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Pédaler sans danger sur les boulevards, pas pour demain

Dans la capitale française du vélo, les cyclistes en veulent toujours plus et le font savoir sur Strasbourg 2028. Alors que l’on dénombre à Strasbourg environ 500 kilomètres de pistes cyclables, certaines zones restent hostiles aux vélos et notamment les « grands » boulevards, qui forment une rocade autour du centre-ville. Là, les « carticipants » réclament des aménagements, les associations s’activent pour les obtenir et la collectivité en promet… dans 3 ans. On fait le point.

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Le boulevard de Lyon, la « zone maudite » ? (Photo GG)

Sur Strasbourg 2028, pas moins de 48 propositions de carticipants concernent le vélo, soit 8% des idées émises. Un très beau score, note Eric Hamelin, urbaniste et sociologue, à l’origine du concept, qui précise :

« Les propositions ayant trait au vélo recueillent au total 646 votes favorables, contre seulement 56 votes opposés, à comparer au scores des propositions concernant l’automobile, qui font nettement moins consensus : pour 52 propositions, on compte 455 votes favorables et 141 votes défavorables. D’ailleurs, les propositions « auto » font fréquemment allusion à des réductions de la vitesse ou de l’emprise [sur la chaussée], elles ne témoignent donc pas toutes de discours de pro-voiture. »

Parmi ces propositions, plusieurs vont dans le même sens : aménager les « grands » boulevards (Metz et Nancy, Lyon, Vosges, Forêt-Noire, Clemenceau…), « pour permettre aux cyclistes d’utiliser en sécurité ces axes » (Gauvain R.). Dans les commentaires, les Strasbourgeois valident l’idée, précisant l’importance sur ces boulevards « d’améliorer aussi considérablement le confort des piétons », souhaitant le « rétablissement des terres-pleins centraux à l’usage des piétons et cyclistes, la renaturation des pieds des arbres », ou encore la mise en place de « stationnement sur la chaussée, plutôt qu’en épis sauvages ».

Réunions depuis 2 ans pour sécuriser le boulevard de Lyon

Le boulevard de Lyon est considéré par les carticipants comme particulièrement « dangereux pour les cyclistes ». Une commentatrice note à ce propos :

« Il faudrait matérialiser correctement les pistes cyclables partout, notamment autour de la gare et à la Montagne Verte. Celles-ci étant parfois sur le trottoir, les cyclistes dans certaines zones ne savent plus où elles se trouvent (ou le savent mais la route est dangereuse), et encombrent les trottoirs à toute vitesse surtout aux heures de pointe, au risque de renverser les piétons qui ne savent plus s’ils sont dans leur droit ou non. »

Une autre précise qu’une « commission boulevards » a été mise en place suite à une « auto-saisine portée par le conseil de quartier gare », qui « travaille avec les services de la ville pour trouver une solution ». Et ce depuis déjà plusieurs mois. L’Association des habitants du quartier gare (AHQG) est en pointe sur ce dossier. Elle avait d’ailleurs créé une piste pirate, toujours boulevard de Lyon, en mai 2013, pour accélérer la prise en compte de cette problématique.

« Pas d’aménagement provisoire », mais des pistes en 2017

Aujourd’hui, la situation n’a pas évolué, ou si peu. Jonathan Naas, conseiller technique au cabinet du maire de Strasbourg en charge des transports, explique :

« Sur les boulevards ouest autour de la gare, les choses ont un peu avancé. Avec le tram et le BHNS, des pistes ont été aménagées sur le boulevard Wilson. Au sud, entre la gare et la Porte Blanche, le tram sera mis en service en 2017. Les études sont en cours et l’on ne va pas faire des aménagements lourds pour tout refaire dans 2 ou 3 ans. En attendant, personne ne veut vraiment d’un aménagement provisoire avec des couloirs mixtes vélos et bus. Les chauffeurs de la CTS y sont réticents et, de toute façon, les couloirs actuels ne sont pas assez larges [ndlr, 3,5 mètres, contre 4,5 mètres nécessaires selon la réglementation]. »

Tant que les études sur le tram vers Kœnigshoffen ne sont pas terminées (attendues courant 2014), on ignore où passeront les pistes sur le tronçon Porte Blanche-gare (boulevards de Nancy et de Metz). Or, si l’on ne sait pas où déboucheront les vélos demain, la collectivité ne peut pas aménager des pistes au sud, sur le boulevard de Lyon, jusqu’au pont Pasteur (déjà refait dans le cadre de Vélostras, le périphérique vélos, pour 950 000€).

Utiliser les itinéraires bis et le périph’ Vélostras

La solution préconisée par les services de la ville est d’emprunter provisoirement des itinéraires bis, soit par l’arrière – rue des Foulons, direction les Remparts – soit par l’avant – Musée d’art moderne, en longeant les bords de l’Ill. L’association, comme le conseil de quartier, qui patientent depuis 2 ans, ont revu leur demande « à la baisse », confie Myriam Niss, présidente de l’AHQG. « Aujourd’hui, nous espérons au moins des éléments de sensibilisation des automobilistes à la présence des cyclistes, ou un feu rouge ».

Côté nord, la réflexion n’est pas aussi poussée, même si les carticipants, eux, sont nombreux à réclamer des pistes sur l’avenue des Vosges. « Barrière infranchissable » selon l’un des commentateurs de cette proposition, l’avenue est évitée le plus possible par les cyclistes qui l’utilisent sur des tronçons très courts et plébiscitent les rues parallèles, faute de mieux. Là aussi, le conseil de quartier s’est saisi de la question mais, toujours selon Jonathan Naas, « pour l’instant, rien de concret n’est décidé ».

Et pour cause, cette artère n’a quasiment pas bougé depuis l’époque allemande, faisant la part belle aux voitures sur la chaussée comme sur les trottoirs, encombrés de places de stationnement en épis. « Le pire, c’est que ce type de places de parking ne permet aucune visibilité aux automobilistes qui en sortent et gène la circulation à chaque mouvement », note un riverain. De plus, les trottoirs et la chaussée sont très abimés, tout comme les arbres qui encaissent régulièrement les chocs des voitures.

Avenue des Vosges, il faut tout refaire

« Tout refaire [de façade à façade] coûterait des dizaines de millions d’euros », reconnaît Fabien Masson, directeur du Cadr67 (Comité d’action deux-roues). C’est pourquoi l’association milite a minima pour le partage des couloirs de bus avec les cyclistes. « Ce que nous disons à la CTS, c’est qu’en ville, on ne peut pas pousser les murs, il faut partager l’espace. Or rouler sur les trottoirs entraine des conflits avec les piétons, leurs clients… »

A propos de l’avenue des Vosges, Jonathan Naas confie qu’il « ne faut s’interdire aucune option, même si rien n’a encore été étudié techniquement ». Option 1, supprimer deux voies de circulation pour faire des couloirs vélos-bus en site propre. Option 2, ramener le stationnement sur la chaussée (en longitudinal) et créer des pistes sur les trottoirs – l’option préférée d’Alain Jund, candidat EELV aux municipales et adjoint en charge de l’urbanisme et du vélo dans l’équipe PS-EELV sortante, pour qui cette solution serait même positive pour les commerces. Option 3, faire passer un tram sur cette avenue, « ce qui changerait complètement la donne » (J. Naas).

Exit les voitures sur les quais ? Un jour, peut-être…

Plusieurs acteurs de ce dossier, comme quelques carticipants, vont plus loin encore. Et si l’on ne touchait qu’à la marge aux boulevards, mais que l’on interdisait la voiture sur les quais de la Grande Ile ? Cette solution permettrait de repousser les limites du centre-ville aux dits boulevards. Un saut culturel comparable pour les Strasbourgeois, qui utilisent le vélo au quotidien pour environ 10% d’entre eux, à celui effectué il y a 20 ans à l’occasion de l’interdiction des voitures place Kléber ou place de la Cathédrale.

Sur Rue89 Strasbourg : [Tribune] « La peinture verte est un mensonge », prévient un cycliste accidenté


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