Le Parlement européen de Strasbourg, sur conseil des autorités françaises, entreprend trois grands travaux autour de son enceinte. Le projet est présenté comme une vaste entreprise de sécurisation de l’édifice. La fermeture plus ou moins ponctuelle des berges cyclables et piétonnes sur le quai du bassin est l’installation qui suscite le plus d’opposition, mais le plus important en taille se trouve du côté du parvis.
Le Parlement va avancer sur un espace utilisé
En effet, l’enceinte du Parlement va considérablement avancer sur le trottoir et l’herbe, rue Lucien Fèbvre. Deux modules du « Parcours d’Europe » imaginé par la Ville de Strasbourg vont se retrouver remplacés par un pavillon, voire des murs. Sur place, des grillages provisoires sont déjà apposés. C’est aussi l’endroit où tous les cars de touristes déposent leurs clients pour de belles photos du bâtiment.
Et surtout, c’est un endroit où avaient l’habitude de se placer des manifestants. Lors de la manifestation contre le traité de libre échange avec le Canada (CETA), les opposants avaient déposé un cheval de Troie gonflable. En juillet 2017, des citoyens avaient utilisé cet espace, et le pont à côté qui restera accessible, pour interpeller les députés sur les faibles réglementations européennes contre l’exil fiscal.
En contradiction avec l’image européenne de Strasbourg
La Ville de Strasbourg a d’ailleurs plus ou moins encouragé cette vocation du Parlement européen à Strasbourg, comme ultime lieu du débat démocratique, en riposte à Bruxelles. Son slogan est même « Bruxelles rime avec technocratie. Strasbourg avec démocratie » (sic !). En février, la municipalité avait mis à disposition deux gymnases pour des manifestants anti-CETA venus de l’Europe entière.
Peut-être les élus strasbourgeois ont même vu une incarnation de ce rôle début octobre. Contre tout attente, les eurodéputés ont rejeté la définition de la Commission de la définition des perturbateurs endocriniens (rendue possible grâce à un revirement de la France suite à l’arrivée de Nicolas Hulot au gouvernement). Ce texte était jugé trop laxiste et pas assez protecteur pour les citoyens. Les élus strasbourgeois ont cependant peu relayé ce geste politique d’opposition aussi rare que fort.
Rares éléments lors d’une réunion de quartier
Dans une présentation par la municipalité le 12 septembre au conseil de quartier de la Robertsau, une partie des aménagements ont été dévoilés. Les services expliquent très simplement que l’enquête publique diligentée à l’été parlait juste d’un « déclassement du domaine public » de la parcelle, sans indiquer ce qui était prévu à la place. Dans ces conditions plus que floues, pas étonnant que la consultation ait peu mobilisée, surtout à cette date.
D’un double sens à un sens unique
Les riverains ont néanmoins eu le droit de choisir dans quel sens la circulation sera réduite. « À l’unanimité les habitants de la cité Ungemach, qui étaient nombreux, ont retenu la solution 2, à savoir l’accès à sens unique de la Robertsau vers la cité Ungemach », se rappelle l’adjointe au maire de Strasbourg pour le quartier de la Robertsau, Nicole Dreyer (PS).
Comme le souligne la présentation, cela obligera parfois les habitants à faire des détours lorsqu’ils iront vers la Robertsau et l’Orangerie. Alors que la question des déplacements vers et dans le futur quartier d’affaires Wacken/Archipel a plusieurs fois fait débat, cette contrainte non-prévue à l’origine s’ajoute. Néanmoins, un parking payant en étages est en cours de construction sur le parking de la piscine du Wacken.
D’autres objectifs que la sécurité
Au-delà des aspects sécuritaires, on comprend dans la présentation de la Ville que l’objectif est aussi de faciliter la vie au Parlement, en différenciant les accès poids-lourds (livraisons, etc.) et employés, en rognant sur l’espace public donc. Les poids lourds passeront par l’entrée actuelle et les véhicules légers par une nouvelle entrée, en descendant sur une future route côté du canal de la Marne au Rhin.
On sait aussi qu’un pavillon d’accueil sera installé, avec portiques de sécurité. Ils sont aujourd’hui dans le cœur du bâtiment Louise Weiss. Les cyclistes et piétons devront eux faire un léger détour, mais évitent tout de même de croiser les rails de tramway.
Peu d’espace restant pour manifester
Pour manifester, il ne restera plus que le haut du pont du Wacken. Cet endroit est plus loin et bien sûr beaucoup plus petit que l’espace actuel. Selon la configuration du pavillon d’accueil, les députés passeront devant ou plus loin. Les manifestations ont pourtant pour but d’interpeller, au moins visuellement, ces élus, par exemple avant un vote.
Pour avoir accès à leurs représentants, les citoyens devront se mettre sur la route. Mais pour des organisateurs de manifestation, tout blocage de la circulation nécessite des négociations avec la police, dans le but de limiter leur impact. Le Parlement européen est justement l’un des endroits où il est très difficile de passer, ce qui faisait que le carré d’herbe à côté était utilisé.
Deux ans de travaux
« Si on restreint de plus en plus les manifestations encadrées, on risque de favoriser celles qui ne le sont pas, potentiellement plus dangereuses. 99% des événements sont déclarés », s’inquiète un habitué de l’organisation de manifestations contacté.
Les travaux doivent durer 20 mois. Après la vente des terrains par l’Eurométropole, ils sont sensés débuter en janvier 2018 et se terminer fin août 2019.
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