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Sous pression, Polaroid3 annule un concert à Paris

Ce samedi soir, Polaroid3 devait présenter son premier album, Rivers, en concert à Paris. Mais le groupe strasbourgeois a dû annuler le concert, suite à la pression du Cran, un collectif d’associations anti-racistes, qui accuse les musiciens de propager des clichés racistes dans leur iconographie.

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Dans son dernier clip, Rivers, les trois musiciens strasbourgeois de Polaroid3, évoluent dans la neige, grimés et déguisés (voir notre article sur la sortie de leur premier album). Pour eux, il s’agit d’une démarche artistique qui évoque un rapport ancien à la Nature et aux grands espaces. Mais deux musiciens sont maquillés de noir et ça, pour le Cran (Conseil représentatif des associations noires), c’est un « black face« , une pratique jugée « raciste et colonialiste ».

Polaroid3 a eu beau expliquer que leur démarche était à l’opposé de tout racisme et que leurs engagements passés et constants plaident en ce sens, le Cran est resté inflexible. Pour eux, il y a un cliché raciste dans ce clip et le groupe doit les retirer. En conséquence, le Cran a exigé des excuses de la part du groupe, menacé de publier un communiqué incendiaire et de s’inviter à chaque représentation du groupe…

Sur ces visuels de l’album Rivers, les musiciens ont retiré leurs masques, pour le Cran, l’image de gauche véhicule des clichés racistes (doc remis)

La pression a été la plus forte

Les trois musiciens de Polaroid3 sont atterrés et abasourdis par la violence des messages qu’ils ont reçus depuis jeudi, sur Facebook notamment. Et vendredi, le Cran a fait remarquer aux musiciens que les membres de l’association antiraciste ne seraient pas très loin du concert de samedi, puisque le Cran fait partie des associations organisatrices de la manifestation « Justice pour Théo », l’adolescent blessé par la police à Aulnay-sous-Bois, place de la République à Paris soit à quelques rues d’où devait se dérouler le concert… Ambiance.

Les musiciens de Polaroid3 attendaient depuis longtemps de pouvoir présenter le fruit de quatre années de travail à la presse et au public mais face à la pression, ils ont choisi vendredi d’annuler leur concert parisien. Et dans la soirée de vendredi, le groupe a publié un communiqué où les musiciens présentent leurs excuses et promettent de modifier le clip. Le concert de mercredi à Strasbourg pourrait également être annulé.

Une partie des visuels du groupe a également été retirée, ceux où les deux musiciens grimés de noir enlevaient leur masque. Il sera difficile au groupe de faire plus, sauf à refaire entièrement leur clip. Le directeur artistique, Philippe Savoir, a également retiré de son portfolio les images contestées avec cette mention : « série présentée tronquée sur la demande du groupe ayant fait l’objet de menaces et de pressions de la part d’extrémistes. »

Samedi, le Cran a publié un communiqué dans lequel il se félicite du résultat de son action. Pour l’association, outre les visages grimés de noir, c’est toute la mise en scène qui est choquante :

« Le clip met en scène des hommes ayant tantôt une tête d’ours, tantôt une tête de noir, donnant l’impression d’une sorte de proximité ontologique entre les deux. Ces individus hybrides portaient un collier de paille et des tresses, comme on en a traditionnellement dans plusieurs régions d’Afrique. Ces deux hommes noirs, sauvages, animaux, suivaient docilement une maîtresse blanche, pourvue d’une coiffe blanche, d’une robe blanche, le tout dans un décor neigeux, tout à fait blanc, évidemment. »

« N’importons pas des conflits en France »

Ancien président de la Licra du Bas-Rhin, français d’origine sénégalaise, Gilles Winckler n’a nullement été choqué par les photos de l’album de Polaroid3 :

« Je trouve les accusations de racisme à l’encontre des artistes injustes et diffamatoires. J’espère que nous ne sommes pas en train d’importer en France les polémiques incroyables qui ont eu cours ces dernières années aux États-Unis à propos de l’ »appropriation culturelle » (cultural appropriation) et qui ont vu récemment des artistes blanches accusées de prétendu racisme parce qu’elles portaient des dreadlocks —ce qui serait un grave excès et une déviation du combat antiraciste. »

Pour Gilles Winckler, si le ressenti peut être exprimé, il n’a pas à censurer l’expression artistique :

« Si des personnes ont été choquées par ces images, le Cran a eu raison de le dire. C’est légitime. Il faut tenir compte des blessures et des souffrances des Noirs de France, liées à l’Histoire mais également aux violences et aux discriminations subies au quotidien, et dont l’affaire Théo est un révélateur récent et dramatique. Par contre, les injures, les intimidations et la censure sont intolérables. »


#racisme

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