Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Profanation du cimetière juif de Sarre-Union : un procès sur l’antisémitisme de l’extrême droite

Près de neuf ans après la profanation du cimetière juif de Sarre-Union, l’association antiraciste La Maison des potes espère pouvoir faire reconnaître le caractère antisémite des actes de cinq jeunes du nord de l’Alsace. Certains d’entre eux étaient proches du Front national.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

En 2017, la majorité des tombes du cimetière juif étaient dans le même état qu’en février 2015.

Le 15 février 2015, pas moins de 250 tombes du cimetière juif de Sarre-Union, dans le nord de l’Alsace, ont été profanées. En 2017, cinq mineurs ont été condamnés à des peines comprises entre 8 et 18 mois de prison avec sursis (voir tous nos articles). Le 8 juillet 2024, l’association antiraciste La Maison des potes a plaidé lors d’une audience à la Cour d’appel de Metz pour se constituer partie civile, ce qui lui avait été refusé en 2017.

Le but de l’opération est de faire enfin reconnaître le caractère antisémite des dégradations, et, plus largement, la dangerosité des idéologies d’extrême droite, dont étaient proches certains condamnés.

Combattre le racisme en se constituant partie civile

L’association est allée jusqu’à se pourvoir en cassation pour pouvoir faire partie du processus judiciaire. Le 4 avril 2023, la Cour a tranché : la Maison des Potes devrait avoir le droit de se constituer partie civile. En novembre 2023, le code de procédure pénale a d’ailleurs évolué en ce sens – les associations qui combattent le racisme peuvent désormais se constituer partie civile plus facilement qu’auparavant.

Pour le président de La Maison des potes, Samuel Thomas, l’enjeu de la décision qui interviendra le 23 septembre 2024 est double :

« Si nous pouvons nous constituer, cela affirmera le caractère antisémite des actes, qui n’avait pas été retenu par le procureur en 2017 comme une circonstance aggravante. Dans un second temps, les dommages et intérêts devraient être plus élevés. C’est le moyen symbolique qu’a la justice de réparer. En gros, profaner une tombe est grave dans tous les cas, mais c’est encore plus grave lorsque la personne est juive. Car ça a pour but d’effrayer la communauté. »

Des condamnés néo-nazis

Dans un article de juillet 2024, le média indépendant Blast a rappelé ce qui caractérise les auteurs de ces profanations. Des néo-nazis, dont l’entourage est proche du Front national, qui auraient selon leurs témoignages effectué des saluts nazis, tenu des propos antisémites et chanté une chanson intitulée « Je suis un bon nazi ».

À nos confrères, le président de l’association antiraciste déplore que l’enquête n’ait pas poussé plus loin l’investigation de l’entourage des quatre jeunes :

« Ils ne se sont pas intéressés à l’environnement familial des notables du coin, proches du Front national. Ainsi, l’un des jeunes est le neveu d’un des chefs de file du Front national local, Jean-Luc Laroche. Un autre a fait un stage dans le garage du même Jean-Luc Laroche. Malgré mes demandes, l’enquête ne s’est jamais intéressée à ceux qui auraient pu endoctriner ces gamins. On voit que Jean-Luc Laroche poste très fièrement de nombreuses photos de son fils avec des personnalités du Front national, comme Jean-Marie Le Pen ou Steeve Briois, et qu’il est aussi très proche de son neveu, qui fait partie des profanateurs. »

Samuel Thomas, à Blast (7 juillet 2024)

À Rue89 Strasbourg, il précise que « tous les éléments de l’enquête laissent penser qu’engendrer la frayeur dans la communauté juive, si ce n’était pas l’intention des jeunes, c’était celle de ceux qui les ont influencés ».

Alerter sur les violences de l’extrême droite

Alors que le Rassemblement National vient d’obtenir 143 sièges à l’Assemblée Nationale, Samuel Thomas espère que les électeurs et électrices mobilisées pour lui faire front resteront sensibles à la question de la xénophobie :

« Il ne faudrait pas qu’on se mette à penser que ce n’est pas si grave que ça. Le fait que des groupuscules néo-nazis se forment et que la police ne les arrête pas est dangereux. »


Le 12 février 2015, cinq jeunes âgés entre 15 et 17 ans ont profané plus de 250 tombes du cimetière juif de Sarre-Union, dans le nord de l’Alsace. Jugés en 2017 et en 2018, ils ont écopés de peines de prison avec sursis et de travaux d’intérêt généraux. Proches du Front National, de groupes informels et de sites web aux idéologies nazies, les cinq mineurs ont avoué lors de leur procès avoir effectués des saluts nazis, tenu des promos antisémites et urinés sur les sépultures. L’un d’eux participait régulièrement, cinq à six fois par mois selon ses dires, à des réunions entre personnes antisémites. Ce n’est qu’en septembre 2024 que l’association anti-raciste La Maison des potes a réussi à faire caractériser par la justice l’antisémitisme de ces actes.

Voir tous les articles

#antisémitisme

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile