Douze jours après la première opération de ralentissement du dépôt Amazon à la Meinau, c’était le dernier rassemblement des livreurs de Fast Despatch Delivery (FDL) ce mardi 30 août. Il faut dire qu’Amazon a réagi… en leur signifiant via un huissier de justice que tout rassemblement devant les grilles du dépôt de la Meinau leur était interdit.
Pour rappel, les salariés ont vu l’activité de ce sous-traitant d’Amazon parmi tant d’autres s’arrêter brusquement le 9 août (lire notre article). Leur salaire de juillet n’avait toujours pas été versé et la société FDL n’ayant pas déclaré sa fin d’activité, ses employés ne sont ni autorisés à travailler pour un concurrent, ni à s’inscrire à Pole Emploi. De quoi mettre ces travailleurs dans des situations financières très compliquées.
Des salaires enfin versés
Depuis la première opération devant l’entrepôt d’Amazon, les salariés ont enregistré quelques progrès. Ils ont reçu des paiements pour leur salaire de juillet et les 9 jours d’août. « Certains ont reçu 200 euros, d’autres 2 200 euros, mais on n’a pas reçu de fiche de paie. Ceux qui ont touché beaucoup sont démotivés », raconte Ennes (prénom modifié), l’un des livreur présent au dernier rassemblement.
Surtout, une audience est programmée devant le tribunal du commerce, la juridiction de ressort du siège de la compagnie à Bobigny. Le 5 septembre, l’institution judiciaire pourrait prononcer la liquidation judiciaire de l’entreprise et ainsi libérer les employés de leurs engagements.
Des soutiens politique et syndicaux
Pour ce rassemblement final, le député de la circonscription de Strasbourg-sud Emmanuel Fernandes (LFI – Nupes) était à leurs côtés. « Vous ne demandez pas l’aumône, mais juste à être payés après avoir travaillé. Aujourd’hui, des choses aussi basiques que demander son salaire n’est plus respecté. Ce combat, vous le faites pour vous, mais aussi les autres. Tenez bon, ne démissionnez pas », leur a-t-il lancé lors d’une prise de parole. L’élu strasbourgeois sait que ses leviers de député d’opposition sont limités, mais considère que son rôle est d’exercer « une pression institutionnelle » et médiatique. Pour la secrétaire générale de l’Unsa Grand Est, Chloé Bourguignon, la réaction de l’inspection du travail à la mi-août n’est peut-être pas étrangère aux communiqués du député strasbourgeois et de ceux de Thomas Portes, un autre député insoumis très actif sur le sujet. Mais par la suite, Emmanuel Fernandes estime que ces situations peuvent être traitées par l’Assemblée nationale :
« Avec la Nupes, nous voulons porter une loi qui engagerait la responsabilité sociale d’un donneur d’ordres envers ses sous-traitants. Cela existe déjà avec la responsabilité environnementale et nous voudrions étendre ce dispositif ».
Enfin, la situation de FDL pourrait devenir un cas d’école pour voir la loi de 2017 sur le « devoir de vigilance des maisons-mère et des donneurs d’ordres« , peut s’appliquer.
Côté syndicats, les livreurs sont désormais aidés par l’Unsa. Pour son secrétaire général bas-rhinois Mohamed Sylla, cette situation « est inimaginable au XXIe siècle ».
« Amazon fait 460 milliards de chiffre d’affaires et 35 milliards de bénéfices. Ces salariés ont participé à cette émergence. Cette maltraitance détruit le salariat. Nous lançons un appel aux pouvoirs politiques et judiciaires pour des sanctions fermes et des lois adaptées afin qu’Amazon soit reconnue responsable ».
« Qu’on en finisse »
Après 12 jours de présence, les ex-chauffeurs livreurs de FDL espèrent que cette dernière action donne du retentissement à leur cause, et soit considérée par la justice. C’est le cas d’Ennes, 26 ans et chauffeur depuis ses 18 ans. « J’attends qu’une chose, qu’on en finisse en bien ou en mal ». Après deux ans avec FDL, il ne sait pas s’il retravaillera pour un autre sous-traitant d’Amazon, « c’est le seul endroit où il y a tant de problèmes ». Il imagine suivre une formation pour devenir ambulancier. Pour cela, il faudra que le tribunal de commerce lance les démarches que se refuse de faire Fast Despatch Logistics, qui ne répond plus.
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