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Pascal, de l’angoisse de la voiture à l’art de vivre sans

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Éternel passager, Pascal essaie de vivre plutôt bien avec son angoisse de l’examen (Photo BC / Rue89 Strasbourg)

La vie sans permis (3). L’examen du permis de conduire semble souvent une simple formalité. Mais pour Pascal, c’est un Everest à gravir. Portrait d’un Strasbourgeois anxieux du volant, qui a pris le parti de transformer ses échecs répétés en point de vue sur la société de consommation.

Quand je lui explique que je m’intéresse aux angoissés du permis, Pascal accepte de témoigner de son expérience, mais il annonce d’emblée : « Je ne veux pas qu’on fasse de psychologie ! Et attention à ne pas verser dans la caricature ». Chez lui, l’angoisse du permis cristallise le stress de n’importe quel examen. Sans « faire de psychologie » donc, Pascal explique qu’après un premier échec à 18 ans, il a mis dix ans pour se représenter derrière le volant. Il a dû repasser son code… pour essuyer un nouveau revers avant de se retenter sa chance quelques semaines plus tard. Il ne se souvient pas des deux premières tentatives, mais raconte la troisième :

« L’examinateur était assis à côté. Rien que le fait d’être évalué, d’être jugé, ça me stressait terriblement. Au bout de trois minutes, j’ai mordu sur la voie de gauche. Il a bondi sur le volant pour éviter un camion qui arrivait en face. On s’est arrêté. C’était terminé. Il m’a alors fait remarquer que j’avais oublié de mettre ma ceinture de sécurité. Je me souviens que ça nous a fait rire tous les deux : ça avait un côté absurde… Cette épreuve reflète bien le manque de confiance en moi à cette époque : à chaque fois que j’arrivais au jour J, j’étais tétanisé. »

Sans permis, sans complexe

Depuis quinze ans, Pascal a appris à vivre sans permis, et sans complexe. À 45 ans, ce graphiste ne s’encombre plus de formalités. Pour ceux qui le connaissent et l’apprécient, ce détail n’a aucune importance. Ne pas avoir le permis fait désormais partie de sa manière d’être, de sa façon de voir les choses. Il a cessé depuis longtemps de se mettre la pression, en calquant sa vie sur cet état de fait. Quand il a envie de bouger, c’est toujours en fonction des bus, des trains ou des avions. La cartographie de ses désirs de voyages ou de vacances dépend surtout des transports en commun. Il dit n’avoir jamais dû renoncer à quelque chose à cause de ce maudit permis :

« Je ne me pose même pas la question. Je pourrais passer ma vie sans conduire : ça me semblerait normal et logique. Parce que ça représente assez bien ma position face à notre société : à mi-chemin entre l’écologie et la méfiance devant les mouvements de masses. Pour moi, la voiture représente une forme aiguë de la société de consommation et de l’individualisme. Et puis, en tant que cycliste, je me rends compte que les conducteurs roulent comme des dingues, et je n’ai aucune envie d’avoir à gérer le stress des autres au quotidien ! »

À la fois piéton et cycliste, Pascal n’exclut pas se remettre au volant d’ici quelques années… (Photo Rue89 Strasbourg / BC)

Cela ne l’empêche pas d’avoir une voiture, que conduit sa compagne. Pascal est un éternel passager, du genre plutôt confiant… quand c’est un autre qui tient le volant. Il utilise souvent un adjectif pour se définir : « urbain ». Cycliste, usager des trams de la CUS, il n’aurait sans doute pas pu vivre loin de la ville et de son réseau de transports en commun. Arrivé à Strasbourg en 2000, il a d’abord vécu à Neudorf et dans le quartier de la gare, avant de s’installer à Illkirch-Graffenstaden, il y a trois ans. C’est à ce moment-là que la question du carton rose, pour lequel Pascal croyait avoir définitivement tourné la page, s’est soudain reposée.

« C’est vrai que si ma compagne avait voulu vivre à la campagne, j’aurais dû me coller au permis pour rester indépendant. Mais nous avons trouvé le compromis dans notre appartement d’Illkirch. Pour moi, la voiture n’a jamais été synonyme de liberté, et le permis n’a jamais représenté aucun accomplissement personnel ! »

Dépendre des autres, mais « sans culpabilité »

À mi-mots, Pascal reconnaît qu’il a longtemps dépendu des autres pour se déplacer. Il affirme aussi n’avoir jamais éprouvé la moindre « culpabilité ». Ni pour lui-même ni pour les autres.

« Personne ne m’a jamais dit que j’étais un « boulet » parce que je ne savais pas conduire, donc pas me déplacer seul. Je me suis toujours arrangé avec mes potes : il y en avait toujours un pour avoir le permis. Puis avec ma compagne. Ça fait partie de moi et de mon rapport aux autres. Jamais je ne serais capable de passer mon permis pour faire plaisir à quelqu’un. Peut-être que je me fais toute une montagne de cette épreuve alors que je pourrais très bien la surmonter aujourd’hui. Mais je n’ai pas envie de mettre 2 000 euros là-dedans juste pour me prouver quelque chose à moi-même. Je me dis qu’au fond, la seule motivation qui existe serait de l’avoir pour moi, mais uniquement parce que j’en aurais besoin ».

Photographe à ses heures, Pascal aimerait pouvoir se déplacer plus facilement pour faire des séries de photos, sur d’anciens sites industriels lorrains, par exemple. Il n’exclut pas, d’ici un an ou deux, s’y remettre pour de bon. Mais le jour qu’il aura pris cette décision, il ira jusqu’au bout, c’est promis.


#la vie sans permis

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