Au sud-est de Londres, dans un immense entrepôt gris et blanc, se cache la plus grande collection de magazines du monde. 160 000 revues, accumulées depuis le début des années 90 par James Hyman, un ancien scénariste de la chaîne de télé MTV.
Avec sa folle collection Hymag, l’Anglais de 47 ans est même entré en 2012 au Guiness World Records. Des producteurs de Netflix, à des designers célèbres en passant par Kate Moss, le public du monde entier se bouscule dans les rayons de cet entrepôt de 900 m², plein à craquer de vieilles revues (pour la plupart anglaises et américaines : Vogue, Playboy, The Face, etc.), dont certaines datent de plus 200 ans.
Sources d’inspirations ou archives historiques, chacun y trouve son compte, tant dans le contenu que dans le contexte que les magazines donnent à voir.
« Ce serait comme perdre la bibliothèque d’Alexandrie une nouvelle fois »
Il faut donc imaginer des rayons et des rayons de vieux magazines. L’équivalent d’1,8 km d’étagères. Avec parfois des revues abîmées, très fragiles. Et surtout avec le risque d’un incendie et de voir tout disparaître. « Ce serait comme perdre la bibliothèque d’Alexandrie une nouvelle fois », analyse Maghan McDowell du magazine Vogue dans une vidéo publiée sur le site de Hymag.
En 2020, James Hyman réalise en effet que ses magazines ne lui survivront pas. Et qu’il faut trouver une solution pour qu’ils soient accessibles à tout le monde entier et surtout aux futures générations. Il se lance donc dans la numérisation de ses bijoux en papier. Mais scanner toutes les pages de 160 000 magazines, ça prend du temps, et de l’argent, et pour l’instant, seules les revues The Face ont été numérisées. C’est là que Numerize entre en scène.
15 millions de pages à tourner et à numériser
L’entreprise alsacienne basée à Hoerdt est spécialisée dans la numérisation de documents depuis 2008. Et lorsque le jeune dirigeant de la PME, Julien Gless, découvre Hymag il y a quelques mois, il n’hésite pas une seconde. « J’ai lu un article qui parlait de James et de son projet, et j’ai tout de suite trouvé son idée géniale. J’ai cherché son mail, je lui ai écrit, il m’a répondu immédiatement, on s’est appelés et c’était parti ! »
Julien Gless est si enthousiaste qu’il a même proposé à James Hyman de faire un essai gratuitement :
« Je l’ai convaincu de m’envoyer un échantillon de sa collection, pour avoir une idée d’un potentiel devis et pour estimer le temps de travail, en fonction de la qualité et de l’état des magazines. Certains sont très vieux, il faut faire très attention quand on tourne les pages, ça peut prendre 3h, mais en moyenne il faut compter 1h par magazine. »
Julien Gless, directeur général de Numerize.
Le jeune trentenaire et la vingtaine de salariés de Numerize ont donc commencé à numériser une centaine de magazines pendant les vacances de Noël. « On fait ça sur nos temps creux pour l’instant ». Mais à terme, Julien Gless espère bien crouler sous le travail en 2021, puisqu’avec 160 000 magazines, il faudrait donc 160 000 heures de travail (18 ans environ) pour les 15 millions de pages à tourner et à numériser. « Si ce projet se concrétise, on devra recruter et mettre une équipe à temps plein dessus », explique le dirigeant.
6 millions d’euros d’investissements nécessaires
Une fois les revues numérisées, « il faut utiliser des logiciels pour gommer les impuretés, explique Julien Gless, puis “océriser” les magazines, c’est-à-dire passer d’un fichier image à un fichier texte, afin que les mots clés soient identifiés pour d’éventuelles recherches ». La dernière étape, c’est l’indexation.
Le concept de Hymag c’est bien sûr de mettre à disposition cette base de données unique, mais aussi de reverser des royalties aux auteurs et aux photographes, en fonction du nombre d’utilisateurs. « C’est là que ça ressemble à Spotify », note Julien Gless. La collection numérique comprendrait un accès gratuit limité et plusieurs offres payantes pour « quelques euros par mois », afin d’accéder à l’ensemble du répertoire.
« Pour la numérisation complète et pour la création de cette plateforme, de cette intelligence artificielle, on a besoin de 6 millions d’euros », détaille l’entrepreneur. James Hyman a commencé une levée de fonds il y a plus de trois mois, accessible ici (il a déjà récolté plus de 20 000£), mais Julien Gless rêve désormais d’un partenariat plus global et plus important avec un musée, une bibliothèque, un fonds d’investissement ou mêmes des investisseurs privés.
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