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Une plateforme de téléconseils pédiatriques accueillie fraîchement par la profession

Un pédiatre de Strasbourg a lancé « Pédiatre Online », un site qui permet aux parents de poser des questions à des pédiatres, moyennant paiement. Même si le site a le soutien du conseil de l’ordre des médecins, il est accueilli avec réserve par certains pédiatres, qui craignent une concurrence déloyale.

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On ne peut toujours pas faire diagnostiquer un gamin par téléphone, mais on s’en rapproche. Le Dr Arnault Pfersdorff, pédiatre à Strasbourg, a mis en ligne une plate-forme de « téléconseil », Pédiatre Online, qui doit permettre aux parents angoissés d’obtenir quelques réponses basiques sur les symptômes de leurs enfants.

Le « téléconseil », c’est tout le dialogue à distance qui gravite autour de la consultation mais qui n’est pas une consultation. La différence est ténue, mais fondamentale. Autrement dit, un parent va pouvoir utiliser le service pour demander s’il doit s’inquiéter suite à l’apparition de rougeurs sur les fesses de bébé. Si c’est bénin, achetez une crème, c’est du conseil. Si c’est un symptôme pathologique, alors il faut… consulter votre pédiatre.

Un blog en ligne depuis 1996

Arnault Pfersdorff a choisi de lancer cette plate-forme de téléconseil en constatant que la réponse d’Internet aux questions des parents est mauvaise, voire anxiogène. Très souvent, les parents en quête d’infos sur Google se retrouvent sur des forums où les réponses apportées proviennent… de simples particuliers. Le pédiatre strasbourgeois avait un blog, Pediatre Online, lancé en 1996 et dans lequel il distille régulièrement des conseils aux parents. C’est ce blog qu’il a choisi de faire évoluer en plate-forme de téléconseil, en gardant le nom.

Concrètement, des pédiatres professionnels seront de garde, devant leur ordinateur, de 7h à 9h, de 12h à 14h et de 19h à 22h. Ils recevront les appels (3€ la minute) ou les tchats (15€ la session) des internautes et répondront aux questions, en restant dans les limites du téléconseil. Ils pourront le cas échéant prescrire des médicaments qui sont accessibles sans ordonnance. Leur objectif est de désengorger les cabinets des pédiatres et les salles d’attente des urgences pédiatriques.

Pour le Dr Pfersdorff, Pédiatre Online doit également pallier les déserts médicaux :

« Très souvent, on se pose des questions et pour obtenir une réponse il faut se déplacer. Dans certaines région, trouver un pédiatre peut prendre une heure, voire plus en dehors des heures d’ouverture des cabinets. Et si la réponse à apporter est simple, c’est du temps de perdu pour tout le monde, pour la famille comme pour les professionnels de santé. »

Doliprane, Advil, les deux ? La question que tout parent s’est posé un jour… (Photo Martin.Menu / FlickR / cc)

Gratuit si une consultation est nécessaire

L’internaute ne paie que si le conseil a été utile. Si une consultation est nécessaire, il est renvoyé vers son pédiatre et il n’est pas facturé. Un comité scientifique d’une dizaine de pédiatres a été créé par le site pour définir et préciser si nécessaire les limites de ce qui relève du conseil et de ce qui nécessite une consultation, et le site s’est assuré du soutien du conseil de l’ordre des médecins.

Mais les pédiatres restent méfiants. Président du groupement des pédiatres du Bas-Rhin, Yves Alembik, explique :

« Le conseil aux parents, on considère que ça fait partie de notre boulot et c’est gratuit. Alors certes, ces conseils ne sont pas immédiats mais au moins, on connaît la famille et les enfants. C’est toujours délicat de déterminer si des symptômes sont bénins au téléphone sur des sujets inconnus… Et puis faut-il une réponse clinique dès qu’un enfant a 38,5° de fièvre ? Au groupement, on n’est pas opposé à la démarche du Dr Pfersdorff, mais on reste vigilants et on rappelle que nos cabinets sont accessibles et que les gardes sont là pour répondre aux parents qui se posent des questions. »

Soupçons de concurrence déloyale

Même tonalité, fraîche, au syndicat national des pédiatres de France (SNPF). Sa présidente, Brigitte Virey, va surveiller les aspects liés à la concurrence :

« On voit apparaître des plate-formes paramédicales fréquemment, la dernière en date proposait des « second avis médicaux », très chers. Au moins celle du Dr Pfersdorff est lancée par un pédiatre, en lien avec le conseil de l’ordre… C’est rassurant mais on sera attentifs aux distorsions de concurrence qu’une telle plate-forme pourrait provoquer. On est conscients des problèmes d’accès aux pédiatres mais une plate-forme privée n’est peut-être pas l’unique solution. Le syndicat va devoir se pencher sérieusement sur cette question des consultations à distance. »

D’autres pédiatres, sous couvert d’anonymat, ont des avis plus tranchés encore :

« Au téléphone, les signes caractéristiques d’une rhinite sont les mêmes que ceux d’une bronchiolite. Sauf que l’un est bénin et que l’autre nécessite une prise en charge immédiate. Aujourd’hui, rien ne remplace le contact et l’oeil du médecin qui connaît son patient et ça, les plate-formes sur Internet l’occultent systématiquement. Et après, dans les cabinets, on se retrouve avec des patients qui ont des tableaux cliniques aggravés parce qu’ils ont été mal conseillés. Mais on est dans l’ère du tout, tout de suite… Ce site répond surtout à ça. »

Pédiatre depuis 1986, Arnault Pfersdorfff a mis en ligne un blog professionnel dès 1996 (Photo)

Vers la téléconsultation en 2017

Le Dr Arnault Pfersdorff prévoit de payer ses médecins de garde de 25 à 40€ de l’heure et d’étendre les horaires en cas de succès. Ils sont une trentaine, souvent de jeunes retraités, à débuter l’expérience de Pediatre Online, via des contrats classiques de médecine libérale. À l’horizon 2017, le site pourrait utiliser les services d’une centaine de médecins répartis sur tout le territoire.

Le site prévoit d’évoluer en 2017 vers une plate-forme de téléconsultation, en défrichant les pistes permises par des évolutions juridiques et réglementaires et en ajoutant un module de visio-conférence. Mais selon, Arnault Pfersdorff, « les premiers tests ont montré que les patients ne savent pas filmer correctement et qu’à l’autre bout, on ne voit pas suffisamment bien pour porter un jugement. Il y a encore des progrès à faire. »

Les fondateurs de la plateforme ont investi environ 100 000€ pour financer leur première année de fonctionnement, abondés par une série d’aides publiques (dont celle de l’incubateur Semia de la Région, une bourse Tango & Scan de l’Eurométropole et un prêt de la BPI).


#Arnault Pfersdorff

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