Pour la Fédération de la Maison des potes, la décision de la Cour d’appel de Metz est une victoire. « On bataille depuis plus de neuf ans pour faire reconnaître le caractère antisémite des dégradations du cimetière juif de Sarre-Union », souffle le président de cette association de lutte contre le racisme, Samuel Thomas.
En 2015, plus de 250 tombes du cimetière juif de Sarre-Union ont été profanées par des mineurs de 15, 16 et 17 ans à l’époque. Ceux-ci ont été condamnés en 2018 à des peines allant de la prison avec sursis aux travaux d’intérêt général. « Mais la condamnation ne prenait pas en compte le caractère antisémite, c’est comme s’ils avaient dégradé de vieilles pierres quelconques », explique Samuel Thomas.
« Le mobile antisémite est parfaitement caractérisé »
Depuis la décision, la Maison des potes a donc continué la bataille juridique pour que la haine antisémite, spécifiquement, soit également condamnée par la justice. « Nous voulions faire reconnaître ce délit d’une ampleur sans précédent était motivé par la haine des juifs et que c’est à ce titre que les auteurs devaient aussi être condamnés », précise Samuel Thomas.
Lundi 23 septembre, la chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel de Metz a déclarée recevable la demande de la Maison des potes de se constituer partie civile. Dans le même temps, elle condamne les auteurs des dégradations à payer 2 000€ de préjudice moral et 3 000€ au titre des frais de procédure à la Maison des potes. En mars 2022, la justice avait déjà prononcé des dédommagements pour les familles au titre du préjudice moral, en imposant aux profanateurs de verser la somme de 85 000 euros à une quarantaine de parties civiles.
Le nouvel arrêt précise que « le mobile antisémite » des dégradations des tombes, du portail et de monuments édifiés en mémoire des martyrs juifs de la Seconde guerre mondiale « est parfaitement caractérisé ». C’est par cette phrase et une disposition légale de procédure que l’association a pu obtenir satisfaction. « En reconnaissant que la Maison des potes est partie civile, la justice reconnaît que ce sont les personnes juives, en raison de leur confession, qui étaient la cible des dégradations », précise Samuel Thomas.
Idéologie antisémite
Dans l’arrêt du 23 septembre, la présidente de la chambre revient sur les déclarations de certains des mineurs condamnés en 2018. Ainsi, plusieurs ont uriné sur des tombes en faisant un salut nazi, ont tenu des propos antisémites et l’analyse de leurs ordinateurs et des téléphones révèle des connexions avec des sites internet néonazis et des contenus antisémites. L’un d’eux a admis avoir des rendez-vous réguliers, cinq à six fois par mois, avec d’autres personnes « ayant une idéologie antisémite ».
Samuel Thomas précise que la bataille juridique était aussi nécessaire pour qu’aucun doute ne puisse subsister quant à la nature des profanations :
« En 2015, les auteurs des faits ont cherché et obtenu ce qu’ils voulaient : terroriser la communauté juive. Ceux qui se sont employés à minimiser le caractère antisémite des profanations ne peuvent désormais plus le faire. »
Les mineurs condamnés en 2015 étaient par ailleurs proches du Front national, comme Rue89 Strasbourg l’avait détaillé en juillet. Photographie avec Jean-Marie Le Pen, proximité avec un élu local encarté au Front national, parents membres du même parti… « Ces jeunes étaient convaincus qu’ils ne faisaient que mettre en pratique ce que leurs familles, leur entourage et leur groupe politique leurs avaient enseignés », assène Samuel Thomas.
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