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Accusé d’homicide involontaire, un médecin de Strasbourg a-t-il été négligent ?

Maxime Walter avait 15 ans lorsqu’en 2008, il fait une mauvaise chute à vélo. Transféré aux urgences de l’hôpital de Strasbourg – Hautepierre, son état empire jusqu’au décès, deux jours plus tard après d’infinies souffrances. Le chirurgien d’astreinte ce jour là et responsable de son dossier, Raphaël Moog, comparaît ce lundi pour homicide involontaire.

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Champion de cylco-cross, la vie de Maxime Walter s’est brutalement interrompue à l’âge de 15 ans (Photo famille Walter)

C’est la douloureuse histoire d’un adolescent à qui la vie souriait avant qu’elle ne soit brutalement interrompue. Champion de cyclo-cross, Maxime Walter s’entraîne avec son père ce dimanche 21 septembre 2008 dans la forêt du Neuhof à Strasbourg. Mais il chute, tombe lourdement sur son guidon, et se plaint de douleurs au bas-ventre. Emmené aux urgences du CHU de Hautepierre à 11h26, une fracture très importante de la rate est diagnostiquée. Le chirurgien d’astreinte ce jour là, le Dr Raphaël Moog, décide de ne pas procéder à la splénectomie (voir glossaire ci-contre) et tente de sauver la rate, en la comprimant avec du sang pour qu’elle forme naturellement une poche protectrice.

C’est ce choix qu’il devra assumer et expliquer devant le tribunal correctionnel de Strasbourg ce lundi et pendant trois jours d’audience. Car l’état de santé de Maxime Walter va se dégrader jusqu’à son décès mardi peu avant minuit, après deux jours d’atroces souffrances. Pour la famille de Maxime Walter, le chirurgien aurait dû opérer dès le dimanche. Ils portent plainte dès le lendemain du décès en accusant l’hôpital et les médecins de dysfonctionnements ayant entraîné la mort de leur enfant.

Il aura fallu cinq années à la justice pour boucler l’instruction de ce dossier complexe, où se succèdent les analyses, expertises et contre-expertises, relevés et témoignages. Trois médecins ont été mis en examen pour homicide involontaire et entendus par la justice, mais la juge d’instruction, Cécile Meyer-Fabre, a décidé de ne retenir que le Dr Moog au final, considérant que les actions des autres médecins lui étaient subordonnées. Praticien hospitalier depuis plus de 10 ans à l’époque des faits, aujourd’hui âgé 46 ans, le Dr Raphaël Moog comparaît donc seul à la barre.

L’absence du chirurgien en question

Les premières questions au Dr Moog porteront probablement sur les raisons qui l’ont poussé à ne se rendre au chevet de Maxime Walter que vers 16h ou 17h, les versions divergent, ce dimanche de 2008, alors qu’il était alerté par son service depuis 13h d’une fracture de la rate de grade 4 (sur une échelle qui va jusqu’à 5) et d’un épanchement sanguin important. D’astreinte, le Dr Moog se trouvait à son domicile selon la géolocalisation de son téléphone portable demandée par la justice. Mais il était aussi vice-président du Football Club de Truchtersheim, dont l’équipe disputait justement un match contre Koenigshoffen ce jour là.

Me Nicolas Fady, conseil des parents Walter, pointe de curieuses coïncidences sur les relevés téléphoniques :

« Le Dr Moog est appelé pour la 3e fois à 15h34, mais il ne décroche pas. Il ne rappelle l’hôpital qu’à 15h51, parce que c’était la mi-temps ? »

Le Dr Moog affirme qu’il est arrivé à l’hôpital vers 16h30, mais les infirmières et ses collègues ne confirment sa présence que vers 17h, soit après la fin du match de foot. Il voit alors Maxime Walter pour la première fois, et ça se passe mal avec ses parents :

« À ce stade, Maxime reçoit des poches de sang les unes après les autres depuis son arrivée aux urgences. Lui qui est si sportif a un petit ventre de femme enceinte, en raison des litres de sang qu’on lui a injecté et qui provoquent une pression insoutenable sur les autres organes. Le père de Maxime, Thierry Walter, demande au Dr Moog de procéder à l’ablation de la rate, pour préserver les autres organes de son fils. Mais le Dr Moog lui répond qu’il est chirurgien depuis 10 ans et qu’il sait ce qu’il fait. »

Le Dr Moog maintient le traitement non-opératoire et rentre chez lui. À 20h, c’est la fin des visites, les parents de Maxime sont renvoyés chez eux. Mais l’état de santé de Maxime continue de se dégrader. Les urgences appellent le Dr Moog vers minuit, il demande alors une embolisation (voir ci-contre) pour pallier les saignements. Elle est pratiquée entre 1h et 3h du matin le lundi. Malheureusement, la pression  à l’intérieur du corps continue de s’accroître, provoquant la défaillance des autres organes.

Les analyses sanguines sont jugées « catastrophiques » par l’équipe médicale présente. À 5h26, le Dr Moog est à nouveau appelé. Vers 6h du matin, Maxime est opéré pour une laparotomie exploratrice et un nettoyage de la cavité abdominale. Selon les versions, entre 4 et 6 litres de sang sont enlevés. Mais les saignements continuent, Maxime fait un arrêt cardiaque. Il est de nouveau opéré par le Dr Moog, cette fois pour une ablation de la rate. Mais il est trop tard, Maxime Walter décède en réanimation après un nouvel arrêt cardiaque dans la soirée.

« Une décision qui a favorisé l’évolution vers le décès »

Trois expertises médicales ont ponctué l’instruction du dossier, et toutes sont très critiques sur les choix du Dr Moog. La première conclut que la splénectomie aurait dû être réalisée après l’embolisation. Ne pas réaliser cette opération a « entraîné de façon directe et constante l’évolution fatale » de Maxime Walter.

La seconde expertise provient de la chambre régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI). Selon ces experts, il est tout à fait anormal que Maxime soit décédé suite à une lacération de la rate, même grave, compte-tenu de sa prise en charge immédiate et de l’absence d’antécédents. Elle conclut à des « actes non conformes » du Dr Moog et des « choix discutables ».

Une troisième expertise, demandée celle-ci par la défense du Dr Moog, tire des conclusions encore plus sévères. Selon ces derniers experts, le Dr Moog, en ne se déplaçant pas, ne s’était pas donné tous les moyens pour prendre la décision thérapeutique la mieux adaptée. Cette décision a donc « favorisé l’évolution vers le décès. »

Les parties ont toutes versé de nombreuses pièces techniques au dossier, le débat d’experts est prévu dans le journée de mardi.

De l’erreur de diagnostic à la faute pénale

De son côté, le Dr Moog ne se reconnaît aucune erreur de jugement et rappelle qu’à l’arrivée de Maxime Walter aux urgences, plusieurs traitements étaient possibles et que son choix était compatible avec la littérature scientifique. Pour son avocat Me Bernard Alexandre, les expertises ont beau jeu de conclure à la faute de son client, alors qu’elles sont réalisées a posteriori et avec le confort du temps :

« Il y a eu un drame terrible, qui affecte profondément mon client. Mais à tout drame ne se rattache pas un responsable pénal. »

Autrement dit, le tribunal devra décider si le Dr Moog s’est simplement trompé de diagnostic, ou s’il s’est rendu coupable de négligences en nombre suffisant pour caractériser un « homicide involontaire ». Dans ses conclusions, la juge d’instruction l’indique clairement :

« L’inertie du chirurgien qui ne s’est pas rendu au chevet du patient dès le début de la prise en charge et par la suite, l’absence de consignes particulières données à son équipe, la persistance du choix thérapeutique du traitement non-opératoire et le refus de pratique la splénectomie malgré l’aggravation sévère de l’état de Maxime Walter tout au long de la nuit » sont des fautes du Dr Moog.

De son côté, le Dr Moog soutient qu’il n’a pas été suffisamment informé de l’état de dégradation de son patient. Mais les médecins présents ont bien alerté le chirurgien, dans les limites de leurs prérogatives. Il est difficile pour des internes de s’opposer frontalement à un chirurgien disposant d’une telle expérience. Le procès devra répondre à ces nombreuses questions.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : suivre en direct le procès du Dr Raphaël Moog.


#Maxime Walter

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