». La procédure a débuté suite aux révélations du journal L’Alsace sur les « brimades » de l’enseignant. La vice-procureure de la République, Sandra Di Rosa, s’était d’abord autosaisie, avant de recevoir un signalement de la présidence de l’UHA, unique partie civile au début d’audience.

Bertrand Pauvert, professeur de droit public à l’Université de Haute Alsace, poursuivi pour harcèlement sexuel et violence. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« Si le viol est inévitable, détends-toi et profite »

Au deuxième rang de la salle aux murs rouges, l’ancien directeur du département de droit et de master patiente. Proche du Rassemblement national puis soutien d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle, celui qui est aussi conseiller municipal d’opposition de Mulhouse porte un costume gris et des bottines de cuir noir. Bertrand Pauvert s’apprête à répondre, point par point, à chacun des dérapages verbaux qu’il a commis, parfois devant un amphithéâtre d’étudiants, sinon en plus petit groupe lors de travaux dirigés.

Devant lui à sa droite, cinq de ses anciennes élèves assistent aussi à l’audience. « J’espère qu’il ne pourra plus jamais enseigner », glisse l’une d’elles, interrompue par le son saccadé d’une cloche. « Le tribunal », lance le greffier. L’audience commence.

Dans la salle d’audience du tribunal judiciaire de Mulhouse. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

La présidente du tribunal, Christine Schlumberger, appelle le professeur de droit suspendu à s’avancer devant elle. Après une brève description de l’état civil de l’accusé et un rappel des faits, elle entame une longue lecture des propos qui ont pu « porter atteinte à la dignité des étudiants et créer une situation intimidante. » En tout, ce sont une dizaine de citations mêlant exemples et considérations glauques ou dégradantes qui constituent les faits reprochés pour la partie harcèlement sexuel.

« Si le viol est inévitable, détends-toi et profite. »
« Tu vas trop vite, ta copine me l’a encore dit hier soir »
« J’ai la braguette ouverte, je viens de me faire sucer entre midi et deux »
« Tu dis de la merde chérie »
Comparer les prolégomènes d’une dissertation aux préliminaires d’un acte sexuel

16 heures d’enregistrement, 15 auditions d’étudiants

Puis vient la description du fait correspondant aux poursuites pour violence : en 2018, dans un amphithéâtre de l’UHA, Bertrand Pauvert appelle un étudiant à le rejoindre. Le professeur se place derrière le jeune et mime une sodomie, sans le toucher. La procureure précisera plus tard dans l’audience que les faits, filmés, permettent d’entendre le maître de conférences qui ajoute la parole au geste : « Ah, la, vous dites quoi ? Je m’enfonce plus ? »

Les faits sont accablants pour Bertrand Pauvert, qui tiendra pendant plus d’une heure le pupitre devant lui, les bras tendus, tentant de répondre aux questions méthodiques de la présidente du tribunal. Plus de 16 heures d’enregistrement et 15 auditions d’étudiants ont permis de noter précisément les phrases les plus choquantes, voire humiliantes. Très vite, il énonce un discours qu’il répétera à plusieurs reprises face aux relances de la juge :

« J’ai conscience qu’un certain nombre de mes propos ont été inappropriés. Je regrette profondément le mal causé. Mais il y a d’autres propos qui me sont prêtés, que je conteste. Au final, sur les 18 heures enregistrées, il n’y a que cinq moments à connotation sexuelle, c’est trois minutes à peine. C’est déjà trop, mais ce n’est pas perpétuel non plus. »

« Une forme d’humour gaulois, rabelaisien »

Le prévenu continue de se défendre, affirmant qu’il n’a pas eu conscience du mal causé. Sauf lors d’un dernier cours en octobre 2021, « j’ai vu deux trois étudiants, je me suis dit qu’il y avait quelque chose. » Puis il essaye de démontrer que les souvenirs des témoins peuvent être erronés. Bertrand Pauvert se lance alors dans une tentative de justification d’un mime de sodomie pour illustrer la suprématie du droit européen sur le droit national : « C’est un moyen de faire sourire sur des développements théoriques, une forme d’humour gaulois, rabelaisien. » Dans la salle, les regards se croisent, gênés. Le coordinateur local de la campagne d’Éric Zemmour finit par reconnaître : « C’est une mise en scène douteuse et je le regrette »… avant de préciser étrangement que « l’étudiant est parti sous les applaudissements. »

En fin de matinée, Bertrand Pauvert bénéficie d’un moment de répit. Un témoin en sa faveur est appelé. David est un ancien collègue et directeur du département de droit. Il a tenu à soutenir son confrère car « mes étudiants ont toujours été satisfaits de ses cours. » L’enseignant loue un « grand professionnel » et lui prête « un esprit de provocation qui cherche à capter l’attention de son auditoire. » Pour David, Bertrand Pauvert est victime de ses engagements politiques : « Il était dans le collimateur de certains collègues depuis longtemps. »

Pour les victimes, une prise de conscience

Me Rayan Zaien s’approche du tribunal, il représente deux étudiantes de Bertrand Pauvert qui ont décidé de se constituer partie civile pendant l’audience. Comme l’explique l’une de leurs camarade, Marine, le procès a constitué pour elles une prise de conscience :

« Au départ, on a surtout témoigné pour qu’il arrête d’enseigner. Puis on s’est retrouvé devant la police alors qu’on voulait juste un cours normal. Mais aujourd’hui, avec le discours de la procureure, j’ai pris conscience du fait que j’étais victime de propos graves (lors d’un exercice basé sur un divorce, Marine évoque l’obligation du versement d’une pension alimentaire. Bertrand Pauvert lui rétorque alors que « l’argent, tu peux te le mettre là où je prends mon plaisir, NDLR). »

Les deux étudiantes qui se sont constituées partie civile ont demandé un dédommagement d’un euro symbolique, « simplement pour que leur statut de victime soit reconnu », explique Me Zaien.

Six mois ferme requis

Avocat de l’UHA, Me François Gerber s’attache à démontrer que Bertrand Pauvert ne doit plus enseigner à l’université mulhousienne. Il déplore un « individu intéressé seulement par lui-même » et « persuadé qu’il peut tenir ce type de propos, car c’est le pouvoir de l’enseignant dans sa conception digne du Moyen-Âge ». L’avocat estime que l’enseignant n’a pas su tenir compte des avertissements de la présidence de l’UHA. Il demande également un euro au titre des dommages et intérêts.

L’avocat de l’Université de Haute Alsace, Me François Gerber. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Après avoir longuement rappelé la définition légale du harcèlement sexuel, la vice-procureur Sandra Di Rosa souligne la solidité des preuves contre Bertrand Pauvert. Elle décrit « les étudiantes, ciblées en priorité », « les commentaires inacceptables sur le viol face à des jeunes femmes en pleine construction » et encore les anxiétés, les maux de ventre et autres troubles de la concentration décrits par plusieurs étudiants. Elle conclut en requérant une peine de six mois ferme (aménageable sous forme de détention à domicile) et d’un an de prison avec sursis. Elle estime qu’il faut aussi obliger l’enseignant à suivre une psychothérapie et qu’il cesse d’enseigner pendant trois ans.

La défense plaide la relaxe

Me Jonathan Muré intervient alors en défense de Bertrand Pauvert. L’avocat souligne que certains étudiants ont témoigné ne pas s’être sentis directement visées par les propos de Bertrand Pauvert. Il estime que « chérie » est un mot régulièrement employé par l’enseignant, et qu’il est dépourvu de connotation sexuelle et qu’il ne constitue donc pas un harcèlement. Dans sa plaidoirie, l’avocat décrit des « témoignages flous » et des étudiants qui n’aurait pas subi de conséquences psychologiques. Me Muré demande que Bertrand Pauvert soit relaxé pour les faits de harcèlement et de violence pour lesquels sont client est poursuivi.

Le jugement du tribunal correctionnel de Mulhouse est attendue lundi 11 juillet.


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