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Procès de l’affaire Maxime Walter : l’audition des témoins

EN DIRECT. – Rue89 Strasbourg vous propose de suivre en direct le procès du Dr Raphaël Moog. Le chirurgien de l’hôpital de Hautepierre comparait devant le tribunal car il est accusé d’homicide involontaire après la mort aux urgences d’un adolescent qui s’était lacéré la rate lors d’une chute à vélo. La première journée doit permettre d’entendre la version du Dr Moog sur le déroulé des faits puis les témoins de la partie civile.

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La salle d’audience de la cour d’assises est mobilisée pour ce procès correctionnel (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

Merci à tous d’avoir suivi ce compte-rendu en direct. Rendez-vous demain à neuf heure pour la suite !
Fin de la première journée d’audience. Reprise demain avec les auditions des experts.
Me Coubris demande au Pr Marescaux comment il explique l’enchaînement qui a conduit à la mort de Maxime Walter. Il répond que pour lui, on se retrouve dans un service surchargé, avec des médecins qui ont du mal à se parler, et un médecin qui « s’entête dans son choix, ce qui arrive fréquemment quand personne n’est en mesure de prendre le temps de lui expliquer qu’il se trompe. »
La procureure de la République Morgane Robitaillie (Dessin Guillaume Decaux)
Me Jean-Christophe Coubris : « Ce problème de coagulation ne rendait-il pas l’opération délicate ? » Pr Christian Marescaux : « Non, elle la rendait justement obligatoire. »
– Me Jean-Christophe Coubris : « Le Pr Marescaux est neurologue, ce n’est pas courant qu’on nous fasse citer conseils de victimes un médecin. Est-ce que vous pourriez nous relater dans quelles circonstances vous avez rencontré la famille Walter ? » – Pr Christian Marescaux : « J’ai été frappé quand j’ai pris connaissance du dossier, j’ai passé la plus mauvaise nuit de ma vie. On a trois expertises qui disent la même chose d’un côté et de l’autre un document de l’agence régionale d’hospitalisation qui disait en gros que les parents étaient en partie responsables car ayant de grands espoirs sportifs pour leur fils. Pendant des années, on a accusé les parents d’avoir dopé leur enfant, ce qui l’avait rendu hémophile avec les conséquences fatales à la suite de la prise en charge. Je m’en veux terriblement d’avoir participé à ces accusations, et j’estime avoir une dette vis à vis de la famille Walter. »
On appelle désormais le dernier témoin, le Pr Christian Marescaux, du service de neurologie du CHU, cité par les parties civiles.
Me Bernard Alexandre : « Ce n’est pas parce que les réponses sont identiques qu’elles sont préparées. C’est la manifestation de la vérité. Donc vous êtes d’astreinte, selon vous, qui est responsable du patient ? » Dr Lacreuse : « C’est l’équipe sur place, en astreinte on est en deuxième ligne. » – « Combien de temps prends votre visite du soir ? » – « ça dépend des patients, ça peut aller de une à plusieurs heures. » – « Que pendez-vous du Dr Moog ? » – « C’est le Dr Moog qui m’a formée, je l’ai appelé plusieurs fois la nuit pendant mon clinicat et il est venu m’aider plusieurs fois. »
Le Dr Lacreuse tient à réhabiliter la réputation du Dr Moog, dont elle a tout appris (Dessin Guillaume Decaux)
La présidente : « Je n’ai plus de questions puisque manifestement, vous avez tous les mêmes réponses manifestement préparées. »
On appelle désormais le Dr Isabelle Lacreuse, chirurgien pédiatrique dans le même service que le Dr Moog. En fait, tous les chirurgiens du service sont présents. La présidente pose les mêmes questions sur la garde, l’astreinte, etc. Et le Dr Lacreuse donne les mêmes réponses : « ça dépend. »
Me Renaud Bettcher : « Est-ce que vous pourriez expliquer au tribunal pourquoi on souffre énormément quand on a une inflammation du péritoine ? » Pr Cécile Brigand : « Le péritoine est une membrane très nervurée et très sensible, oui ». – « On souffre énormément madame ! » – La présidente : « Maître, ce n’est pas vous le témoin ! »
Me Renaud Bettcher : « Pouvez-vous nous expliquer les conditions sine qua non d’un TNO ? » Pr Cécile Brigand : « Qu’est-ce qu’un TNO ? » – « Euh… vous êtes bien Cécile Brigand ? Un TNO est un traitement non-opératoire. Comment ça se passe aux urgences ? » – « Je suis en chirurgie vasculaire chez les adultes. »
On appelle désormais le Pr Cécile Brigand, chirurgien, service adultes.
Me Bernard Alexandre : « Est-ce que vous pourriez nous parler du Dr Moog puisque vous êtes sa collègue ? » Dr Isabelle Kaufmann : « C’est quelqu’un de proche de ses patients, je le connais depuis 1995, il ne se défile pas devant les cas difficiles. C’est un bon chirurgien et j’apprends beaucoup avec lui. »
Me Bernard Alexandre : « Dans le cadre d’une astreinte, lors de la visite des patients dans le service le soir, quelle est la durée ? » Dr Isabelle Kaufmann : « Ca peut aller de une à trois heures, en fonction du nombre d’enfants présents et de cas qui peuvent poser problèmes. »
Me Bernard Alexandre : « Précisons que je n’exige pas qu’on réponde par oui ou non, on est dans la médecine et les réponses ne sont pas toujours aussi simples. Dans le cas d’une astreinte, qui a la charge du patient ? » Dr Isabelle Kaufmann : « C’est l’équipe de médecins qui est sur place. »
Dr Isabelle Kaufmann : « Chaque médecin spécialiste a un regard sur le patient. » La procureure Morgane Robitaillie : « Admettons que vous vous retrouviez en minorité dans une discussion à trois, que vous refusiez d’opérer, qu’est-ce qui se passe ? » Dr Isabelle Kaufmann : « On ne peut pas forcer quelqu’un à opérer. Si le chirurgien ne veut pas opérer, il n’opère pas. » La procureure Morgane Robitaillie : « Donc il a la décision finale. » Dr Isabelle Kaufmann : « Mais elle est collégiale ! » La présidente : « Mais vous ne savez pas répondre « oui » ou « non » dans ce service ? »
La procureure Morgane Robitaillie : « Admettons que le chirurgien attende plusieurs heures avant de se déplacer. Il arrive et il n’y a pas le médecin de la réanimation. Que faut-il faire ? » Dr Isabelle Kaufmann : « Je ne peux pas répondre à cette question. »
Me Jean-Christophe Coubris : « Vous avez eu recours aux techniques non opératoires fréquemment avec 100% de succès. Combien de grade 4 ? » Dr Isabelle Kaufmann : « Je ne m’en souviens pas. » – « Et dans le cas d’une lésion de grade 4, que vous traitez en non-opératoire, face à la dégradation de la situation, que faites -vous ? » – « Je ne peux pas vous répondre. »
Interrogée par Me Bettcher des parties civiles, le Dr Isabelle Kaufmann refuse de répondre pour éviter d’avoir à critiquer son confrère, ce qui provoque l’ire de l’avocat : « Vous avez tous le même discours, vous faites partie du même clan. » La présidente le rappelle à l’ordre.
Dialogue difficile entre la présidente, qui essaie de savoir s’il y a des procédures stables entre les services et les médecins, et les réponses du Dr Kaufmann qui précise qu’il y a des discussions collégiales qui ne se font qu’avec les personnes présentes et en fonction des dossiers.
La présidente : « Une fois que vous vous êtes déplacée, comment se passe l’examen clinique ? » Dr Isabelle Kaufmann : « Tout dépend de la stabilité du patient… s’il est stable, ce qui est le cas en général… on décide conjointement avec les différents médecins seniors présents et on en discute. »
La présidente : « Et quand vous êtes d’astreinte, vous avez déjà eu des fractures de la rate ? Et vous vous déplacez ? » Dr Isabelle Kaufmann : « Oui j’en ai déjà eu, on se déplace et ça dépend des informations dont on dispose et du mode de prise en charge. »
Me Bernard Alexandre : « Puisque vous êtes dans le même service que le Dr Moog et que vous êtes également chirurgien pédiatre. Expliquez nous comment fonctionne le système de garde. » Dr Isabelle Kaufmann  explique les tours de garde, les visites aux enfants malades le matin, et le principe de l’astreinte à domicile.
Plus de questions pour le Pr Veillon. On appelle le Dr Isabelle Kaufmann, chirurgien pédiatre.
Me Bernard Alexandre pose une question sur la différence entre le compte-rendu oral et le compte-rendu écrit. Le Pr Veillon répond qu’en général, il y a un accord entre les médecins mais que le diagnostic revient à la première personne qui traite.
On passe désormais à la procureure de la République, Morgane Robitaillie : « Lorsque vous avez été entendu par la police, vous avez dit que lorsqu’un radiologue parle d’une hémorragie massive, c’est qu’au moins un litre de sang a été perdu. C’est une situation périlleuse selon votre terme. » – Pr Veillon : « Oui, c’est préoccupant. J’ai dit périlleux, on vous interroge, vous signez… Il faut vraiment faire attention à chaque terme qu’on emploie. »
Les parties civiles demandent comment fonctionnent les astreintes au service de radiologie.
Il y a une discussion sur les méthodes de transmission des informations entre les radiologues et les autres médecins des urgences pédiatriques.
Me Renaud Bettcher : « Mais pour prendre une décision, il faut les voir ces radiographies et ces scanners ! » Pr Veillon : « Le job du radiologue est de les mettre à disposition. Si le chirurgien doit voir le scanner, eh ben il n’opère plus. Et le même avocat va venir poser la question : « eh ben alors il était pas en salle d’op ? » Ils n’ont pas le don d’ubiquité. »
La présidente : « Mais dans un dossier de ce genre, la décision finale revient au chirurgien ? » Pr Veillon : « Oui. »
Pr Veillon : « L’idéal, on ne met que des seniors, qui sont tous présents et qui se parlent tout le temps, mais la réalité, ce n’est pas ça. Il y a des internes, des débutants et ils doivent gérer des dizaines de patients en même temps, et c’est vrai, on ne se parle pas toujours. »
Pr Veillon : « Dans ce procès, vous allez entendre parler d’une ambiance thérapeuthique où il est question de sauver la rate. On opère de moins en moins. »
La mère de Maxime Walter, toujours très éprouvée huit ans après le drame. (Dessin Guillaume Decaux)
Pr Veillon : « Lorsque l’échographie a été réalisée, je me suis renseigné pour savoir quelles étaient les conditions de sa réalisation. Le Dr Secchi est un radiologue certifié. Il constate une lésion active sur la rate, le temps d’avoir les images ça prend quelques minutes en 2008… Il le signale aux médecins de garde. Il a téléphoné aux urgences pédiatriques, un médecin des urgences pédiatriques est venu voir le scan. Il a écrit ce qu’il avait vu. »
On appelle désormais le Pr Veillon, responsable du service d’imagerie. Il a cosigné le compte-rendu du scanner effectué lundi matin.
Dr Yves Alembik : « Mes propos pourraient sembler corporatistes, mais on ne le ferait pas pour n’importe qui. Lorsqu’il a été brièvement empêché d’exercer, une pétition a été signée par tous les pédiatres. »
Me Bernard Alexandre : « Le Dr Alembik pourrait nous parler de la réputation du Dr Moog dans le domaine de la pédiatrie. » – Dr Yves Alembik : « Je travaille en bonne intelligence avec le service de chirurgie infantile du CHU. Je m’associe à la peine de la famille, ainsi que tous les pédiatres. Le Dr Moog est très disponible et quand on a affaire à lui, on a affaire à quelqu’un d’une grande compétence, avec une volonté de faire correctement son travail. »
On appelle Yves Alembik, pédiatre à Strasbourg.
La présidente reprend : « Donc qui doit prendre la décision chirurgicale ? » Pr François Becmeur : « C’est au chirurgien, dans le cadre d’une décision collégiale. »
Me Renaud Bettcher reprend la parole : « On a appris lors d’un reportage la semaine dernière que c’était les internes qui font fonctionner les services d’urgence le week-end. » Pr François Becmeur : « Ce n’était pas à l’interne de rappeler. Ca c’est évident, c’était au médecin en charge. »
Me Bernard Alexandre : « Est-ce qu’on se déplace à chaque coup de fil quand on est d’astreinte ? » Pr François Becmeur : « Ca dépend vraiment des informations dont on dispose, qui sont parfois extrêmement succinctes. La personne d’astreinte est une personne extrêmement fragile. » – « Si on vous signale une lacération de la rate de grade 4 et que le patient avec hémodinamiquement stable. Est-ce que vous vous déplacez ? » – « Si le patient est stable, si on m’assure que les constantes sont bonnes, non, probablement pas. » – « Est-ce que le Dr Moog est réputé pour ne pas aimer se déplacer dans le service ? » – « Non, il est extrêmement disponible. Les parents des patients qu’il a en charge pourraient en témoigner. »
Le conseil du Dr Moog, Me Bernard Alexandre, pose des questions sur les réorganisations du service des urgences pédiatriques : « Êtes vous satisfait du fonctionnement ? » Pr François Becmeur : « C’est une question vraiment difficile. On est dans une structure très jeune. » La présidente : « Répondez à la question ! » – « Mais je l’ai fait. » – « Non » – « Il faut savoir lire entre les lignes… »
On passe la parole à la défense. Me Bernard Alexandre : « combien de fois vous opérez avec le Dr Moog ? » Pr François Becmeur : « C’est très courant. Parfois même, on décide d’opérer à quatre mains, et il a des spécialités sur la vésicule, quand des enfants naissent avec la vessie éclatée par exemple, c’est lui qui opère. »
Me Jean-Christophe Coubris pose une nouvelle fois la question de son intervention dans le bloc du Dr Moog et reçoit la même réponse.
Pr François Becmeur : « Il y a un changement de nom, dans le temps on parlait d’hyper pression abdominale. »
La présidente : « Vous connaissez le syndrome compartimental abdominal ? » Pr François Becmeur : « Bien sûr » – « On nous a dit ce matin que ça n’existait pas chez les enfants. » – « On le connait très bien chez les enfants, dès 35 – 36 semaines. »
Me Renaud Bettcher : « Le mardi matin à 4h30, son pH est de 6,7. Qu’est-ce que vous pouvez en dire ? » Pr François Becmeur : « Que l’état du patient était très grave. » – « Vous dites qu’il y a une odeur de putréfaction. » – « Non, il y a l’odeur caractéristique des infarctus mésentériques. » (orthographe incertaine) – « Il est mort ! » – « Non ».
Il obtient les mêmes réponses que précédemment.
Me Renaud Bettcher repose deux questions : est-ce une faute de ne pas se déplacer sur une fracture de la rate de grade 4 et pourquoi vous êtes-vous déplacé dans le bloc du Dr Moog jusqu’à participer à son opération.
La parole est donnée aux parties civiles.
Le Pr Becmeur accuse la présidente de ne pas « comprendre » ce qui se passe dans un bloc opératoire. La présidente répond qu’elle voit bien, le Pr Becmeur insiste que non. La présidente répond qu’elle n’est « que » juriste. Le Pr Becmeur opine du chef, pour indiquer qu’il n’entend pas laisser juger des actes médicaux par la justice.
Le Pr Becmeur insiste : il n’a pas « terminé » le geste du Dr Moog mais il a opéré de concert avec lui : « Cessez vos insinuations » dit-il à la présidente. Le ton monte un peu… La présidente répond qu’elle n’insinue rien : « ça doit être gai les discussions dans votre service… »
La présidente : « Donc, vous entrez dans le bloc du Dr Moog. Que se passe-t-il ? Pr François Becmeur : « Je constate les conséquences du syndrome compartimental. La discussion portait sur savoir si on gardait une partie de la rate ou non. Après discussion, on a opté pour terminer le geste opératoire. »
Le Pr François Becmeur, chef du service du Dr Moog, essaie de rester neutre lors de son audition très pressante (Dessin GUillaume Decaux)
La présidente : « Comment vous intervenez dans le bloc du Dr Moog ? » Pr François Becmeur : « Comme on le fait très souvent. Soit je termine mon intervention, soit je la mets en suspens. » – « Qui est venu vous chercher ? » – « Je ne sais plus bien. Je crois que c’est un anesthésiste. » – « Le Dr Moog nous a dit que c’était parce qu’il vous en avait parlé. » – « Euh, je ne me rappelle pas de tout 8 ans après les faits. »
Après des échanges sur la marche du service des urgences pédiatriques, le Pr Becmeur est interrogé sur son intervention le mardi matin.
Pr François Becmeur : « C’est tout le problème de l’astreinte, car nous ne sommes que d’astreinte. Nos plus jeunes ne sont plus près à s’engager dans ce système, on risque de ne plus en faire. »
Pr François Becmeur : « Avec une tension de 7 / 8 en continu, ce n’est pas normal, si ça dure. Sur l’hémoglobine, un enfant qui a une rupture de rate peut tomber avec des taux très bas. »
La présidente : « Cessez d’être sur la défensive, je ne cherche pas à vous piéger. Que faites vous ensuite ? » Pr François Becmeur : « Il n’y a pas de posture. Nous évoluons lorsque la situation évolue. Il y a des situations où la situation exige une splénectomie. »
La présidente : « Et ensuite vous pratiquez l’examen ? » Pr François Becmeur : « Oui, on fait les examens cliniques. On regarde le patient. Le Dr Moog est très clinique. »
La présidente : « Bon, question simple : on vous signale une lacération de la rate de grade 4. Est-ce que vous vous déplacez ? » Pr François Becmeur : « Alors les traumas de la rate dans les années 80 n’étaient pas diagnostiqués… » – « Non, que faites vous à ce moment là ? Répondez à cette question. » – « Je ne ferai pas de médecine fiction. Vous me demandez un jugement, je ne veux pas le faire. » – « Vous ne voulez pas répondre à cette question ? » – « J’ai répondu. Ma pratique est conforme aux bonnes pratiques. » – « Qui sont ? » – « Il faut se déplacer. Mais ça dépend des informations qu’on vous donne. Si l’interne de garde est débordé ou non… »
La présidente : « Vous dites que l’examen clinique est fondamental, ce sont vos propres déclarations [lors de l’instruction]. » Pr François Becmeur : « Oui, je les assume complètement. »
La présidente : « Expliquez nous comment ça se passe pour un déplacement du senior de garde ? » Pr François Becmeur : « Quand on a un système de déchocage par le Samu, ça se passe très bien. Par les urgences, ça ne se passe pas toujours bien, car on n’a pas toujours la bonne mesure de la gravité. »
Le Pr François Becmeur : « On doit prendre une première décision en fonction de la nature des informations qu’on reçoit, qui sont fondamentales sur la décision qu’on prend. On peut se poser la question de savoir si on doit maintenir des systèmes d’astreinte dans nos dispositifs en France. »
Le Pr François Becmeur : « Nous assurons une permanence des soins, dans des conditions d’insuffisances de personnel. En ce moment, nous sommes 4. Et les décisions médicales se déroulent toujours de manière collégiale. »
Le Pr Becmeur demande une déclaration initiale : « Je voulais vous faire part de notre douleur, tout le corps médical est bouleversé par cet accident et ses conséquences tragiques. Nous avons le plus grand respect pour la douleur et la souffrance des familles. »
Le Pr François Becmeur s’avance à la barre, il est chirurgien pédiatre et responsable du service. Il a été cité par le prévenu ET les parties civiles…
L’audience reprend, on passe à l’audition des témoins, qui patientent dans une salle annexe.
Tout le monde est installé pour la reprise, on attend le retour de la présidente.
Ce compte-rendu s’interrompt donc jusqu’à la reprise. Merci de nous suivre.
La défense n’a pas de question pour le Dr Moog. L’audience est suspendue jusqu’à 14h.
La procureure Morgane Robitaillie : « Est-ce que vous avez une obligation d’appeler un supérieur pour discuter du choix à faire ? Dr Raphaël Moog : « Non » La procureure Morgane Robitaillie : « Donc le responsable, c’est vous. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Même l’infirmière voit bien que ce cas est particulièrement grave et qu’il fallait un médecin senior pour s’en occuper. » Dr Raphaël Moog : « C’est pour ça que j’étais rassuré lorsque j’ai croisé le Dr Mayer vers 19h. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Vous rentrez chez vous à 5h du matin. Pourquoi ? Vous laissez le patient au Dr Olexa, pensez-vous qu’elle avait les épaules pour gérer ce cas ? » Dr Raphaël Moog : « Le patient était sous la garde du Dr Mayer. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Est-ce que vous dites au Dr Olexa : « après les 8 culots de sang, rappelez moi » ? » Dr Raphaël Moog : « Non, car le patient était entre les mains du Dr Mayer. » La procureure Morgane Robitaillie : « Alors même question, est-ce que vous donnez cette indication au Dr Mayer ? » Dr Raphaël Moog : « Le Dr Mayer sait quand m’appeler ». La procureure Morgane Robitaillie : « Mais il n’est pas en charge du patient ! Il rappelle à 0h06 parce que ça ne pas bien du tout. Vous dites à ce moment là, vous dites embolisation. Sauf qu’à 2h57, il rappelle parce que ça ne va toujours pas. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Et puis vous regardez Maxime et vous rentrez chez vous. Vers 20h, on est au maximum du traitement non-opératoire… et vous ne cherchez pas à savoir ce qui se passe ? » Dr Raphaël Moog : « Quand je rentre, je croise le Dr Mayer, qui me dit Maxime va bien, il est stabilisé. C’est la dernière information que j’ai. »
La procureure Morgane Robitaillie : « On a une infirmière qui explique durant 4 pages toute la chronologie, et elle se rappelle bien que vous n’êtes arrivés qu’à 18h30. Vous pensez aussi qu’elle se trompe ? » Dr Raphaël Moog : « Oui » La procureure Morgane Robitaillie : « Au moins, ça a le mérite d’être clair. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Vous mettez 20 minutes à rappeler alors qu’on vous fait part de l’inquiétude du Dr Olexa ? » Dr Raphaël Moog : « C’était une suspicion d’inquiétude. Elle pouvait appeler elle-même si elle était vraiment inquiète. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Pourquoi avoir attendu 20 minutes avant de rappeler ? Que faisiez-vous à ce moment là pour ne pas vous inquiéter d’un cas aussi grave ? » Dr Raphaël Moog : « J’étais à la maison. Et le cas n’apparaissait pas aussi grave. »
Me Coubris questionne le Dr Moog (Dessin Guillaume Decaux)
La procureure Morgane Robitaillie : « Je vous lis votre premières déclarations. « – L’élément déterminant, c’est le scanner. J’attendais les résultats avant de me déplacer. » Or quelques minutes après le scanner, vous avez les résultats lors d’un coup de téléphone extrêmement bref. Vous ne mettez pas votre manteau. »
La procureure Morgane Robitaillie : « A 14h06, vous avez les résultats du scanner. Ne deviez-vous pas vous déplacer à ce moment là ? » Dr Raphaël Moog : « Vu l’état hémodynamique, stable, vu qu’il était entre les mains du Dr Mayer, senior, je suis rassuré. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Effectivement, mais cette stabilité, on ne l’avait pas. » Dr Raphaël Moog : « On a effectué des recommandations en cas d’instabilité, qui étaient des transfusions supplémentaires. Il y avait deux médecins seniors qui surveillaient la tension du patient. »
On passe la parole à la procureur de la République, Morgane Robitaillie : « Est-ce que votre traitement non-opératoire était risqué ? » Dr Raphaël Moog : « Non. » La procureure Morgane Robitaillie lis les conclusions des experts, qui pointent d’importants risques, notamment avec le blush artériel. Dr Raphaël Moog : « En pédiatrie, les résultats du scanner ne sont pas si importants, c’est la stabilité hémodynamique qui prime. »
Me Nicolas Fady : « N’est-ce pas choquant que vous preniez une décision chirurgicale alors que vous ne rencontrez pas la personne, que vous n’avez pas vu les scanners ? » Dr Raphaël Moog : « J’ai donné mes instructions par téléphone. Je suis d’astreinte, lorsque c’est le cas, on est amenés à prendre des décisions par téléphone. »
Me Jean-Christophe Coubris : « Vous avez dit plus tôt que si vous aviez opéré à 15h après le scanner, Maxime serait mort tout de même. Expliquez nous ça. » Dr Raphaël Moog : « Je pense que je me serais reproché de l’avoir opéré si tôt, s’il avait eu les mêmes complications et les mêmes problèmes de coagulation qui auraient eu les mêmes conséquences. »
Me Jean-Christophe Coubris : « Est-ce que vous prendriez en charge un enfant de la même manière si un cas similaire vous était présenté dans les mêmes conditions ? » Dr Raphaël Moog : « Il y a des cas qui se sont produits. La différence est qu’on a fait le lien entre l’anesthésiste et le réanimateur. » Me Jean-Christophe Coubris : « Je n’aurais pas ma réponse ! Est-ce qu’aujourd’hui, vous vous déplacez pour assurer cette surveillance « armée » dont on parle ? » Dr Raphaël Moog : « Moi, je pense que les meilleurs pour surveiller la stabilité hémodynamique sont les anesthésistes et les réanimateurs. » Me Jean-Christophe Coubris : « Alors vous qui êtes un spécialiste, vous vous en remettez aux autres. »
Me Renaud Bettcher : « Est-il exact qu’il y a eu une cellule psychologique de soutien au personnel qui a eu à gérer le cas de Maxime Walter, les infirmières qui ne pouvaient plus entrer dans sa chambre, etc. ? » Dr Raphaël Moog : « Je ne sais pas, je ne l’ai pas demandé et je n’en ai pas bénéficié. » Me Bettcher : « Oui, effectivement, vous êtes tellement tranquille… »
Me Renaud Bettcher : « Pourquoi n’avez vous pas traité la douleur de Maxime, qui suppliait pour qu’on le tue ? » Dr Raphaël Moog : « C’est ce que j’ai demandé dès le début. »
La présidente en a terminé avec ses questions. On passe à celles des parties civiles.
La présidente : « Qu’est-ce qu’une CIVD ? » Dr Raphaël Moog : « C’est une consommation des facteurs de coagulation qui empêchent un traitement. La discussion sur le traitement est très complexe et les suites sont très péjoratives. »
Présidente : « Et d’où vient ce problème ? C’est génétique ? » Dr Raphaël Moog : « C’est à explorer. Quand on prend deux cachets d’aspirine, on peut avoir les mêmes problèmes. »
La présidente : « Est-ce que vous pensez que vous avez prises toutes les mesures pour éviter le décès de Maxime ? » Dr Raphaël Moog : « Je pense qu’on a respecté toutes les recommandations. Mais il y a eu ce problème de coagulation, qui fait que le cas n’a pas évolué comme la littérature le laissait prévoir. »
La présidente : « C’est vous qui décidez de l’orientation thérapeutique ? » Dr Raphaël Moog : « C’est une décision collégiale. »
Dr Raphaël Moog : « Pour m’aider. » Me Renaud Bettcher : « Mais pourquoi ? Pourquoi le Dr Becmeur vient, fait toutes les procédures sanitaires ? Il n’y a pas un protocole ? » Dr Raphaël Moog : « Il vient m’aider, c’est normal. »
La présidente : « Le Dr Becmeur arrive et constate l’état catastrophique du patient. Pourquoi il reprend la main ? »
La présidente : « On constate une différente très importante entre le compte-rendu de la laparotomie et celui de la splénectomie. La première opération, tout allait bien, hémostase de la rate, etc. Et saignements abondants et généralisés lors de la seconde opération… »
La présidente : « Et pourquoi vous n’avez pas fait la splénectomie ? » Dr Moog : « Parce qu’il y avait ce problème de coagulation et que ça n’aurait pas réglé le problème. »
La discussion porte sur la laparotomie, il y a un problème avec la CIVD (coagulation intra-vasculaire disséminée). Pour le Dr Moog, c’était risqué et c’est pour ça qu’il l’a reculée.
De g à d : Me Renaud Bettcher, un collaborateur, Me Jean-Christophe Coubris, Me Nicolas Fady – Derrière, la procureure Morgane Robitaillie (Dessin Guillaume Decaux)
 
La présidente : « Pourquoi est-ce que vous continuez alors qu’on est arrivés aux limites de la transfusion ? » Dr Moog : « La transfusion amène des globules rouges. Mais quand on a des problèmes de coagulation, ce sont les anesthésistes qui sont les premiers à s’en préoccuper. »
La présidente : « Pourtant, il y a encore des marbrures. Pourquoi vous ne tentez rien ? » Dr Moog : « On venait de l’emboliser, on me dit que c’était un succès. Donc ces symptômes n’ont pas été mis sur le compte du syndrome compartimental. »
La présidente : « Quelle est l’intérêt de garder la rate si elle est embolisée ? » Dr Moog : « La rate n’est pas une vascularisation terminale. On peut opérer une partie et garder une partie de ses fonctions. »
Dr Moog : « L’embolisation venait d’être faite. Le problème hémorragique devait être réglé par cette opération. »
La présidente : « Après l’appel à 2h57 du Dr Mayer, vous vous déplacez et vous constatez les marbrures sur les jambes. Pourquoi vous ne faites rien ? »
Me Bernard Alexandre : « Vous prenez comme quantité négligeable que l’interne n’a pas appelé le Dr Moog alors que son état se dégradait. Mais c’est important madame la présidente ! »
Me Jean-Christophe Coubris, avocat des parents de Maxime Walter (Dessin Guillaume Decaux)
Me Bernard Alexandre : « Vous prenez l’histoire par la fin madame la présidente. Comment pouvait-il se douter des complications alors qu’il y a deux médecins seniors dans le service. »
Fidèle à son style, la présidente Sophie Thomann est très pugnace, demande comment il est possible que le Dr Moog ne s’inquiète pas.
La présidente : « Il y a un interne, un jeune, il est débordé… VOus savez qu’il y a un grade 4, un blush artériel… C’est un cas grave et vous, vous rentrez chez vous… » Dr Moog : « Parce qu’il est sous la responsabilité de deux médecins seniors, Dr Mayer et Dr Olexa. »
La présidente : « Mais à 21h, on avait atteint les limites. Vous avez donné instruction de passer 4 culots supplémentaires, on est au 8 culots… Pourquoi vous ne vous inquiétez pas ? » Me Bernard Alexandre : « Il n’a pas les informations. C’est un point essentiel du dossier. »
La présidente : « Donc à 18h, il a reçu les 8 culots, il était donc au maximum, aux limites du traitement non-opératoire selon vos propres déclarations. L’état de Maxime ne s’améliore pas mais au contraire se dégrade. Il y a la paresthésie, les marbrures… L’interne de garde ne vous appelle pas mais vous pourriez le faire, non ? » Dr Moog : « L’interne de garde était aux urgences, elle devait m’appeler quand il y a un problème. Je ne peux pas l’appeler alors qu’elle reçoit tous les traumatisés du week-end. »
La présidente : « La littérature indique qu’il y a un max de 40 ml par kilogramme de masse corporelle. Vous êtes d’accord ? » Dr Moog : « Oui. »
Discussion autour du volume de sang transfusé dans Maxime…
La présidente : « Il y a un quiproquo en fin d’après-midi, le Dr Mayer n’a pas pu vous dire que Maxime allait bien alors qu’il sortait de la chambre. Comment ça se fait que vous repartez chez vous ? » Dr Moog : « Je quitte le service à 18h30 – 19h – J’y suis arrivé vers 16h30. »
La conversation porte à présent sur l’arrivée du Dr Moog dans le service. Pourquoi est-il passé par la chambre d’une petite fille, victime d’un problème neurologique: Dr Moog : « L’infirmière me dit que les parents de la petite fille n’ont vu aucun médecin depuis qu’ils sont arrivés. C’est courant que les neurochirurgiens ne soient pas toujours disponibles. »
Me Alexandre rappelle que les Drs Olexa et Mayer ont été mis en examen également, et qu’ils cherchaient lors de leurs déclarations à se défendre : « On ne peut pas croire les paroles de ces médecins comme parole d’évangile et mettre en doute toutes les déclarations du Dr Moog. »
La présidente : « Tension artérielle 70 / 37. Il est stable ? » Dr Moog : « A ce moment là, non. » La présidente : « Le Dr Olexa vous fait part de son inquiétude. » Dr Moog : « C’est pour ça que je me déplace. »
La présidente : « Quand le Dr Olexa vous appelle à 15h30 avec un taux d’hémoglobine à 5,9 g, qu’est-ce que ça vous évoque ? » Dr Moog : « Qu’il y a un traumatisme important. »
Le Dr Moog connaît très bien le dossier et la chronologie des analyses sanguines.
Le Dr Moog se défend âprement, notamment sur le taux d’hémoglobine, jugé préoccupant par la présidente, pas tant que ça par le médecin.
La présidente revient sur la stabilité du patient. Elle questionne le Dr Moog sur des éléments du dossier. Pour le Dr Moog, le patient était en stabilité précaire, avec une tension au dessus de 9.
La présidente : « Il a une hématénèse (sang ingéré). Comment vous l’expliquez ? » Dr Moog : « Il avait une sonde urinaire. » La présidente : « Pas à ce moment là » Dr Moog : « Les pompiers signalent un saignement de nez. Il a pu en ingérer. » La présidente : « A ce point ? »
La présidente : « Donc qu’est-ce qui provoque une tachycardie en l’absence de douleur ? » Dr Moog : « Une hémorragie. »
La présidente Sophie Thomann : « Que faites vous avec l’information de la fréquence cardiaque ? » Le Dr Moog : « Ça se voit lorsque la douleur est importante. » Me Bernard Alexandre : « Entre 15h50 et minuit, personne n’appelle le Dr Moog, il faut le rappeler. »
Me Renaud Bettcher, avocat des grands parents, intervient régulièrement dans les débats entre la présidente et le Dr Moog (Dessin Guillaume Decaux)
La présidente essaie d’avoir des réponses courtes. Le Dr Moog tient à contextualiser, ce qui a le don d’agacer Sophie Thomann.  
La présidente : « Que faisiez-vous cet après-midi ? » Dr Moog : « J’étais à la maison. » La présidente : « Vous pouvez avoir des activités, vous étiez d’astreinte. » La présidente : « J’étais à la maison au repos, après une semaine de travail avec une opération et des jours de garde. »
Sur son déplacement ou non, le Dr Moog rappelle qu’il n’y a pas lieu de se déplacer à chaque fois qu’un patient est stable. Dr Moog : « depuis cette affaire, je me déplace systématiquement. Je fais moins confiance aux rapports des gens sur place. »
Le Dr Moog tente d’expliquer qu’on lui propose d’opérer en fonction des informations qu’il reçoit. La présidente : « mais c’est vous qui décidez d’opérer ? » Dr Moog : « Oui »
La présidente essaie de savoir qui a décidé quoi et quand. Elle revient sur la discussion en cours d’après-midi.
Selon le Dr Moog, la littérature scientifique indique qu’il est possible de s’en sortir avec une rate lacérée de grade 4, même avec blush, sans opération.
La présidente : « Combien de grade 4 avez-vous traités ? » Le Dr Moog : « 3 grade 4 sur 150, ils sont sortis sans être opérés. » La présidente : « Vous dites ça comme ça, ou vous avez des éléments ? » Dr Moog : « Vous voulez voir les dossiers ? »
Le Dr Moog reprend : « L’intérêt de préserver la rate est important chez les enfants. »
Le présidente reprend : « Vous êtes l’auteur d’une publication, traitement non opératoire de la rate, en 2004. Vous connaissez que le risque d’une lacération de grade 4 est très élevé, compte tenu des possibilités d’hémorragie. »
La présidente cherche à déterminer quelles étaient les informations en possession du Dr Moog dans l’après-midi.
Grand silence…
La présidente lui demande : étiez-vous au courant de trois éléments : lacération de la rate, blush de l’artère, hémopéritoine massif ? Le Dr Moog ne répond pas vraiment, esquive : « On n’a pas d’interprétation dans la minute après un scanner. J’ai simplement qu’il y a un traumatisme de la rate. Je demande si le patient est stable, on me dit oui. »
Le Dr Moog conteste que la mention du blush existait dans le premier compte-rendu radiologique, dans l’après-midi.
Le Dr Moog rappelle qu’il pense dans l’après-midi que Maxime est entre les mains du Dr Mayer.
Le Dr Moog rappelle que lorsqu’on est d’astreinte, on ne peut pas se déplacer à chaque appel pour vérifier ce qu’on nous dit. Sinon, ce n’est pas de l’astreinte. Lorsqu’on m’indique qu’on a passé le second culo de sang, je me suis déplacé immédiatement. Le présidente lui répond que les témoignages indiquent l’inverse, qu’il ne s’est pas déplacé de suite mais bien plus tard.
Me Bernard Alexandre, très concentré pendant le rappel des faits (dessin Guillaume Decaux)
(nous avons quelques soucis de connexion)
Le Dr Moog explique que le résumé donné par la présidente est partiel, et insiste pour y ajouter certains éléments. Il rappelle un dialogue avec l’équipe qui a pris en charge Maxime, qui démontre une absence d’inquiétude en début d’après-midi. Dr Raphaël Moog : « Le Dr Mayer est un senior, il m’alerte en cas de problème. »
L’audience reprend, le Dr Moog demande de pouvoir s’exprimer, ce que la présidente accepte.
Guillaume Decaux est présent avec nous aujourd’hui, voici la présidente Sophie Thomann :
La présidente Sophie Thomann (dessin Guillaume Decaux)
La présidente Sophie Thomann  en a terminé avec l’exposé des faits, elle suspend l’audience pour une pause de 15 minutes.
La présidente Sophie Thomann : « Vous dites encore aujourd’hui que vous ne savez pas comment sauver Maxime, que si vous l’aviez opéré à 15h, il serait tout de même décédé et vous n’auriez pas eu de problèmes. »
La présidente Sophie Thomann : « Vous indiquez qu’il y avait deux complications inverses : hyper pression abdominale et absence de coagulation et qu’il vous fallait choisir. On interrogera les experts mais je pense qu’il y avait des solutions. » Note: le syndrome compartimental est une hyper pression dans l’abdomen sur les autres organes vitaux.
La présidente Sophie Thomann : « Vous indiquez ne pas avoir pensé au syndrome compartimental, car il n’est pas décrit chez les enfants. Mais Maxime n’est plus un enfant, il pèse 50kg, mesure 1m70, très musclé… »
La présidente Sophie Thomann : « Vous dites dans vos auditions que Maxime était hémodynamiquement stable, alors que vous étiez informés que le taux d’hémoglobine était extrêmement bas, la créatinine trop élevé, etc. Vous ne le voyez qu’à 18h mais vous n’avez pas pu l’examiner car il était agité. »
La présidente Sophie Thomann : « En résumé, si au départ le traitement non-opératoire pouvait être justifié, vous auriez déjà dû vous déplacer, discuter avec l’équipe et assurer une surveillance « armée » comme disent les experts. Dans la soirée, tous les clignotants étaient au rouge, hémorragie massive, hémipéritoine important, etc. Là il n’y avait plus le choix pour tous les experts. »
La présidente Sophie Thomann : « Mais ces experts indiquent que les informations des analyses auraient dû faire interrompre le traitement non-opératoire en fin d’après-midi. En ne se déplaçant pas, le Dr Moog n’a pas pu analyser les clichés, ce qui lui aurait permis de ne pas persister dans le traitement non-opératoire. »
La présidente Sophie Thomann : « La troisième analyse montre que lorsque la splénectomie est survenue trop tard, et que l’état de Maxime était déjà irréversible. Les experts notent clairement que la prise en charge par l’équipe des urgences était conforme. Le choix non-opératoire était légitime selon ces 3e experts mais ils notent que des signaux laissaient présager des contre-indications, notamment le « blush ». »
La présidente Sophie Thomann : « Deux autres expertises ont été ordonnées. Selon les seconds experts, les choix du Dr Moog ont favorisé l’évolution de Maxime Walter vers le décès. »
La présidente Sophie Thomann : « Selon ces experts, il n’y a pas d’aléas, mais une conséquence de non respect des règles de l’art. »
La présidente Sophie Thomann : « Selon eux, à 21h, il était impératif d’opérer, il n’y avait pas lieu d’attendre 3 heures pour pratiquer une embolisation. »
La présidente Sophie Thomann : « Pour les premiers experts, le grade 4 obligeait à discuter de la méthode chirurgicale, car la méthode non opératoire prévoyait un taux d’échec de 83%. »
La présidente Sophie Thomann : « Une première expertise note que Maxime pesait 63 kg à sa mort, alors qu’il en faisait 50 à son arrivée aux urgences. »
La présidente résume les conclusions des expertises.
La présidente Sophie Thomann : « Des poches de sang continuent de lui être transfusées, les constantes de sang s’améliorent mais l’acidité reste préoccupante. Dans la soirée, Maxime a fait un arrêt cardiaque, puis un autre irréversible. Il a été déclaré décédé à 23h58 le mardi. »
La présidente Sophie Thomann : « Pendant cette opération qui a duré de 10h15 à 11h50, le patient est stabilisé.  Le Pr Becmeur indique que l’état du patient était catastrophique. »
La présidente Sophie Thomann : « Maxime fait un arrêt cardiaque, il est récupéré par l’équipe. Vous êtes rappelé au bloc et vous opérez à la splénectomie (ablation de la rate), le Pr Becmeur vous assiste et son audition est éclairante. »
La présidente Sophie Thomann : « Mais au retour du bloc, Maxime saigne abondamment, y compris par les orifices naturels. Les poches de sang passaient en 10 mn quand il faut normalement une heure… »
La présidente Sophie Thomann : « On constate qu’un caillot qui faisait hémostase autour de la rate, sans aucun saignement actif visible. C’est votre premier acte chirurgical. Vous mettez en place un drainage et vous terminez l’opération à 7h10. »
La présidente Sophie Thomann : « Vous êtes rappelé à 5h26 et à ce moment là, vous décidez l’évacuation en procédant à une laparotomie. La vidange est évaluée à 3 à 4 litres de sang… »
La présidente Sophie Thomann : « Le Dr Mayer est très préoccupé par l’état des veines des membres inférieurs et par l’abdomen très tendu. Dans la nuit, vous vous déplacez et vous suspectez un syndrôme compartimental. Vous massez les jambes pour faire disparaître les marbrures, elles disparaissent puis reviennent… »
La présidente Sophie Thomann : « Elle est réalisée par le Dr Jahn, qui note une vasoconstriction généralisée. Elle précise que l’embolisation de l’artère splénique est extrêmement rare. Quatre nouveaux culos de sang sont transférés à Maxime. »
La présidente Sophie Thomann : « Le Dr Mayer, médecin en réanimation, vient à minuit et constate l’état de Maxime. Il vous appelle pour opérer. Vous lui dites que vous allez tenter plutôt une embolisation pour stopper l’hémorragie. »
A 21h30, léger mieux du taux d’hémoglobine. Tension à 70 / 31 à 22h. La créatinine est à plus du double de la norme supérieure. Le bilan sanguin est catastrophique.
La présidente Sophie Thomann : « A 20h, nouvelle chute de tension, une sonde urinaire est posée car l’urêtre ne fonctionne plus. Mais il y a un problème avec la vessie. Maxime a des marbrures aux jambes, il a mal aux jambes… »
La présidente Sophie Thomann : « Vous vous contentez du dossier médical. La Dr Olexa indique qu’elle vous a à nouveau alerté sur les chutes de tension, le ventre dur et tendu, etc. Vous répondez d’administrer des antalgiques plus puissants. La tension est à 78 / 42 à 17h et continue de chuter. Son état est préoccupant. »
La présidente Sophie Thomann : « Le Dr Olexa indique que vous êtes passé seulement après le passage des quatre culos de sang, soit après 18h, le Dr Mayer dit la même chose. Il y avait une autre petite fille à voir avant. Quand vous voyez Maxime, vous ne l’auscultez pas, on vous entendra tout à l’heure là-dessus. »
La présidente Sophie Thomann : « L’hémoglobine continue de descendre alors qu’on vient de le transfuser de quatre poches. Les autres indicateurs sanguins continuent de franchir des seuils critiques. »
La présidente Sophie Thomann : « L’état de Maxime se dégrade, il a des marbrures sur les jambes, violentes douleurs au ventre, il a des rejets bruns. Sur le score de douleur, Maxime est à 10 sur 10, jusqu’à vers 19h où il juge à 3 sa douleur ressentie. »
La présidente Sophie Thomann : « Le Dr Olexa, de la réanimation, vous appelle. Vous ne répondez pas, vous rappelez. Elle vous informe de son inquiétude, de la nouvelle chute tensionnelle et elle vous informe que le patient est hémodynamiquement instable et vous indique qu’il est nécessaire dès à présent d’opérer Maxime. »
La présidente Sophie Thomann : « On lui remet 500 cm3, pour la seconde fois. Une nouvelle analyse du taux d’hémoglobine est en chute, ce qui démontre qu’il y a une hémorragie massive. Il passe de 68% à 35% à 15h21. La numération également, le taux de potassium dépasse les normes vers 18h20… »
La présidente Sophie Thomann : « Maxime est transféré en réanimation à 14h où il est transfusé – la garde est assurée par un médecin radiologue. L’infirmière indique qu’il est pâle et que sa tension est basse. Le médecin indique qu’elle est frappée par la différence entre les informations qu’on lui avait transmises et la réalité de son état : il est beaucoup plus pâle, les lèvres décolorées… »
La présidente Sophie Thomann : « Maxime passe un scanner. Le senior radiologue de garde en radiographie confirme le diagnostic de l’interne, à savoir fracture de la rate et épanchement hémipéritoine. A 14h06, vous êtes à nouveau contacté pendant 74 secondes. On vous fait un compte-rendu et vous indiquez qu’il s’agit d’une lésion de grade 4 et vous donnez comme instructions de stabiliser Maxime avec des perfusions. »
La présidente Sophie Thomann s’adressant au Dr Moog : « vous êtes l’auteur d’un article de 2004 sur le traitement opératoire de la rate. »
Sophie Thomann : « Il a mal, il ne veut pas être touché. Le Dr Mayer s’enquiert de la présence du chirurgien et les infirmières ont préparé le bloc. »
Sophie Thomann : « Maxime a une tension très basse, 6/3, les infirmières ont du mal à lui poser la perfusion. Taux d’hémoglobine à 11 g / dl – normales entre 13 et 18. Il n’est déjà pas stable hémodynamiquement. »
Sophie Thomann : « Maxime est examiné par l’interne de garde. Il se plaint de douleurs au bas-ventre. Une échographie est réalisée par le Dr Secchi qui met en évidence dès 12h une lacération de la rate. Ces informations sont transmises à l’interne de garde, qui met Maxime sous perfusion, avant de lui prendre sa tension. »
Sophie Thomann : « L’infirmier régulateur décide d’un transfert aux urgences pédiatriques comme cas « non critique », il n’avait pas perdu connaissance. Tout ça se passe moins d’une heure après la chute. »
La présidente Sophie Thomann rappelle les faits : « Dimanche vers 10h30, Maxime chute lourdement et se blesse, saigne du nez. Il est immédiatement pris en charge par les pompiers et transporté aux urgences. »
La présidente Sophie Thomann souhaite que « les débats restent paisibles et sans agressivité pour seulement déterminer s’il y a une infraction pénale. » Cette affaire a provoqué de nombreuses passions, écrits, blogs et mobilisations.
On fait avancer les témoins, pour leur rappeler qu’ils doivent sortir de la salle d’audience. Ils seront entendus cet après-midi.
La présidente demande au Dr Moog ses revenus, en tant que praticien hospitalier des hôpitaux universitaires : 5000€ nets + 1000 à 1500€ selon les astreintes. La question des revenus vise à déterminer l’amende en cas de condamnation.
L’audience débute, le Dr Moog avance à la barre.
Le tribunal est entré dans la salle.
Tout le monde est prêt, on attend la présidente Sophie Thomann et ses assesseurs.
Le Dr Raphaël Moog est défendu par Me Bernard Alexandre (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Le Dr Moog comparaît libre et a pu continuer à exercer la médecine et la chirurgie depuis 2008.
Le Dr Moog vient d’arriver dans la salle d’audience, accompagné de son avocat, Me Bernard Alexandre.
Les avocats des parties civiles, Me Bettcher pour les grands parents, Mes Coubris et Fady pour les parents Walter (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Les parties civiles s’installent à leurs places…
En bleu, Thierry Walter, père de Maxime (Photo PF / Rue89 Strasbourg)
On s’installe dans la salle, le public est déjà nombreux…
Le début de l’audience est prévu à 9 heures.

#Maxime Walter

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