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Philippe Steinmetz, 22 ans avec Ralph Stokes, condamné à mort

Héritier d’une forte tradition chrétienne, le strasbourgeois Philippe Steinmetz a toujours été contre la peine de mort. Étudiant, il se lance dans une correspondance avec Ralph Stokes, condamné à mort à Philadelphie. Plus de 20 ans plus tard, il s’écrivent toujours.

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(Flick/djking/Cc)

Philippe Steinmetz, strasbourgeois de 49 ans, était encore étudiant en école de commerce lorsqu’il a écrit sa première lettre à Ralph Stokes, un détenu condamné à mort aux Etats-Unis pour un braquage sanglant. Né dans une famille catholique par son père, protestante par sa mère et pratiquante, sa réflexion à propos de la peine de mort à débuté en 1981 lors du débat en France sur son abolition. Il s’est prononcé contre cet acte « barbare et inhumain ».  En 1986, étudiant, il rejoint l’Association des chrétiens contre la torture à autrui (Acat). Il raconte comment sa relation épistolaire avec Ralph Stokes a débuté en 1991 :

« Je me souviens, entre deux cours dans l’amphithéâtre, je faisais souvent signer des pétitions contre la peine de mort aux autres étudiants. Un jour l’Acat m’a contacté pour me dire qu’un condamné à mort américain cherchait un correspondant anglophone. Je n’ai pas vraiment réfléchi avant d’accepter. J’étais jeune et idéaliste. Je me suis dit : si je ne le fait pas, qui le fera ? Écrire est pour moi c’est un moyen de lutter contre la peine de mort mais aussi un devoir chrétien. »

Philippe Steinmetz (Photo JS)

Une correspondance à travers les années

Au début, il n’imaginait pas que cette correspondance durerait aussi longtemps. Ralph Trent Stokes est accusé par la justice de Pennsylvanie d’avoir participé à un braquage dans un restaurant qui fit trois morts en 1982. L’enquête d’alors de la police s’effectue sous une pression politique intense. Ralph Stokes, employé du lieu, s’est présenté de lui-même à la police lorsqu’il a appris qu’il était sur la liste des suspects. Mal lui en a pris, il est identifié par ses collègues, écroué puis jugé coupable et condamné à la peine capitale en 1983. Il a alors 19 ans.

Mais l’enquête est très controversée et lors du procès, l’avocat commis d’office n’aurait pas correctement assuré la défense de Ralph en occultant certains éléments de l’enquête. Depuis sa première condamnation, le détenu a introduit de nombreux recours judiciaires pour retarder ou éviter la peine capitale. Philippe Steinmetz précise sa relation avec Ralph Stokes :

« Dès le début je savais que ce serait tragique. Ce n’est pas un courrier du cœur. Je ne pense pas qu’il soit innocent mais je crois qu’il peut s’amender. J’essaie de ne pas me faire trop d’illusions, j’espère qu’il sera gracié par un nouveau gouverneur. »

Depuis vingt ans, ils échangent entre trois et onze lettres par an, des lettres de trois pages typographiées habituellement. Philippe Steinmetz et Ralph Stokes échangent sur des sujets très communs, comme les animaux par exemple qu’ils apprécient tous les deux. Evidemment, Ralph Stokes détaille ce qu’il ferait s’il sortait de prison…

« C’est un échange fondé sur l’absence de jugement et l’honnêteté. Je savais que Ralph avait déjà quelques correspondant plus ou moins régulier. Je ne voulais surtout pas l’assommer de questions sur sa condition. Je suis là pour le sortir de sa cellule, pas lui rappeler qu’il est dedans. Je l’écoute et ne lui impose rien. Ralph adore la France et l’idéalise beaucoup. Une fois, il m’a écrit que s’il sortait de prison il s’installerait en France et deviendrait cuistot. »

Un soutien psychologique et matériel

(Flickr / Kruemi / CC)

« Parfois, le groupe de correspondance de l’Acat Strasbourg et moi récoltons un peu d’argent pour l’aider financièrement. Il a ainsi pu s’acheter une machine à écrire. Depuis il met un point d’honneur à écrire tout ses courriers avec. Je lui ai envoyé un guide touristique anglais sur Strasbourg pour qu’il découvre la région. Ralph quant à lui m’envoie des origamis qu’il confectionne. »

Philippe rencontra Ralph en 1993 lors d’un voyage aux États-Unis, leur unique rencontre à ce jour. C’était la première fois qu’il pénétrait dans un pénitencier, une prison qui lui sembla très vétuste. Les portes qui s’ouvrent et se ferment avec fracas, les multiples sas et les détecteurs de métaux furent alors une découverte pour lui. L’équipe carcérale se montra toutefois compréhensive, et accorda aux correspondants une entrevue de quatre heures, le double du temps normal autorisé.

Une fin possible à tout moment

(FlickR / kIM DARam / CC)

Il y a maintenant deux ans, la date d’exécution de Ralph se précise, une échéance que Ralph Stokes et son avocat tentent de repousser par de multiples recours judiciaires.

« Le gouverneur a fixé une date d’exécution. Ça nous a fait un choc. En deux semaines, nous avons échangés cinq ou six lettres. C’était un moment difficile. Finalement l’exécution n’a pas pu avoir lieu puisque Ralph avait engagé auparavant un recours fédéral. Tant qu’une action en justice est en cours, on ne peut l’exécuter. Mais aujourd’hui il a presque épuisé tout ses recours. Mais de nouveaux éléments viennent d’être ajoutés au dossier alors ses proches et moi sommes optimistes. »

Ce cas de correspondance n’est pas inédit en France, et de multiples associations mobilisées contre la peine de mort incitent leurs membres à correspondre avec des détenus. Soixante-dix-huit condamnés à mort ont été exécutés aux Etats-Unis en 2012 (DPIC Year End Report).

Aller plus loin

Site web de L’Acat

Site web de Ralph Trent Stokes


#Philippe Steinmetz

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