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Christophe Agius, ce grand timide de Souffel’, devenu la star mondiale du catch francophone

Habitant à Mundolsheim, Christophe Agius est devenu une star des shows de catch pour le monde francophone. Normal, il connaît tout de cet univers, sur tous les continents et depuis qu’il est tout petit. Mais Paris n’était pas fait pour ce grand timide.

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De son propre aveu, Christophe Agius est un feignant. Il travaille deux jours par semaine et ça lui va très bien. Son boulot ? Il se l’est créé à l’âge de 6 ans. Sur l’escalier de sa tata Thérèse, il commentait les combats de deux Playmobils. Trente ans plus tard, il commente les matchs de catch de la WWE (World Wrestling Entertainement) pour les chaînes du groupe Mediawan. Gros muscles, gueules patibulaires et shows imbibés de Coca-Cola, c’est son truc.

Le catch lui est tombé dessus, littéralement, sur le canapé de ses parents à Souffelweyersheim. Chaque samedi, des invités sont à la maison et l’un des enfants, Stéphane qui a 13 ans, est autorisé à regarder les shows de catch sur Canal+. Il en profite pour martyriser le petit Christophe, 6 ans à l’époque, en essayant sur lui les prises : torsion de bras, retournement sur le canapé… Christophe se laisse faire. Ces combats à armes inégales lui permettent de veiller un peu plus tard et, étant un peu timide, il n’ose pas trop dire non. Le rituel parental des samedis cesse mais Christophe continue de regarder Hulk Hogan démonter son ennemi juré d’alors, le français André le Géant pour le titre mondial.

Christophe Agius en août 2022, en civil Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Il obtient de ses parents l’installation d’une parabole pour suivre d’autres matchs sur des chaînes étrangères. Puis en 1997, son père rapporte un modem à la maison. Voilà Christophe raccordé à Internet. Avec son copain de lycée de l’époque, David alias Naniwa en référence à un catcheur japonais, ils créent une lettre sur Yahoo! Groupes : l’Alternative Wrestling Newsletter. Ils débutent avec une édition par semaine, ils en enverront une par jour à plus de 3 000 personnes deux ans plus tard.

Trafic mondial de cassettes de catch

L’époque est un peu folle. Christophe échange des cassettes vidéos de catch avec des correspondants aux quatre coins du monde, tous aussi passionnés que lui. Catch féminin, catch japonais, catch indépendant, catch hardcore, tout y passe. Au lycée, sa passion indiffère. Christophe est le petit gros vaguement marrant mais que personne n’invite aux boums. Mais le soir et les week-ends, il écrit des pages et des pages à des abonnés reconnaissants, tout en écumant les magasines informatiques pour récupérer des mois de connexion gratuits à Internet via Wanadoo, Infonie ou AOL… À la fin des années 90, Canal+ arrête les diffusions de catch : il n’est plus possible de voir des matchs à la télévision française. L’Alternative Wrestling Newsletter devient le seul média de catch en France.

Christophe l’ouvrier ? Presque…

Au lycée, ses résultats suivent mais à l’université, Christophe se retrouve perdu en sociologie. Toujours feignant, toujours réservé, il décroche et finit par pointer comme ouvrier intérimaire dans une entreprise fabricante de pâte alimentaire à la Meinau.

C’est un message de RTL 9 qui change son destin. La chaîne lui répond qu’elle a bien reçu « toutes les lettres demandant le retour du catch à la télévision, » résultantes d’une campagne qu’il a mené avec l’appui de sa communauté. RTL 9 va diffuser les shows du World championship wrestling. Christophe pourrait-il en faire la promotion auprès de sa communauté ? Bien sûr, sauf que la première diffusion du WCW en France est une catastrophe : les commentateurs ne connaissent rien au catch. Christophe alerte RTL 9 et propose son aide, gratuite !

Le stagiaire repêché in extremis

Voilà l’enfant de Souffelweyersheim à Paris. Même s’il a 19 ans ce 18 février 2000, prendre le train, pendant sept heures parce que c’était de nuit, puis le métro pour se rendre aux studios du Club Dorothée en banlieue… c’était une expédition. Une fois arrivé, tout le monde le prend pour un stagiaire, on lui donne des feuilles pour s’occuper.

Une fois le malentendu levé, on lui propose de s’essayer au commentaire des matchs de catch. Évidemment, Christophe cite les noms de tous les catcheurs, rappelle leur historique, leur progression, qui sont leurs ennemis, etc. Un directeur du groupe AB passe par là, trouve que Christophe « a une voix de merde. » Normal, il n’avait pas encore mué. Mais tous les autres, et notamment son futur acolyte Philippe Chéreau, qui avait déjà quelques années de commentaire sportif à son actif, sont impressionnés. Ses connaissances et son aisance le démarquent.

Philippe Chéreau et Christophe Agius ont un petit numéro en duo depuis vingt ans qui ravit les amateurs de catch Photo : capture d’écran AB1

Pour 800 Francs les deux sessions par mois, le groupe AB profite allègrement de la passion de Christophe pour le domaine, alors que les audiences atteignent très vite des centaines de milliers de téléspectateurs. Porté par un effet de mode en France, le groupe migre le catch sur la TNT et chaîne NT1, qui propose alors les shows les samedis soirs en prime time.

Éphémère vie parisienne

Entre temps, Christophe s’est installé à Paris. NT1 finit par le payer correctement, non sans qu’il ait dû mettre sa démission dans la balance. Le directeur du groupe AB le rattrape en multipliant par trois son salaire. À l’antenne, Christophe joue le méchant un peu bête, volontiers de mauvaise foi. Ça cartonne. Le public se reconnait dans ce rôle d’éternel adolescent qui se révèle quand il éructe au micro à la manière des tonnes de muscles qui s’attrapent sur le ring. « Quand je commence une session, j’oublie tout, précise-t-il. Je ne suis plus timide ni réservé, je parle comme si ma vie en dépendait et je finis trempé de sueur. »

En 2014, Christophe est même envoyé à la Nouvelle Orléans pour couvrir, depuis le bord du ring, les matchs du 30e Wrestlemania, dans un stade surchauffé par 80 000 personnes. Il devra se mordre les lèvres pour ne pas pleurer alors qu’on annonce son entrée au public… qui le salue ! Puis ce sera Dallas, Miami, Brooklyn… Quatre fois par an, NT1 envoie le duo qu’ils forment avec Philippe Chéreau au contact des monstres sacrés du catch le plus impressionnant qui existe.

Mais Christophe ne se fera jamais à Paris, au monde clinquant de la télévision et aux amitiés intéressées… « Au fond de moi, je suis toujours le beauf de Souffelweyersheim », dit-il. De plus, l’étoile du catch pâlit : les shows sont toujours regardés mais les DVD se vendent de moins en moins puis plus du tout.

Choc de maturité

Christophe revient en Alsace, il s’est installé dans une maison de Mundolsheim après avoir eu un enfant en 2020. Un choc de maturité à 42 ans ! « Le catch, c’est toute ma vie », dit-il alors qu’il constate qu’il doit faire une place à sa femme et à son fils. Voilà que celui qui a passé sa vie à suivre le vent doit quand même faire quelques choix. Il y va doucement et il est resté très casanier : quelques potes, les mêmes depuis 20 ans, quelques barbecues, quelques tartes flambées, « ça me va très bien. »

Malgré plus de vingt ans de pratique, il n’est que rarement reconnu dans la rue. La dernière fois, c’était en juillet à Cigoland. « M. Agius, j’adore ce que vous faites », lui a lancé l’amateur de catch. Il est resté interdit. Encore aujourd’hui, Christophe a du mal à accepter un compliment. « Il a fallu que je me rende compte qu’il y a des gens plus nuls que moi, pour que j’accepte l’idée que je me débrouille, » dit-il.


Des Strasbourgeoises et des Strasbourgeois mieux connus par leurs exploits ou leurs réalisations en dehors de l’Alsace que par leurs voisins. Et cette série d’articles est là pour changer ça !

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