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Pollution : les jardins familiaux du Heyritz fermés définitivement

Les derniers jardins familiaux traditionnels du Heyritz à Strasbourg ferment à cause de pollutions dans la terre et les légumes. La Ville voudrait y expérimenter la dépollution par les plantes.

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Les derniers jardins familiaux du Heyritz à Strasbourg vont être vidés d’ici mi-novembre. En mai, la Ville avait annoncé la découverte de pollutions aux métaux lourds et aux hydrocarbures dans la terre, dans les fruits et les légumes prélevés dans plusieurs de ces jardins. Pour la Ville, la fin de la mise à disposition de ces terrains municipaux pour des usages nourriciers était une mesure de santé publique.

Christel Kohler, adjointe au maire de Strasbourg à la nature en ville, rappelle :

« À partir du moment où la Ville a pris connaissance de ces analyses critiques, la responsabilité du maire était engagée si quelqu’un avait été atteint de saturnisme par exemple. »

Une connaissance balbutiante de la pollution des sols

La Ville suggère comme origine de cette pollution la proximité de l’ancienne chaufferie de l’hôpital civil. Mais la compréhension de la pollution des sols urbains est encore balbutiante rappelle Pascale Rouillard, cheffe du service hygiène et santé de la Ville :

« Nous sommes précurseurs dans l’approche itérative, c’est-à-dire par répétition, de l’analyse des sols et des végétaux. Ce n’est que depuis 2007 que le ministère de l’Environnement a arrêté une méthodologie d’appréciation des risques sur les sites pollués. »

La Ville conçoit actuellement une cartographie historique des sols de l’agglomération pour remonter le passé industriel et le potentiel de pollution du territoire. Elle devrait être prête d’ici 3 à 4 ans.

Pour l’heure 16 des 28 jardiniers locataires de la Ville ont accepté ses propositions de nouveaux jardins ailleurs à Strasbourg.

Aux jardins du Heyritz, l’heure est au déménagement (Photo CG / Rue89 Strasbourg

Des jardiniers incrédules

Mais le site où les pollutions ont été relevées comporte aussi des jardins privés, nourriciers, d’agrément ou encore résidentiels. Le service hygiène et santé de la Ville recherche actuellement les propriétaires de ces derniers pour y effectuer des analyses aussi. Christel Kohler admet :

« Il y aura des investigations au titre de l’autorité sanitaire. Si les mesures se révélaient être au-dessus des taux réglementaires, le maire ne pourrait pas rester inactif. »

Concrètement, les jardins privés pollués pourraient être inquiétés s’ils abritent des cultures nourricières.

Pour plusieurs jardiniers du Heyritz, l’argument de la pollution ne passe pas. Ils soupçonnent la Ville de l’utiliser comme prétexte pour libérer le site et y développer plus tard un nouveau projet immobilier ou un parking. Plusieurs pétitions de protestation ont rassemblé des dizaines de signatures dans le quartier.

Concertation sur un futur espace vert

La Ville indique de son côté que le site restera un espace vert non constructible, comme il est inscrit dans le plan local d’urbanisme. Elle assure que les jardiniers délogés du Heyritz et les riverains seront associés à une future concertation publique sur le devenir de cet espace vert.

Romuald Sutter, chef du service espaces verts et nature de la Ville de Strasbourg, promet :

« L’urgence est aujourd’hui de déménager tous les jardiniers qui ont accepté de nouveaux jardins ailleurs. Au printemps, quand les gens seront bien réinstallés, on reprendra contact avec eux pour lancer cette concertation. »

La Ville a d’ores et déjà décidé d’écarter les travaux de dépollution du site par changement de la terre, comme elle l’avait fait à certains endroits dans le nouveau parc du Heyritz. Une telle opération sur le site concerné aurait coûté 800 000 euros à la collectivité.

L’ambition d’une dépollution par les plantes

Elle a en revanche déjà chargé un cabinet de mener une étude prospective sur les techniques naturelles possibles de dépollution et de culture hors-sol.

Christel Kohler voudrait proposer lors de la concertation que le site devienne un terrain d’expérimentation de méthodes de phytoremédiation, c’est-à-dire de dépollution de la terre par les plantes. Son idée s’inspire de l’expérience pionnière Jassur menée par l’Université de Nantes dans 7 villes françaises : Lille, Lyon, Marseille, Paris, Toulouse et Nantes.

Il s’agit de cultiver une partie de l’année sur la terre polluée des végétaux très capteurs de polluants, comme la moutarde par exemple, pour assainir le sol. Ces procédures encore expérimentales ont des effets très lents, et ne sont pas reproductibles d’un sol à l’autre. Mais elles ouvrent une piste alternative à la dépollution par destruction des terres polluées et permettent de maintenir leur biodiversité et leur fertilité en saison. Il faut entre 100 et 400 ans à la nature pour produire un centimètre de terre végétale.


#Dépollution

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