À l’époque, le Racing enquilla six victoires et un nul au cours des sept dernières rencontres, arrachant son accession en National à l’ultime journée dans ce qui fût une vraie finale du groupe, puisque Raon-l’Étape aurait obtenu la première place si les joueurs emmenés par le sinistre Jean-Philippe Séchet avaient remporté cette ultime rencontre qui se joua à… Épinal.
Les quatre dernières journées, qui ont vu les Racingmen l’emporter à chaque fois parfois avec style, entretiennent l’espoir. Seulement, voilà, en football comme en politique, et pour paraphraser ce que disait le philosophe John Cleese, ce qui tue, ce n’est pas le désespoir – on peut supporter les échecs répétés, tout supporter du Racing depuis 20 ans y est habitué – non, ce qui tue, c’est l’espoir.
Une irrégularité comme un boulet
Il reste quatre journées de championnat. Le club se situe à la quatrième position, la pire, celle du premier des perdants, la “place du con”. Trois points nous séparent du troisième, Bourg-Péronnas, mais ces derniers nous battirent 3-0 chez eux tandis que le Racing l’emporta 1-0 à la Meinau début mars. Comme c’est la différence de buts particulière qui est la règle en National dans de telles égalités, nous comptons en réalité quatre points de retard aujourd’hui, si la décision devait se faire entre eux et nous.
Beaucoup de choses peuvent se passer en quatre journées, comme la saison 2012/2013 l’a démontré. Si Jacky Duguépéroux arrive à installer une régularité en toute fin de saison que l’équipe a été incapable d’avoir jusqu’en avril, c’est évidemment encore jouable.
Cependant, l’irrégularité crispante de l’équipe tout au long de cette saison, qui a vu le Racing battre à la Meinau les trois premiers du classement actuel, s’offrant même le luxe de prendre six points contre le Red Star, fringant leader de la division, tandis qu’il s’inclinait contre Chambly, contre Avranches par deux fois ou fait un nul par manque de concentration à Epinal, pathétique lanterne rouge du championnat, risque de coûter très cher, et en particulier la promotion.
Lucille Guillotin, journaliste à France Bleu Alsace, indiquait récemment sur Twitter qu’avec un National qui comptera possiblement la saison prochaine Sedan, Châteauroux, Nîmes et Arles-Avignon parmi ses pensionnaires, il serait bel et bon de monter tout de suite.
Environ 10% de chance de monter
En se tournant vers les probabilités, et en particulier l’excellent outil proposé par Julien Barnier qui prédisait dès le mois de mars 2014 que le club avait très peu de chances de se maintenir (sportivement) la saison dernière, on n’est pas vraiment rassuré, même si cette fois-ci, c’est vers le haut que l’on regarde, contrairement à la saison dernière. En prenant en compte l’ensemble des résultats des équipes du Championnat de cette saison, et en simulant 1 000 fins de ce championnat, on obtient une probabilité d’à peine plus de 10% d’accéder au podium depuis la victoire de vendredi.
La probabilité diminue à cause des victoires des concurrents. Ce n’est pas infaisable, contrairement à une descente cette saison, qui est désormais mathématiquement impossible. Mais on ne va pas se mentir, ça ne va pas être facile. L’irrégularité de l’équipe a de fortes chances de nous condamner à rester dans cette division sans intérêt.
Malgré la pénible morosité du National, les supporters sont là
Maintenant que l’on a connu les cinq premières divisions du football français, on peut affirmer en connaissance de cause que le National est la pire, la plus ennuyeuse des divisions. Sans personnalité, curieusement hybride, ni vraiment pro, ni vraiment amateur, mal fagotée. Elle n’a pas le charme de la proximité amateur, de la saucisse sur carton avec moutarde et du picon bière et elle n’a pas non plus le prestige chamarré du professionalisme, sa Tourtel, ses compte-rendus télévisuels, son sécuritarisme sans discernement et ses tombereaux de brouzoufs tombés des divinités télévisuelles. Bref, le National, c’est de la merde en palette.
Ce n’est pas tout, pour le supporter (de stade) qui a le malheur d’avoir une activité rémunérée, fixer les journées du championnat de National le vendredi est souvent synonyme de disette stadière. Il est possible d’imaginer que les affluences au Temple du Football de la Meinau auraient été encore un cran plus impressionnantes si la modernité télévisuello-financière n’avait pas fait déplacer beaucoup de matchs à travers les divisions du seul vrai jour de la messe footballistique historiquement en France, le samedi, vers des trucs fantaisistes, dont le vendredi et le lundi sont probablement les choix les plus grotesques. En D2, ce sera la même tisane de toute façon.
De leur côté, les supporters ont rempli leur contrat, malgré l’hérésie du vendredi. L’affluence moyenne à la Meinau écrase la concurrence dans la division, mais étend aussi sa suprématie sur la deuxième division et place le club en queue de tableau des affluences de D1, mais en D1 quand même. Dommage pour le Racing que le destin des matchs ne se joue pas à l’applaudimètre ! Il serait agréable que l’équipe remplisse aussi le contrat de son côté.
Où sont les responsabilités ?
Le scénario de la saison 2012/2013 en CFA évoqué plus haut pourrait se répéter cette année, mais ce n’est pas sûr. Ce qui est certain en revanche, c’est que le potentiel de ce Racing existe, en témoignent les deux succès probants à domicile face au PFC et Red Star. Probants dans le jeu, étriqués dans le résultat (2-1 et 1-0). Capable de faire la nique aux pseudo-cadors du National, le RCS est en revanche emprunté lorsqu’il s’agit d’affronter ces équipes qui ne devraient en principe n’être que des faire-valoir. Dit autrement, le Racing est une équipe irrégulière jusqu’à la moelle et lunatique au possible.
Comment l’expliquer ? Comme toujours, il faut analyser les trois niveaux : joueurs, entraîneur et dirigeants. L’argument le plus facile reste de dire : c’est la faute des joueurs car c’est eux qui jouent. Argument aussi recevable que l’horoscope de TV mag’ : jamais complètement faux car trop superficiel et se bornant à la surface des choses. En réalité, il faut regarder vers la direction : le recrutement est une nouvelle fois petit bras (beaucoup de prêts pour ne pas payer cher) ou pas adapté au calibre d’un club comme Strasbourg : Marques (pour viser la 12ème place ou quoi ?), Bahoken (suffisait de consulter Chris – supp’ écossais francophone du Racing présent à la Meinau dernièrement qui commentait alors de manière lapidaire le recrutement de l’intéressé à la fin de l’été : « Il est nul ! il ne sait pas marquer »), Chrétien (à court de condition, le Ribas 2015), etc.
Se gargariser du bon coup Seka ne mène pas très loin. Si la rigueur (au sens calviniste du terme) budgétaire de la direction est louable et a probablement joué en faveur du club en coulisses lors de la mascarade de la non-promotion de Luzenac et du maintien administratif du RCS, l’autre face de la médaille est une frilosité manifeste pendant le marché estival alors que de gros paris sur des joueurs à haut potentiel auraient pu donner un mordant qui manque à nos joueurs dans les moments difficiles. Miser gros sur des joueurs de qualité avec un risque possible qu’ils ne fassent pas le métier est une attitude totalement différente de miser petit-bras sur des joueurs en promo pour lesquels il existe une petite chance qu’ils s’avèrent en fait géniaux.
Au-delà de l’attitude frileuse sur le marché des transferts, le leadership mollusco-dynamique de Marc Keller est en soi un handicap : les joueurs perçoivent-ils une quelconque exigence de résultats ? Ressentent-ils l’urgence permanente inhérente au lifestyle du Racing dans cette atmosphère ronronnante de partie de scrabble au coin du feu gérée en bon père de famille. Vous l’imaginez notre gendre idéal pousser une gueulante dans le vestiaire ? Rions (jaune).
Duguépéroux aurait-il perdu la flamme ?
Quant au coach Dugué, il semble avoir perdu la flamme et ne parvient pas à marquer de son sceau le style de ce Racing. Peut-on le lui reprocher ? Comme ses joueurs, il semble naviguer à vue au sein d’un projet club aussi clair qu’une pinte de blanche. Cependant, les dernières prestations semblent donner tort à ce diagnostic, et quoi qu’il arrive, le Shaq reste l’homme le plus titré avec le Racing, gloire à lui.
Reste à espérer que cette direction ou une autre osera enfin se donner les moyens sportifs de ramener le Racing vers les « Seasons in the sun » plutôt que de le laisser « Moribond » sportivement, même si le malade a de jolis comptes tout bien rangés. Nous espérons que la magie du sport donnera tort aux probabilités. Après tout, c’est aussi ça le foot : l’espoir que la froideur des chiffres soit renversée par un exploit improbable mais toujours possible dans une Meinau bouillante ! Et tant pis si cet espoir nous tue.
Avec Paolo
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