Alors que le sort de la future entité administrative appelée Alsace doit se décider dans le courant du mois d’octobre, le président du Conseil économique social et environnemental (Ceser) est venu mercredi à Strasbourg porter une voix un peu différente. Globalement, le chef de cette instance consultative de 180 représentants de la société civile (entreprises, syndicats, associations…) dans le Grand Est voit les mêmes avantages que les défendeurs du quasi statu-quo : un échelon régional est adapté aux politiques qu’il mène avec un meilleur pouvoir de négociation avec les interlocuteurs comme la SNCF, la possibilité d’améliorer les déplacements dans la nouvelle entité, le développement de nouvelles filières…
L’Ardennais n’est pas complètement convaincu par « ce grand ensemble imposé » qui n’a fait l’objet « d’aucun débat » et qui n’apporte pas les économies annoncées. Il remarque que les collaborateurs de la « seconde assemblée » comme il appelle le Ceser, dont le siège est à Châlons-en-Champagne, passent environ un jour par semaine dans les transports. Malgré ces inconvénients, il estime qu’ »une nouvelle phase transitoire, comme pour la fusion des trois régions, serait catastrophique pour nos territoires. »
Patrick Tassin n’est pas contre une fusion des départements alsaciens, ce qui « renforce les territoires », ni même de quelques compétences assorties. « Nous aussi on sent le désir d’Alsace et je ne parle pas des sondages ou des élus. » Il ressort « presque rassuré » de son entretien avec la ministre Jacqueline Gourault, nouvelle « Madame Alsace » du gouvernement, mais il s’inquiète de quelques « ambiguïtés. »
Une demi-fusion pour un demi statut particulier
Patrick Tassin est contre « une collectivité à statut particulier » qu’appellent de leur vœux Frédéric Bierry et Brigitte Klinkert, à la tête des deux Départements alsaciens actuels. « Rien n’a changé dans l’existence des territoires et des cultures. »
Le statut particulier (comme Lyon et le Rhône ou la Corse) ne semble pas l’option privilégiée par le gouvernement, mais « tout est en place pour qu’il y en ait un », remarque l’ancien syndicaliste. Il s’étonne de voir que le projet actuel prévoit de maintenir une préfecture départementale à Strasbourg comme à Colmar afin d’éviter que les Alsaciens s’entredéchirent sur sa localisation, sans oublier les revendications mulhousiennes. « On nous répond que c’est du domaine du symbolique. Je ne suis pas contre les symboles, mais je pense qu’il n’y a que ça. »
… voire une sortie à terme ?
Une telle organisation est constitutionnellement possible, mais ce signal politique créerait « un déséquilibre » :
« L’État n’a pas fait le même cadeau aux anciennes régions fusionnées. Les services de Metz et de Châlons-en-Champagne ont été recentrés à Strasbourg. »
Dans ces conditions, une sortie de l’Alsace à plus long terme du Grand Est comme le préconise le sénateur André Reichardt (LR) ou (même le maire de Strasbourg Roland Ries qui souhaite un département alsacien « dans un premier temps ») n’est « pas forcement une mauvaise analyse », s’inquiète alors Patrick Tassin.
Pour un transfert des compétences mais de l’État seulement
Sur les compétences, le débat devient plus technique. L’élu de la société civile voit d’un bon œil que certains pouvoirs confiés par l’État au département Alsace :
« Le transfert du bilinguisme par l’État est une bonne chose. Cela apporte un peu plus de décentralisation, alors que nous sommes dans une phase de recentralisation des recettes et même des dépenses avec le pacte financier. C’est aussi un sujet pour la Moselle. D’ailleurs dans le projet actuel, tout ce qui s’applique à l’Alsace est susceptible de s’appliquer ailleurs dans le Grand Est ou en France. »
En revanche c’est lorsque Jacqueline Gourault lui a parlé de transferts de compétences actuellement dévolues à la Région que Patrick Tassin a tiqué, puisqu’il pensait que c’était exclu :
« Le tourisme est déja partagé, comme la Culture, je ne vois pas ce que ça apporterait à part d’avoir moins d’interlocuteurs. On voit bien que le développement est différent en Alsace que dans les Vosges ou dans la Marne. »
Il pointe d’ailleurs qu’entre 2011 et 2017, le nombre de nuitées a progressé de 3,1% dans le Grand Est, soit la meilleure progression en France après la Corse. Un dynamisme qui bénéficie notamment à l’Alsace. Depuis les Ardennes, il avoue ne pas comprendre le débat alsacien sur la compétence économique :
« Les Régions peuvent déjà déléguer des compétences par conventionnement, et l’ont fait à des agences créées par les Départements, comme l’Adira en Alsace. »
La place de Strasbourg en question
Pour tout ce qui est transfrontalier, c’est niet aussi :
« Si on retronçonne, on revient en arrière. Il faut au contraire une vraie stratégie Grand Est car on n’y est pas encore et ça nous est reproché. »
Selon les arbitrages retenus, c’est la place de Strasbourg « capitale » (ce n’est pas un titre officiel) du Grand Est qui se pose selon Patrick Tassin :
« La préfecture de Région est à Strasbourg, le siège du conseil régional est à Strasbourg, le président de Région est Alsacien même si ça, ce n’est pas dans la loi… Si on déshabille la Région de compétences fortes [en Alsace ndlr] cela poserait question… »
Patrick Tassin précise qu’il s’exprime à titre personnel, même s’il pense connaitre le ressenti de son assemblée :
« Cela m’a été demandé dans le cadre du rapport du préfet Jean-Luc Marx, mais j’ai n’ai pas voulu qu’on émette un avis, qui implique un vote. Avec les postures différentes dans la société civile, ça serait devenu vite compliqué. Globalement personne ne veut changer sauf en Alsace, même s’il y a aussi des Alsaciens qui ont la même position que moi. Une minorité se serait dégagée et je ne voulais pas la mettre en porte-à-faux. »
Le président de la République Emmanuel Macron pourrait annoncer le résultat des travaux du gouvernement le 4 novembre, lors de sa venue à Strasbourg. À moins qu’il laisse le gouvernement gérer jusqu’au bout. Patrick Tassin va quant à lui porter le même discours à Reims et à Metz jeudi et vendredi.
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